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Pourquoi les scanners à fortes doses peuvent présenter des risques pour la santé

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La tomodensitométrie est devenue un outil diagnostique essentiel, mais les recherches suggèrent qu'elle est surutilisée et soumise à des niveaux de radiation trop élevés.

Photo: PHILIPPE MERLE/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

Que ce soit pour un simple mal de tête qui persiste ou un cas suspecté de cancer, la tomodensitométrie (TDM ou scanner) est un outil de diagnostic de référence qui permet aux médecins de voir à l’intérieur du corps sans avoir recours à la chirurgie.

Si la plupart considèrent le scanner comme un miracle médical moderne, des recherches récentes suggèrent qu’il existe un revers à cette technologie : l’appareil émet en effet des radiations ionisantes susceptibles d’endommager l’ADN et d’augmenter le risque de cancer.

Certaines personnes, notamment celles qui subissent des examens spécifiques ou qui présentent un excès de poids, seraient plus exposées. « Les scanners de dernière génération sont très puissants et permettent d’obtenir rapidement des images de haute qualité, mais ils manquent parfois de dispositifs intégrés pour éviter des doses de rayonnement inutilement élevées – en particulier chez les patients corpulents ou lors d’examens complexes », a expliqué à Epoch Times Madan Rehani, professeur de radiologie à la Harvard Medical School et l’un des chercheurs à l’origine de ces travaux.

Le Pr Rehani et ses collègues ont constaté que les doses de rayonnement émises par les scanners augmentent, malgré les progrès technologiques des appareils.

Les raisons de cette hausse sont multiples. Les résultats de deux études récentes publiées dans le British Journal of Radiology et le Journal of Emergency Medicine suggèrent que, si les scanners modernes peuvent réduire les doses de rayonnement, le manque de dispositifs de sécurité, la manière dont les établissements médicaux utilisent cette technologie et l’augmentation de l’obésité exposeraient certains patients à des doses inutilement élevées.

Des études révèlent des tendances inquiétantes

La première étude, parue dans le British Journal of Radiology, a montré que le nombre d’examens au scanner à fortes doses – soit une dose de rayonnement supérieure ou égale à 50 millisieverts – a augmenté de 244 % depuis 2017.
En analysant près de 5000 examens incluant l’indice de masse corporelle (IMC) des patients, les chercheurs ont constaté qu’environ 80 % des examens à fortes doses concernaient des personnes en surpoids ou obèses.
La seconde étude, publiée dans le Journal of Emergency Medicine, a révélé que, bien que les scanners à fortes doses soient relativement rares, les données issues d’un service d’urgences d’un centre hospitalier de niveau tertiaire entre 2019 et 2022 montraient que leur proportion avait quasiment doublé, passant de 0,5 % en 2019 à 0,92 % en 2022.

Cependant, ces deux études reposent sur les données d’un seul établissement et pourraient ne pas refléter la pratique dans d’autres hôpitaux.

Le Pr Rehani a rappelé que les bénéfices d’un scanner justifié sur le plan médical dépassent largement les risques liés aux radiations. Dans les études, plus de 99 % des scanners affichaient une dose inférieure à 10 millisieverts, ce qui limite le risque de développer un cancer.
En revanche, les examens à fortes doses, comme ceux identifiés par l’équipe du Pr Rehani, posent davantage question. Les doses supérieures à 50 millisieverts augmentent en effet de façon statistiquement significative le risque de cancer.

Les effets des radiations du scanner sur la santé

L’être humain est exposé à de faibles doses de radiations ionisantes naturelles, issues par exemple du radon ou de la décomposition de l’uranium dans l’environnement. Selon la localisation, une personne reçoit en moyenne environ 3 millisieverts par an, une dose faible qui ne pose généralement pas de problème de santé.

En revanche, un scanner délivre des doses bien plus élevées. Par exemple, une angiographie coronaire au scanner expose à 16 millisieverts, soit l’équivalent de 5,3 années d’exposition naturelle. De nombreuses personnes sont aujourd’hui exposées à des doses trois fois supérieures, notamment lorsqu’elles subissent plusieurs examens.

Les recherches montrent que les radiations ionisantes d’un scanner peuvent provoquer des cassures dans l’ADN cellulaire. Le corps peut réparer ces dommages, mais il arrive que l’ADN endommagé se réplique de manière incontrôlée, ce qui peut mener au cancer.
Le risque dépend toutefois de plusieurs facteurs : la zone du corps examinée, l’âge du patient au moment de l’exposition et son poids corporel.

Le Pr Rehani, également directeur du programme de protection radiologique internationale à l’hôpital Massachusetts General (USA), précise que les scanners des tissus denses, comme l’abdomen ou le bassin, nécessitent plus de rayonnements. « Ce n’est pas seulement une question de quantité de rayons, mais aussi de sensibilité des tissus : le sein est un organe radiosensible, tout comme la moelle osseuse, le côlon, les poumons et l’estomac. À l’inverse, les extrémités comme les bras ou les jambes présentent une radiosensibilité bien plus faible », a-t-il indiqué.

Si certaines études estiment que le risque de cancer lié au scanner reste faible pour la majorité des patients, une méta-analyse de 2022 regroupant 25 études a conclu que les personnes exposées à de fortes doses ou à de multiples examens présentaient un risque accru de cancer par rapport à celles qui avaient bénéficié de doses faibles ou d’examens plus rares.

