Qu’est-ce que la réussite scolaire selon le PCC ?

Par Bitter Winter
5 septembre 2019 17:38 Mis à jour: 6 septembre 2019 14:09

En tant que principale force motrice des protestations contre le projet de loi de Hong Kong contre l’extradition, les jeunes ont été félicités suite à leur passion pour la préservation des droits de l’homme et des libertés. Mais Pékin ne partage pas ce sentiment, estimant que la « désobéissance » massive à Hong Kong est le résultat d’un « échec » dans l’éducation de ces jeunes.

« Certains jeunes de Hong Kong deviennent de plus en plus radicaux. La racine se trouve dans les écoles, et le problème clé est l’éducation, en particulier le manque d’éducation patriotique », a déclaré Margaret Chan Fung Fu-Chun, membre du Comité permanent du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), dans un discours prononcé devant ses collègues le 28 août.

«Être patriote et aimer Hong Kong devraient être parmi les qualifications nécessaires pour qu’un enseignant puisse être employé », estime Mme Chan, suggérant de « cultiver davantage de sang neuf » qui sont patriotes et qui aiment Hong Kong, « à commencer par les étudiants inscrits aux programmes de formation des enseignants ».

Elle n’est pas la seule. D’autres dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) ont suggéré que certains stages en Chine continentale soient obligatoires pour tous les étudiants qui sont formés pour devenir enseignants à Hong Kong car la formation universitaire en Chine continentale est un « exemple réussi » d’éducation patriotique.

Bitter Winter a récemment interviewé des enseignants et des étudiants d’écoles normales universitaires (écoles d’enseignement supérieur où les enseignants sont formés) de Chine continentale pour mieux comprendre ce qu’est exactement cette éducation patriotique et comment elle est appliquée.

Le 7 novembre 2016, des élèves posent devant un tableau noir à l’école primaire de « Armée rouge » Yang Dezhi de Wenshui, canton de Xishui, province du Guizhou, Chine. (Fred Dufour/AFP/Getty Images)

La politique est plus importante que l’enseignement

En mars dernier, le personnel enseignant de certaines écoles de la province du Shanxi, dans le nord du pays, a dû procéder à des méthodes « d’autoévaluation et d’autocorrection » une sorte d’exercice d’auto-examen prescrit par le gouvernement-qui demande aux enseignants de « renforcer leur orientation politique, d’étudier l’esprit des discours de Xi Jinping et de se pencher sérieusement sur leurs propres problèmes ».

Une enseignante de Yangquan, une ville préfectorale de l’est du Shanxi, a révélé que dans le cadre de l’activité, tous les enseignants devaient participer à des discussions de groupe et faire une auto-évaluation sur scène, devant tout le monde. Chaque participant devait prendre des notes de 5000 caractères chinois.

Certaines écoles sont allées jusqu’à demander aux enseignants de transcrire les discours de Xi Jinping et d’écrire ce qu’ils avaient appris de cette expérience. « J’ai l’impression que nous sommes revenus à l’époque de la Révolution culturelle où les gens transcrivaient les citations du président Mao », se plaignait l’enseignante. « Avant même de terminer la transcription d’un livre, on nous en distribue un autre. Certains jours, alors que je dois transcrire en peu de temps libre beaucoup de choses, je le fais jusqu’à deux ou trois heures du matin. Quand je donne des cours le lendemain, je n’ai plus d’énergie. »

« Je ne sais vraiment pas si notre société a progressé ou régressé », a déclaré avec ironie un chef d’établissement scolaire de Yuncheng, la ville la plus au sud du Shanxi. « C’est déjà le 21e siècle, et nous sommes encore obligés de faire des auto-évaluations et des autocorrections. C’est si étouffant qu’on peut à peine respirer. »

Les enseignants de la province centrale du Henan ont expliqué que dans leurs écoles, les autorités utilisent un type différent d’ « auto-évaluation et d’autocorrection » : c’est la « transformation par cas ».

« Il s’agit d’une analyse approfondie des cas où les règlements ont été violés afin d’éviter que de nouveaux problèmes similaires ne se reproduisent », explique l’un des enseignants. « Pendant ce temps, les enseignants doivent aussi participer à l’apprentissage collectif et aux discussions de groupe. Ils doivent aussi rédiger des autocritiques et revoir ce qu’ils ont appris, mais des cas réels doivent être cités. Le contenu de l’apprentissage comprend diverses politiques et réglementations, ainsi que des questions d’orientation politique. Même les non-membres du Parti doivent étudier les statuts du Parti. »

