La politique chinoise de l’enfant unique est à l’origine du trafic illégal des Birmanes

12 décembre 2018 00:05 Mis à jour: 12 décembre 2018 00:05

Pendant des décennies, depuis 1979, Pékin a strictement appliqué sa politique de l’enfant unique, les familles qui ne s’y conformaient pas étaient passibles de lourdes amendes, d’avortements et de stérilisations forcés.

Cette politique a finalement été changée en 2016, mais elle a laissé le pays avec une énorme disparité entre les sexes.

En février 2016, le quotidien d’État chinois Global Times a rapporté que 290 millions d’hommes sont nés en Chine entre 1980 et 2010, soit 36 millions de plus que le nombre de femmes nées pendant la même période. L’écart entre les sexes est plus grave en Chine rurale, où l’on croit traditionnellement que les garçons sont capables de mieux effectuer un dur travail agricole. Liu Yanwu, sociologue de l’université chinoise de Wuhan, a estimé qu’environ 20 millions d’hommes dans les zones rurales sont aujourd’hui incapables de trouver des épouses à cause de cette disparité.

Le chiffre de 20 millions devrait passer à 30 millions d’ici 2020. « Ce sera un problème majeur pour la Chine au XXIe siècle », a-t-il déclaré au Global Times.

Le 7 décembre dernier, un rapport publié conjointement par John Hopkins Bloomberg School of Public Health et Kachin Women’s Association Thailand, un groupe à but non lucratif créé en 1999 pour aider les minorités ethniques vivant dans l’État de Kachin, au nord de la Birmanie, montre que le problème du déséquilibre entre les sexes en Chine s’est étendu à la Birmanie voisine, également connue sous le nom de Myanmar.

Le rapport, intitulé Estimating Trafficking of Myanmar Women for Forced Marriage and Childbearing in China, estime qu’environ 7 500 femmes des États de Kachin et de Shan dans le nord de la Birmanie ont été victimes de mariages forcés avec des hommes habitant en Chine – principalement dans les zones frontalières avec la Birmanie – entre 2013 et 2017.  Environ 65 % de ces femmes (4 900) ont été victimes de la traite par l’intermédiaire d’un recruteur ou d’un courtier en Birmanie ou en Chine.

En outre, la majorité de ces 7 500 femmes a été forcée de porter des enfants pour les hommes.

Du 1er juin 2017 au 31 mars 2018, les chercheurs travaillant dans le cadre du rapport ont mené des entretiens et des sondages auprès des ménages dans 40 endroits du Kachin, du Shan et de la province du Yunnan dans le sud de la Chine, à la frontière avec la Birmanie.

Les chercheurs ont pu parler à des Birmanes qui étaient mariées à un Chinois ou qui avaient porté un enfant sans être mariées à un Chinois. Ils se sont également entretenus avec des chefs religieux, des courtiers en mariage et en travail (un intermédiaire qui donne des conseils sur les possibilités d’emploi dans un autre pays) et des dirigeants communautaires birmans.

Grâce à ces entretiens et sondages, ainsi qu’aux données de recensement de la population de la Birmanie et de la Chine, les chercheurs ont pu estimer le nombre de victimes de mariages forcés, de grossesses forcées et de cas de traite humaine.

Selon leurs conclusions, environ 65 000 Birmanes vivaient en Chine en 2017. Parmi elles, 2 500 ont été mariées de force et 2 300 ont été forcés d’avoir un enfant.

« Les victimes de mariages forcés subissent toute une série de violations de leurs droits et sont exposées à des risques physiques et psychologiques », a déclaré Courtland Robinson, professeur agrégé au département de la Santé internationale de Bloomberg School et auteur principal du rapport.

Selon le rapport, certaines de ces violations comprenaient la violence sexuelle, la violence physique, la violence psychologique et le contrôle de comportement des femmes par leurs maris chinois.

« Il n’a pas une bonne attitude. Mais il est le père de mon enfant, alors je reste [en Chine] », a confié une femme kachin dans l’une des interviews citées dans le rapport. « Nous nous débattons dans une situation difficile. Il a une liaison, consomme de l’opium et me bat aussi », a-t-elle ajouté.

Les Birmanes sont victimes de mariages forcés parce que leurs familles sont parfois confrontées à des difficultés financières extrêmes. Épouser un Chinois pourrait ainsi rapporter de l’argent pour alléger le fardeau financier de leur famille.

Selon le rapport, les Chinois paient généralement 30 000 yuans (3 900 euros) pour une femme, mais le prix pourrait atteindre 300 000 yuans (39 000 euros) pour les filles relativement plus jeunes et considérées comme ayant un plus grand potentiel de devenir enceintes. Certaines Birmanes ont été plusieurs fois vendues pour un mariage, « comme des animaux », a précisé aux chercheurs un enseignant chinois anonyme.

Ces Birmanes courent un grand risque parce qu’un grand nombre de leurs mariages ne sont pas enregistrés auprès des autorités chinoises, ce qui signifie qu’il est peu probable qu’elles reçoivent de l’aide si elles essaient de faire entendre leurs plaintes.

Le rapport appelle le gouvernement birman et Pékin à agir. L’une des mesures suggérées au gouvernement birman est la formation des gardes-frontières et de policiers locaux dans le domaine de la lutte contre la traite humaine. Quant à la Chine, le rapport indique que le régime chinois doit renforcer et appliquer les lois et règlements contre les mariages forcés, la procréation forcée, la traite humaine et la violence domestique.

Frank Fang

Version originale

 

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