L’épidémie d’obésité alimente l’augmentation des fortes doses

Entre 1976 et 1980, le taux d’obésité aux États-Unis avoisinait 15 %. Aujourd’hui, les données des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) “Centres pour le contrôle et la prévention des maladies” montrent que 40 % des Américains sont obèses.

Le taux d’obésité en France atteint actuellement environ 18% chez les adultes, soit près de 10 millions de personnes en 2024-2025, selon les données les plus récentes. Cette prévalence a nettement augmenté ces dernières années.

Chez les patients obèses, l’excès de tissu adipeux rend plus difficile l’obtention d’images de qualité, obligeant les médecins à augmenter les doses de rayonnement pour que le scanner, la radiographie ou d’autres techniques d’imagerie puissent « voir » à travers les tissus.

Le Dr Jorge Green, chirurgien bariatrique certifié, estime que cette épidémie d’obésité contribue à l’augmentation des scanners à fortes doses. « Chez les patients corpulents, il faut plus de rayons pour traverser les tissus et obtenir une image claire, a-t-il expliqué à Epoch Times. L’épidémie d’obésité entraîne une augmentation constante de la corpulence moyenne des patients, et les protocoles n’ont pas évolué en conséquence pour optimiser les doses. C’est un exemple typique d’une crise sanitaire (l’obésité) qui en alimente silencieusement une autre (l’exposition cumulative aux radiations). »

Le Pr Rehani a confirmé que l’obésité figurait parmi les facteurs expliquant l’augmentation des fortes doses dans l’étude publiée dans le British Journal of Radiology. Toutefois, comme l’IMC n’était disponible que pour une minorité d’examens, il reste difficile d’établir un lien direct.

Les protocoles de scanner doivent évoluer

Un modèle de risque publié dans JAMA Internal Medicine suggère que « si les pratiques actuelles en matière de dosage et d’utilisation persistent, les cancers liés au scanner pourraient représenter jusqu’à 5 % de tous les nouveaux cas de cancer chaque année ». Les chercheurs notent également que le nombre de scanners pratiqués aujourd’hui est 35 % plus élevé qu’en 2007.

Le Pr Rehani estime que des alertes indiquant lorsqu’un examen implique une forte dose pourraient aider à réduire les risques. Les professionnels de santé pourraient également améliorer les pratiques : choisir le protocole adapté à chaque patient, limiter le nombre d’images multipliées, suivre régulièrement les doses délivrées et agir pour réduire le recours aux fortes doses sans compromettre la qualité des examens.

« Nous avons besoin que la modulation automatique des doses en fonction de la taille devienne la norme, et non pas une option cachée dans le menu de la console du scanner », insiste le Dr Green. « Trop de services utilisent encore des protocoles standardisés, ce qui expose les patients obèses à des doses bien supérieures à celles nécessaires pour une image de qualité diagnostique. »

Il précise que des logiciels dotés d’algorithmes avancés permettent désormais de traiter les données du scanner afin d’obtenir des images plus nettes, tout en réduisant la dose de 30 à 50 %.

« Mais leur usage reste insuffisant, surtout dans les services d’urgence débordés. Les hôpitaux devraient auditer les doses de rayonnement par catégorie d’IMC, comme on le fait déjà pour les taux d’infection. »

Que peuvent faire les patients pour limiter les risques ?

Les tomodensitométries peut être indispensable pour établir un diagnostic précis ou guider un traitement, par exemple pour détecter un cancer, identifier une hémorragie interne, préparer une chirurgie ou évaluer les vaisseaux sanguins, les poumons ou certains organes invisibles avec d’autres techniques. Mais lorsque ce n’est pas nécessaire, les médecins peuvent se tourner vers des alternatives plus sûres comme l’échographie ou l’IRM, qui n’utilisent pas de rayons X.

« L’échographie est souvent utilisée pendant la grossesse ou pour les pathologies abdominales, et l’IRM est utile pour le cerveau, la colonne vertébrale ou les articulations. Le choix dépend de ce que l’on cherche à voir et de l’urgence de la situation », précise le Pr Rehani.

Malgré les risques potentiels, une personne qui a besoin d’un scanner ne doit pas le refuser par peur. En revanche, elle peut poser des questions : demander si l’examen est réellement indispensable, s’il existe une option à faible dose, et vérifier s’il s’agira d’un scanner multiphasique.

Le Dr Green recommande aux patients, notamment en surpoids, de ne pas hésiter à interroger leur équipe médicale : « Pouvez-vous envisager une méthode d’imagerie alternative ? » et « Utiliserez-vous un protocole adapté à ma corpulence ? »

Si le scanner est incontournable, il est possible de privilégier un établissement équipé de machines à faible ou très faible dose dotées de logiciels de pointe. De nombreux centres universitaires en disposent, même s’ils ne le mettent pas toujours en avant.

Enfin, comme les médecins n’ont pas toujours accès aux antécédents complets de leurs patients, le Pr Rehani et le Dr Green conseillent de conserver un dossier personnel des examens déjà réalisés. Présenter ce suivi lors des consultations peut éviter des examens répétés et réduire l’exposition cumulative aux radiations du scanner.