Quatre ans sous le régime des talibans en Afghanistan : « Les femmes n’ont plus le droit de parler ou de chanter, même chez elles »

Des femmes afghanes vêtues de burqas font la queue pour recevoir un repas gratuit à l'iftar pendant le ramadan, à la périphérie de Kaboul, le 12 mars 2025.
Photo: Crédit photo WAKIL KOHSAR/AFP via Getty Images
Quatre ans après jour pour jour la chute de Kaboul, les talibans ont effacé les femmes de l’espace public. Sous la charia (loi islamique) leurs droits ont été anéantis, leurs vies réduites à un enfermement sans horizon.
Depuis le 15 août 2021, date de la prise de pouvoir des talibans et de l’imposition de la charia, les femmes ont vu leurs droits amputés : interdiction d’étudier au-delà du secondaire, de travailler dans certains métiers, de sortir seules ou de parler en public. Près de 90 décrets liberticides ont été adoptés. La dernière mesure en date : calfeutrer les fenêtres pour ne pas être vues.
« Quatre années de brutalité »
Battues, humiliées, violées et parfois même tuées pour avoir transgressé les règles ou défié les hommes, de nombreuses Afghanes ont choisi l’exil. Noor (prénom changé) fait partie de celles qui ont préféré fuir le pays, après avoir appris, un matin de décembre 2022, qu’elle ne pourrait plus fréquenter l’université. « C’était trop pour moi : on m’enlevait déjà toutes mes libertés, là, on m’enlevait ce qu’il me restait de plus important », explique à BFMTV cette étudiante en Histoire âgée de 30 ans, aujourd’hui installée à Toronto (Canada), loin de sa famille. « Des milliers de femmes sont mortes, d’autres ont tout simplement peur de s’exprimer ou sont parties ailleurs, à l’étranger », ajoute-t-elle, évoquant ses anciennes amies afghanes, dont elle n’a plus de nouvelles : « Toutes ont dû sauver leur peau. »
Les talibans, fondamentalistes islamistes, sont à l’origine de l’Émirat islamique d’Afghanistan. Pour Samira Hamidi, responsable de campagne régionale pour l’Asie du Sud auprès d’Amnesty International, leur arrivée au pouvoir marque « quatre années de brutalité » et a provoqué « la disparition généralisée de toutes les femmes » de l’espace public. Bannies de la vie politique, écartées des postes à responsabilité, privées du droit de défendre les libertés fondamentales, les jeunes filles et les femmes afghanes ne peuvent même plus apparaître en public ni même parler à voix haute.
Il faudrait de toute urgence « que les pays du monde entier se saisissent du sujet »
Mais, comme le souligne encore Noor, « ce n’est pas le pire ». « Les femmes n’ont plus le droit de parler ou de chanter, même chez elle », déplore-t-elle amèrement. Et Samira Hamidi de renchérir auprès de nos confrères : « Les victimes de la barbarie talibane ne sont pas uniquement des ‘résistantes’. Les talibans ignorent toutes les femmes et tous leurs droits. » « Ce qu’il faudrait de toute urgence, c’est que les pays du monde entier se saisissent du sujet et ne laissent pas tomber l’Aghanistan. »
De son côté, l’Organisation des Nations unies (ONU) parle d’« une vie faite de murs et de silence », d’une « terre de non-droit » et d’un retard « catastrophique » en égalité de genre. « Près de 80 % des jeunes femmes sont sans emploi, sans formation, sans école », dénonçait l’organisation mondiale sur son site Internet le 1er juillet dernier.
« Elles n’ont plus du tout la possibilité de se soigner »
Geneviève Couraud, secrétaire générale de l’association NEGAR Soutien aux femmes d’Afghanistan et ancien membre du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, explique à la chaîne d’information en continu que les « règles de plus en plus punitives », qui varient selon les provinces, ont tendance à s’étendre « sur l’intégralité du territoire afghan ». « On part du principe qu’une restriction fonctionne au Pandjchir donc on va l’appliquer également à Kaboul, et inversement », détaille-t-elle, avant de donner à titre d’exemple : « Les femmes ne peuvent plus être sages-femmes, infirmières ou médecins. Et comme elles ne peuvent pas s’adresser à un homme si elles sont malades, on en vient à une situation extrême où elles n’ont plus du tout la possibilité de se soigner. »
La crise humanitaire plonge les Afghanes dans un enfer encore plus insoutenable. « Un Afghan sur cinq souffre de la faim. Environ 3,5 millions d’enfants sont en situation de malnutrition aiguë », alertait l’ONU le 23 juin dernier. Selon Sima Bahous, directrice d’ONU Femmes, « la répression s’est systématisée ».
Noor ne cache pas son pessimisme, concluant : « J’ai si peu d’espoir en l’avenir et j’ai peur pour celles qui restent là-bas, enfermées par les hommes de leur famille. C’est comme ça maintenant : pour s’en sortir il faut se battre tout le temps, y compris avec son propre cercle intime. »

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