[Rentrée politique] À Valence, les Insoumis tentent de relancer la NUPES

Par Etienne Barreau
29 août 2023 17:40 Mis à jour: 29 août 2023 17:40

La France insoumise (LFI) a fait sa rentrée politique sous forme d’une université d’été nommée « les Amfis » sur une semaine à Valence. Réunissant plus de 3800 sympathisants, le parti de Jean-Luc Mélenchon avait pour mission de s’extraire de la polémique Médine et de relancer sa stratégie d’union de la gauche en vue des Européennes. Reportage.

Entre canicule et orage, il aura été bien difficile pour les militants de rester au sec pendant cette longue semaine de journées d’été de la France insoumise. Ils sont quand même venus nombreux pour cet événement annuel impressionnant par sa programmation : 176 interventions en tout, auxquelles il faut ajouter des représentations culturelles, réparties sur plusieurs scènes. À l’ouverture, Clémence Guetté, présidente de l’Institut La Boétie, le think-tank du parti, parle d’un moment « d’éducation populaire ».

Toute la semaine donc, les sympathisants se sont promenés d’une conférence à l’autre pour y entendre plus ou moins la même chose sur le climat, le racisme, les inégalités, le capitalisme… Des « Insoumis » très souvent jeunes et volontiers tatoués, percés ou habillés de manière non conventionnelle. Certains tiennent un stand. On reconnaît aisément « Touche pas à mon pote », ATTAC, mais aussi la « Jeune Garde antifasciste », groupuscule d’ultra-gauche à la violence assumée. À côté, prolifèrent des micro-associations communistes voire aux nostalgies soviétiques qui développent leurs cinquante nuances de rouge aux curieux qui s’arrêtent à leur niveau. Les quartiers populaires et leurs « racisés », omniprésents dans les discours, le sont beaucoup moins dans les gradins, même s’ils restent plus nombreux ici qu’au Parti communiste français (PCF).

C’est dans ce décor que se joue pour le premier parti de gauche une question fondamentale : comment faire perdurer la NUPES (Nouvelle Union populaire, écologique et sociale) au-delà des élections législatives ?

La NUPES implorée par la base et les cadres

Depuis le demi-succès de la NUPES aux élections législatives – une majorité de voix au premier tour mais pas de majorité d’élus –, les relations entre les différents partis membres de l’union n’ont cessé de se détériorer, au grand dam de LFI qui voulait s’appuyer sur cette alliance dont elle est le meneur naturel.

C’est du côté des alliés que le bât blesse. Les directions du PCF et d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) ont fait sèchement savoir publiquement leur volonté de partir séparément aux élections européennes de 2024. Au Parti socialiste (PS), la ligne Olivier Faure pro-NUPES est très contestée en interne.

Ségolène Royal, invitée par LFI, a défrayé la chronique en se prononçant pour une liste d’union et en suggérant d’en être la tête, prenant de cours les Insoumis dont certains n’ont pas pris la proposition au sérieux quand d’autres, comme Manuel Bompard, l’ont accueillie avec plaisir, prêts à céder la tête de liste à un autre mouvement. En tout cas, elle a embarrassé les écologistes et les socialistes.

