Pierre Moscovici annonce son départ anticipé de la Cour des comptes pour rejoindre l’institution européenne

L'ancien ministre socialiste et commissaire européen Pierre Moscovici a officialisé jeudi 18 septembre son départ prochain de la présidence de la Cour des comptes.
Photo: THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images
L’ancien ministre socialiste et commissaire européen Pierre Moscovici a officialisé jeudi 18 septembre son départ prochain de la présidence de la Cour des comptes. Dans un courrier interne transmis aux magistrats de la rue Cambon, dont l’AFP a obtenu copie, il annonce avoir été proposé par la France pour siéger à la Cour des comptes européenne à partir du 1er janvier 2026.
« La France a proposé ma candidature en qualité de nouveau membre français de la Cour des comptes européenne. Cette proposition sera soumise au Parlement européen et au Conseil à l’automne, en vue d’une nomination à partir du 1er janvier 2026 », précise le premier président dans sa lettre. Cette candidature marque un tournant dans la carrière de cet homme de 68 ans qui aura marqué de son empreinte l’institution financière française.
Un départ anticipé après prolongation
Pierre Moscovici, nommé premier président de la Cour des comptes le 3 juin 2020 en succession de Didier Migaud, avait vu son mandat prolongé jusqu’en septembre 2026 par un décret du 15 juillet dernier reculant la limite d’âge à ce poste. Paradoxalement, cette prolongation aura été de courte durée puisqu’il choisit de « clore son mandat avant son terme ».
« Cette proposition m’honore et constitue le prolongement de mon engagement depuis plus de quarante années au service des juridictions financières, de l’État et des institutions européennes », justifie l’intéressé dans son courrier, soulignant la cohérence de ce nouveau défi avec son parcours professionnel.
Une transition en douceur annoncée
Tout en annonçant son futur départ, Pierre Moscovici rassure ses équipes : « Mon mandat ne s’achève pas aujourd’hui : jusqu’à son terme je serai pleinement mobilisé à vos côtés. » Il promet ainsi une transition progressive jusqu’à janvier 2026, affirmant qu’il partira « fier d’avoir été à la tête d’une institution et d’un collectif exceptionnels et tout entier dévoués à l’intérêt général ».
Cette annonce intervient à un moment où la succession à la tête de la Cour des comptes commence déjà à alimenter les spéculations. Selon plusieurs sources médiatiques, les noms de Jean Castex, Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon et Bruno Le Maire circuleraient parmi les successeurs potentiels.
Un parcours politique et institutionnel remarquable
Fils d’un couple de grands intellectuels juifs venus d’Europe de l’Est, Pierre Moscovici a dans sa jeunesse côtoyé le trotskysme avant d’embrasser durablement un positionnement social-démocrate. Ancien élève de l’ENA, il entre au parti socialiste en 1984 et fait ses armes électorales dix ans plus tard lors d’élections cantonales dans le Doubs, territoire qu’il représentera également comme député.
Fidèle de Dominique Strauss-Kahn, il rejoint l’équipe de campagne de François Hollande après que son mentor soit écarté en 2011 par un scandale. Son parcours ministériel l’a mené aux Affaires européennes sous Lionel Jospin, puis à Bercy au début du quinquennat Hollande dans deux gouvernements Jean-Marc Ayrault successifs. Il a également exercé les fonctions de député européen et de commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires.
Un quinquennat à la Cour des comptes sous tension
Le passage de Pierre Moscovici à la tête de la rue Cambon aura été marqué par plusieurs polémiques et interventions remarquées. En juillet dernier, Le Monde s’était fait l’écho du mécontentement de certains magistrats dont le report du départ à la retraite avait été rejeté. Ces derniers dénonçaient « des décisions arbitraires et discrétionnaires » ainsi qu’une gouvernance « très politique ».
Début septembre, le premier président avait riposté en tançant « une poignée de magistrats » critiquant selon lui mensongèrement sa gouvernance par voie de presse, se défendant de tout parti pris politique dans sa gestion. Il avait également dû répondre aux critiques concernant la nomination de Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre socialiste de l’Éducation nationale, en tant que conseiller maître – assurant que la procédure de recrutement avait été « parfaitement objective ».
Des prises de position fermes sur les finances publiques
L’action de Pierre Moscovici s’est également caractérisée par des interventions publiques remarquées sur l’état des finances publiques françaises. Début 2025, il avait menacé de refuser de certifier les comptes de l’État si les recommandations de l’institution n’étaient pas mieux écoutées, dénonçant « l’absence systématique de suites » données aux observations de la Cour.
« Pour la 19e année consécutive, les comptes de l’État ne sont pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives », avait-il souligné, précisant qu' »en l’absence de progrès en 2025, la Cour pourrait être amenée à ne pas les certifier ». Cette position ferme témoignait de sa volonté de renforcer l’autorité morale de l’institution.
À l’automne 2024, inquiet de prévisions économiques mal évaluées ayant abouti à un dérapage du déficit public, Pierre Moscovici, également président du Haut conseil des Finances publiques, avait suggéré que cet organisme prenne en main les prévisions économiques nationales, critiquant implicitement le travail du ministère de l’Économie.
Vers une nouvelle mission européenne
Le départ de Pierre Moscovici vers la Cour des comptes européenne, basée à Luxembourg, s’inscrit dans la continuité de son engagement pro-européen. Cette institution, créée en 1977, contrôle la bonne gestion financière de l’Union européenne et contribue à l’amélioration de la gestion financière de l’UE.
Sa candidature française devra être validée par le Parlement européen et le Conseil européen au cours de l’automne, processus habituel pour ce type de nomination dans les institutions communautaires. Si elle est confirmée, elle marquera le retour de l’ancien commissaire européen dans la sphère institutionnelle bruxelloise, quinze ans après son premier passage rue de la Loi.

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