Des preuves de l’espionnage d’opposants politiques par Huawei en Afrique pour les partis au pouvoir (Wall Street Journal)

Par Charles Pensulo
8 septembre 2019 11:56 Mis à jour: 10 avril 2020 12:58

BLANTYRE, Malawi – Le géant chinois des télécommunications Huawei continue de faire l’objet de controverses, la dernière étant son lien avec l’espionnage en rapport avec les opposants politiques en Afrique.

Huawei a été mis sur liste noire aux États-Unis pour des raisons de sécurité concernant son infrastructure de réseau 5G et ses liens avec Pékin.

Le gouvernement britannique a également reporté sa décision, sur la question de savoir si Huawei peut construire des réseaux mobiles 5G dans le pays, jusqu’à ce qu’il soit plus clair quels seraient les impacts de la liste noire américaine.

Récemment, l’entreprise, a de nouveau été sous les tirs après qu’on a découvert que ses employés, embarqués avec les forces de cybersécurité en Ouganda et en Zambie, auraient « intercepté des communications cryptées et utilisé des données de portables pour suivre les opposants » des partis politiques au pouvoir, selon une enquête du Wall Street Journal.

Le rapport indique en outre que les techniciens de l’entreprise ont, au moins dans deux cas, « aidé personnellement les gouvernements africains à espionner contre leurs opposants politiques ».

En Ouganda, des représentants du gouvernement ont travaillé avec les techniciens pour infiltrer le groupe de discussion WhatsApp de Bobi Wine, une icône de la musique qui s’est transformé en politicien. Les autorités ont alors « saboté son projet d’organiser des rassemblements de rue » menant à l’arrestation de Bobi Wine et de ses partisans. Des opérations similaires de collecte de renseignements ont été signalées en Zambie et en Algérie.

Pas en sécurité sur Internet

La nouvelle a été reçue avec inquiétude en Afrique, des militants et des écrivains affirmant que cela risque de créer du souci au sein de toute la population du continent car on se sentira menacé dès qu’on utilisera l’Internet et d’autres moyens de communication mobile.

Huawei a des liens avec les pays africains à plusieurs niveaux.

Au Malawi, par exemple, le gouvernement chinois a financé par un « prêt en douceur assorti de conditions » un projet national de fibre optique, qui a été mis en œuvre par Huawei. Selon le gouvernement, le projet vise à « connecter tous les principaux secteurs de l’économie et les agences gouvernementales du pays à un réseau à fibre optique à haut débit ».

Richard Mulonga, fondateur et directeur général de Bloggers of Zambia, un groupe de réflexion indépendant à but non lucratif qui travaille en Zambie et en Afrique australe sur la gouvernance de l’Internet et les droits numériques, a déclaré que les gens ne se sentiraient pas en sécurité lorsqu’ils utilisent l’Internet.

« Les Africains doivent s’inquiéter car si ces activités ont lieu, c’est la démocratie en Afrique qui est minée. La capacité des gens à demander des comptes aux personnes au pouvoir à l’aide de plates-formes Internet est également minée. L’Afrique doit vraiment s’inquiéter », a déclaré R. Mulonga, le fondateur des blogueurs de Zambie à Epoch Times.

Le rapport sur l’espionnage n’a cependant pas été une surprise, selon Richard Mulonga. « Nous avons déjà entendu ce genre de récit en Zambie au sujet de l’équipement chinois utilisé pour sonder les citoyens et les opposants politiques », a-t-il raconté.

Il a ajouté que cet espionnage associé à des lois répressives du gouvernement pour limiter « l’espace civique en ligne » constitue une violation des droits de l’homme, en particulier du droit à la liberté d’association et de réunion.

« C’est très malheureux car nous savons que le gouvernement[zambien] a l’intention d’adopter des lois répressives pour limiter l’espace civique en ligne. C’est également triste car il s’agit d’un abus des droits numériques et du droit à la liberté d’association et de réunion », a-t-il déclaré. « C’est un affront à la démocratie, aux droits des gens en cette ère numérique. »

La Zambie a présenté en 2018 un projet de loi très critiqué sur la cybercriminalité et la sécurité, qui n’a pas encore été promulgué. Le pays prévoit également de mettre en place une taxe sur Internet. En cas de succès, le pays suivra les traces de la Tanzanie et de l’Ouganda.

Mais les activistes estiment que ces lois visent à « bâillonner les espaces en ligne sous prétexte de freiner l’abus des médias sociaux ».

Une attaque contre la démocratie ?

Shadreck Chikoti, écrivain et militant malawien, a déclaré que les Chinois ont profité de l’Afrique d’une manière qui est plus profonde que celles dont nous discutons actuellement.

« Ils ont misé sur leur néocolonialisme – car il s’agit vraiment de ça – sur le fait que les dirigeants africains sont avides, que les peuples africains ont trop peur d’exiger justice et responsabilité, et qu’il n’y a guère d’esprit nationaliste et patriotique en Afrique, » remarque Shadreck Chikoti.

« Le problème de Huawei n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, car dans quelques années, l’Afrique sera la nouvelle Chine, et c’est tellement parce que nous, Africains, fermons délibérément les yeux sur cet empiètement. »

Les gouvernements de la Zambie et de l’Ouganda ont rejeté le rapport du Wall Street Journal.

Dora Siliya, porte-parole du gouvernement zambien aurait écrit sur Twitter : « L’article du Wall Street Journal sur l’espionnage des opposants politiques par le gouvernement est malveillant, nous le réfutons avec le mépris qu’il mérite ».

Et le porte-parole présidentiel ougandais Don Wanyama a déclaré à l’AFP : « Il est totalement faux de prétendre que Huawei a aidé les gouvernements africains, dont l’Ouganda, à espionner contre ses opposants politiques ».

Dans une déclaration, Huawei a également réfuté les affirmations, les qualifiant de « non fondées et fausses ».

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