Les autorités chinoises sont aux prises avec des inquiétudes internes suite à une rare manifestation publique dans le sud-ouest de la Chine, où trois grandes bannières dénonçant le Parti communiste chinois (PCC) ont été affichées sur un pont dans un quartier commercial très fréquenté – et sont restées en place pendant près de trois heures avant d’être enlevées.
Selon le dissident chinois Yuan Hongbing, qui s’est confié à Epoch Times en citant une source interne, l’inquiétude de Pékin n’est pas due au contenu des banderoles de protestation, mais plutôt à l’effritement potentiel des fondations de l’État de surveillance étroitement contrôlé par le PCC.
Les banderoles, déployées tôt le matin du 15 avril près de la gare routière de Chadianzi à Chengdu, capitale de la province du Sichuan, portaient des messages audacieux appelant à des réformes démocratiques.
« Sans réforme du système politique, il n’y aura pas de rajeunissement national », « Le peuple n’a pas besoin d’un parti politique au pouvoir illimité » et « La Chine n’a besoin de personne pour lui indiquer la direction à suivre, la démocratie est la direction », pouvait-on lire.
L’expression « indiquer la direction » apparaît fréquemment dans les médias d’État chinois à propos du dirigeant du PCC Xi Jinping, souvent dans des titres tels que « Xi indique la direction à suivre pour la réforme de l’éducation » ou « Xi indique la direction à suivre pour l’avenir des Nations unies ».
Des photos des banderoles ont brièvement circulé sur les médias sociaux chinois avant d’être rapidement censurées. Les images ont été conservées par un compte chinois à l’étranger sur la plateforme de médias sociaux X, qui compte 1,9 million de followers. Le message avait été vu plus de 6,4 millions de fois à la date du 26 avril.
4月15日凌晨,四川成都
某高架桥上被人悬挂横幅
“没有政治体制改革就没有民族复兴”
“人民不需要一个权力不受制约的政党”
“中国不需要谁指明方向,民主才是方向” pic.twitter.com/lhM1MofhmQ— 李老师不是你老师 (@whyyoutouzhele) April 14, 2025
Selon la propriétaire du compte, l’écrivaine chinoise Li Ying, qui vit en Italie, le manifestant a partagé les photos avec elle afin d’attirer l’attention d’un plus grand nombre de personnes. Une capture d’écran de son courriel, publiée sur X par Mme Li, montre que pendant près de trois heures les banderoles sont restées exposées. Il lui a expliqué qu’il avait passé un an à les préparer. Dans un autre message, il a noté que de nombreux passants avaient remarqué les banderoles et que certains s’étaient arrêtés pour les lire.
« Je serai probablement arrêté bientôt. Espérons que la démocratie sera instaurée le plus rapidement possible », a-t-il écrit. Selon Mme Li, ce sont les derniers mots du manifestant avant sa disparition dans la matinée du 15 avril.
Selon la source, les banderoles sont passées inaperçues aux yeux des autorités pendant près de deux heures, jusqu’à ce qu’elles soient découvertes par un agent de patrouille. La réaction des supérieurs de l’agent a été encore plus inhabituelle : plutôt que d’ordonner l’enlèvement immédiat des banderoles, ils ont demandé à l’agent de préserver la scène « comme preuve », permettant ainsi aux banderoles de rester en place pendant encore 30 à 40 minutes.
M. Yuan, ancien professeur de droit à l’université de Pékin et aujourd’hui dissident chinois déclaré vivant en Australie, a fait remarquer que le réseau de surveillance omniprésent de la Chine – comprenant la reconnaissance faciale, la surveillance en temps réel et la couverture CCTV à haute densité – a été conçu précisément pour empêcher de telles manifestations de dissidence.
« Cela s’est produit dans une zone très fréquentée et très surveillée. Le fait que l’incident soit passé inaperçu pendant des heures est un signe évident de dysfonctionnement du système de sécurité du PCC », a-t-il souligné.
Selon la source, les principaux dirigeants de Pékin, y compris Xi Jinping, sont plus préoccupés par la lenteur de la réaction de la police que par la manifestation en elle-même. Ils craignent qu’un nombre croissant d’individus « hypocrites » aient émergé au sein du système de contrôle social, adoptant intentionnellement une approche de « gouvernance décontractée », et que ces questions soient devenues « extrêmement sérieuses ».
La police chinoise traite généralement les incidents politiques comme des tâches prioritaires. Ses membres peuvent être sévèrement punis en cas d’inaction ou de réaction tardive. En revanche, ils subissent rarement les conséquences d’une mauvaise conduite portant préjudice aux civils.
La source a également révélé que l’incident a déclenché une enquête de haut niveau, mais – curieusement – pas sous la direction habituelle du ministère de la Sécurité publique. En effet, l’enquête est menée conjointement par les principaux organismes chinois de lutte contre la corruption et de sécurité nationale : la Commission centrale d’inspection de la discipline et le ministère de la Sécurité de l’État.
« Cela témoigne de l’inquiétude politique grandissante de M. Xi », a estimé M. Yuan. « Le fait que le ministère de la Sécurité publique ait été tenu à l’écart de l’enquête montre que M. Xi perd confiance dans l’appareil policier. »
L’événement protestataire de Chengdu a immédiatement été comparé à celui du pont Sitong à Pékin d’octobre 2022, qui fut très médiatisé, lorsqu’un militant solitaire, Peng Lifa, avait accroché des banderoles sur un pont de Pékin réclamant la liberté, des réformes et la démission de M. Xi.
L’action de protestation menée par M. Peng avait eu lieu au plus fort de la politique chinoise du « zéro Covid », avec des messages dénonçant les confinements brutaux du régime, les tests obligatoires et la suppression des libertés individuelles. Son acte de défi avait déclenché une vague de protestations de jeunes dans tout le pays et a contribué au démantèlement des restrictions Covid deux mois plus tard. M. Peng avait été rapidement arrêté le jour de la manifestation et on ne sait toujours pas où il se trouve à ce jour.
M. Yuan pense que l’incident de Chengdu met en évidence un mécontentement croissant, non seulement parmi les citoyens ordinaires, mais aussi parmi ceux qui sont chargés de faire respecter le contrôle de l’État.
« Cette réaction tardive en dit long. Elle reflète une érosion plus profonde de la foi dans le régime et une frustration croissante au sein de la société », a-t-il ajouté.
Cheng Mulan et Luo Ya ont contribué à la rédaction de cet article.
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