L’enseignante a ajouté que depuis le début de l’année, beaucoup de travail assigné par les écoles a été lié à la politique. « Je travaille comme enseignante depuis des décennies, mais cette année est la pire. » Elle ajoute: « La tâche des écoles est d’enseigner. C’est bien si les agences gouvernementales mènent de telles activités, mais pourquoi le PCC fait-il participer les enseignants et les élèves à ces activités ? L’éducation des élèves prend du retard. N’est-ce pas ‘mettre la charrue avant les bœufs’ ? »

Des élèves tibétains du Village d’enfants tibétain SOS rentrent chez eux à pied après l’école en passant devant des panneaux politiques à Choglamsar, Ladakh, Inde, le 20 juin 2005. (Paula Bronstein/Getty Images)

Un « non » catégorique aux religions

Tous les enseignants et étudiants interrogés ont mentionné que la religion est considérée comme incompatible avec l’idéologie communiste et est devenue une zone interdite dans le domaine de l’éducation en Chine. Les jeunes religieux ont beaucoup de mal à trouver leur place dans les écoles normales, qui sont devenues l’une des principales cibles de la campagne du PCC pour interdire les religions.

Une étudiante universitaire qui se spécialise dans l’enseignement mais qui est aussi chrétienne s’est plainte que, malgré ses excellentes notes, les chefs d’établissement la convoquent souvent pour un interrogatoire, ce qui lui a rendu la vie difficile.

« Le secrétaire du Parti scolaire m’a dit que l’État cultive les successeurs socialistes et, en tant que croyante, je ne suis pas qualifiée pour être enseignante », a rappelé la jeune femme lors de ses rencontres avec l’administration de l’école. « À cause de ma foi, le secrétaire et le doyen m’ont fait écrire six ou sept autocritiques d’affilée. Je n’ai pas été autorisée à participer à un concours de qualification d’enseignant. »

L’étudiante a également été congédiée de tous ses postes dans la classe et du syndicat étudiant. La bourse nationale qui lui a été accordée au début du semestre lui a également été retirée.

Un autre étudiant a raconté à Bitter Winter comment l’an dernier, lors de la visite d’une équipe centrale d’inspection religieuse au Luoyang Normal College dans l’ouest du Henan, ses membres ont parcouru l’école avec un enregistreur audio, demandant au hasard aux élèves de réciter le contenu d’une brochure d’information sur les lois ethniques et religieuses. Ceux dont les réponses ont été jugées inférieures aux normes ont été punis.

L’étudiant a fait remarquer qu’en supprimant toute expression de foi dans les universités qui forment les futurs enseignants, le gouvernement s’assure qu’aucune personne croyante n’est autorisée à participer à l’éducation des enfants pour les années à venir.

L’éducation et la politique ne font plus qu’un

Presque tous les étudiants universitaires ont mentionné que l’éducation et la politique sont de plus en plus imbriquées en Chine, car les écoles exigent qu’ils étudient les discours de Xi Jinping, ses remarques au 19e Congrès national du PCC, et ses nombreuses initiatives, ainsi que la théorie et l’idéologie du Parti communiste.

Les élèves finissants (en T-shirts blancs) et leurs enseignants (en T-shirts rouges) de l’école secondaire Hengshui No.2 participent à un rassemblement d’assermentation devant le National College Entrance Examination (alias Gaokao) à Hengshui, province du Hebei, Chine le 2 juin 2018. (VCG/VCG via Getty Images)

Selon un étudiant d’une école normale de niveau universitaire de la province du Shanxi, l’école a ordonné qu’un cours du soir par semaine soit consacré à la lecture en ligne des discours de Xi Jinping. Les nouvelles politiques gouvernementales sont également étudiées sur un compte public WeChat appelé « Jeunesse de Shanxi ». Des groupes en ligne similaires ont également été créés dans le Henan, comme « Études pour la jeunesse du Henan », où les étudiants doivent étudier: « La pensée Xi Jinping ».

« Si nous ne l’étudions pas, cela affectera nos possibilités futures d’aller à l’étranger, d’obtenir une bourse ou même un diplôme. Je n’ose pas ne pas l’étudier », se plaint un élève du Henan.

Le jour du discours de Margaret Chan, le journal officiel du PCC, le Quotidien du peuple, a publié en première page un article sur la manière d’affronter les problèmes du système éducatif de Hong Kong. L’auteur estime que pour « corriger les erreurs et combler les lacunes des cours de culture générale et de l’éducation nationale », il faut « éviter que les ‘mains noires’ des manipulateurs politiques en coulisses n’atteignent les campus ».

Mais qui sont les mains noires qui essaient d’atteindre ces campus ? L’un des étudiants interrogés a dit en riant que dès que les étudiants de Hong Kong commenceront à aller en Chine continentale pour des stages, le véritable réveil de tous les jeunes commencera à Hong Kong.

Par Han Sheng sur Bitter Winter : un magazine sur la liberté religieuse et les droits de l’homme en Chine

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