Quand les entreprises françaises passent sous la bannière de Pékin

Par Julian Herrero
7 novembre 2023 16:41 Mis à jour: 13 novembre 2023 18:07

Le régime chinois est très actif en matière d’investissement en France depuis des années. Il s’est implanté méthodiquement dans différents secteurs de l’industrie française, au point de pouvoir racheter un certain nombre d’entreprises tricolores, parfois stratégiques et mettant en péril notre souveraineté. Face à l’appétit grandissant des Chinois pour les entreprises occidentales, des États ont opté pour des politiques plus protectionnistes. La France doit-elle à son tour imposer plus de restrictions aux investissements étrangers comme le font les États-Unis ?

Depuis des années, la Chine investit en France et rachète des entreprises

La Chine a intensifié depuis les années 2010 ses investissements en Europe et plus précisément dans l’Hexagone. L’automobile, la mode et le design, le tourisme, l’agro-alimentaire ou encore l’industrie pharmaceutique, aucun secteur dans lesquels la France s’est faite une réputation mondiale n’a échappé au géant asiatique. Une intensification des investissements permettant progressivement aux Chinois de prendre le contrôle de nos entreprises. On se souvient du groupe Fosun qui entrait en 2010 au capital du Français spécialiste de l’or jaune et des vacances familiales Club Med, avant de le racheter cinq ans plus tard. En 2016, le conglomérat de la mode SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot et de Fursac) est racheté par le groupe Shandong Ruyi. Un an plus tard, après des négociations avec le fonds d’investissements européen Montagu, le même groupe Fosun devient propriétaire de la célèbre marque de margarine Saint-Hubert.

Des entreprises cédées parfois stratégiques

Mais certaines entreprises françaises rachetées ces dernières années par des capitaux chinois étaient, ce qu’on appelle dans le jargon, des prérogatives régaliennes, des entreprises stratégiques. Une cartographie a récemment été réalisée par l’expert en intelligence économique, Augustin de Colnet. Le document répertoriant les « entreprises stratégiques françaises vendues à des concurrents étrangers depuis 15 ans » indique notamment que deux fleurons français sont devenus chinois. Le fabricant Cenexi, spécialisé dans la formulation, le développement, la fabrication de produits pharmaceutiques et l’un des leaders européens en produits stériles et biologiques, a été racheté en 2015 par un fonds d’investissements sino-français Cathaycapital. En 2018, Linxens, le leader international de la conception et de la fabrication de micro-connecteurs pour cartes à puce et d’antennes et d’inlays RFID passe sous pavillon chinois.

Ces deux rachats sont effectivement deux exemples concrets de perte de souveraineté pour la France, et les conséquences sont parfois lourdes. Pendant la crise sanitaire ont été révélées au grand jour les lacunes industrielles de notre pays et sa dépendance à des chaînes d’approvisionnement extérieures, particulièrement dans le secteur pharmaceutique. Même impact négatif avec le changement de bannière de l’entreprise Linxens, dont les composants sont utilisés pour les documents régaliens français comme les passeports et les cartes d’identité.

Adopter une posture plus protectionniste ?

La France, à la différence de ses partenaires européens ou nord-américains, ne semble pas être au point sur les questions d’intelligence économique. En la matière, les États-Unis ont un arsenal juridique complet et solide que les administrations successives n’ont pas hésité à utiliser pour contrer certains rachats d’entreprises ou des investissements étrangers. Ils disposent du puissant Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS) créé sous Gerald Ford, notamment modernisé sous l’administration Trump avec le Foreign Investment Risk Review Modernization Act (FIRRMA). D’ailleurs, en 2017, l’ex-président américain a bloqué le rachat d’une entreprise de semi-conducteurs Lattice Semiconductor Corporation par le fonds d’investissements chinois Canyon Bridge après une recommandation du CFIUS en invoquant des « raisons de sécurité nationale ». En son temps, le président démocrate Barack Obama avait lui aussi bloqué un investissement étranger pour ces mêmes raisons.

La France, quant à elle, dispose également d’outils pour mieux contrôler les investissements étrangers comme le décret Montebourg (2014) et des dispositifs de la loi Pacte proposés par le ministre de l’Économie Bruno le Maire (2019) visant selon le site étatique viepublique.fr à « abaisser les seuils de renforcement du contrôle des IEF et étendre les motifs de refus, tout en renforçant les pouvoirs de sanction ». Mais les responsables politiques français n’ont pas encore ce réflexe protectionniste, en particulier face à la Chine communiste, un réflexe très ancré dans la vie politique américaine, tous partis confondus. Il est régulièrement affirmé que la France a toujours quelques décennies de retard sur l’Amérique. Espérons que l’Hexagone ne tarde pas trop à réagir.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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