LFI joue son va-tout et met en scène une conférence des représentants jeunes de chaque parti membre, tous partisans de l’union, ainsi qu’une table ronde réunissant trois eurodéputés des partis membres : Manon Aubry (LFI), Marie Toussaint (EELV), Laurent Baumel (PS). Cette réunion se déroule sous haute tension, la salle étant résolument pro-NUPES et indisciplinée, prête à bondir à la moindre parole de Marie Toussaint qui a pour rôle de décliner diplomatiquement les propositions de liste commune. Cette dernière est d’abord huée, tout comme Sandrine Rousseau la veille, puis interrompue par des « il y a urgence ! » ou des chants « tous ensemble unitaires ». L’écologiste s’agace : « On peut se parler ou pas ? » Prudente, elle développe les points communs avec LFI avant de marquer sa différence : « Vous êtes attachés à la conflictualité alors que nous préférons la douceur », ne fermant pas la porte à une alliance aux présidentielles, mais pas aux européennes. Les Verts n’ont pas tort, en 2019, la liste menée par Yannick Jadot avait atteint les 13 % en rassemblant les inquiets du changement climatique au-delà de la gauche notamment chez les jeunes. Mais le mot ne plait guère à certains spectateurs qui quittent la salle. Aubry craint qu’une liste séparée brise la dynamique d’union et rebondit avec humour : « Quand on a un flirt en été, on ne donne pas rendez-vous à la personne dans 2 ans ! » Pour LFI, il y a une double urgence qui rend impardonnable l’attitude d’EELV : le changement climatique et la montée de « l’extrême droite ». Derrière ce qualificatif, les Insoumis rangent aussi bien le Rassemblement national (RN) que Renaissance. Ils imaginent une candidature de Gérald Darmanin en 2027, ministre de l’Intérieur musclé, qui rassemblerait les électorats macronistes et lepénistes comme Viktor Orban en Hongrie avait réuni les droites libérale et sécuritaire. Le représentant du PS, dans une attitude désinvolte, est moins catégorique : « Il n’y a pas d’obstacle substantiel majeur à une liste unique. »

Les militants sont déçus : « Ils (les autres partis de la NUPES, ndlr) veulent avant tout faire survivre leurs appareils. » selon François Lafon, maire d’une commune de l’Ariège, « en Occitanie, les communistes avaient fait un accord avec Carole Delga (PS, ligne modérée anti-NUPES, ndlr) pour obtenir des places ». « Il y aura une liste NUPES ou une liste des unitaires, » a conclu Jean-Luc Mélenchon lors de sa conférence-meeting.

Médine : islamiste ou diversion ?

L’autre sujet de ces « Amfis » était la présence du rappeur Médine, proche des Frères musulmans, soutien de l’imam Hassan Iquioussen – expulsé de France pour des prêches antirépublicains – et auteur d’un tweet jugé antisémite qualifiant Rachel Khan, petite-fille de déporté juif, de « resKHANpée. » Invité également aux journées d’été d’EELV, les Verts ont demandé à Médine de reconnaître le caractère antisémite du tweet. LFI a joué différemment en assumant totalement l’invitation de Médine.

Les sympathisants insoumis sont unanimes et parlent d’une « diversion » ou d’une « instrumentalisation » de Médine par l’extrême droite et les médias pour les salir. « Je suis juif et je soutiens la venue de Médine. Je suis judéo-bolchévique et islamo-gauchiste », martèle avec provocation un élu local. Beaucoup d’entre eux ne semblent toutefois pas au courant pour les liens du rappeur avec l’imam Iquioussen, même s’ils connaissent ses albums par cœur.

Médine débarque comme une icône pour son grand entretien avec Mathilde Panot, acclamé par une salle comble. Avec un ton extrêmement calme lui donnant l’air d’un vieux sage, il vient dire ce qu’on attend de lui et représenter les quartiers populaires, les « racisés » que l’on renvoie à leurs origines, et appeler à la convergence des luttes sociales, raciales, féministes, LGBT… Le rappeur qui est aussi président d’un club de boxe montre patte blanche vis-à-vis du communautarisme : « Je ne veux pas de carrés musulmans dans les cimetières. Je ne veux pas de créneaux horaires dans les piscines. Je veux former des athlètes pour qu’ils portent les couleurs de la France. » Espérons que celui qu’il appelle « tonton », Hassan Iquioussen, ne lui tiendra pas rigueur de ces propos.

La semaine se conclut avec un grand meeting mené par Mathilde Panot et Manuel Bompard, et non Jean-Luc Mélenchon, dans sa volonté de passer le flambeau. D’ailleurs, le favori dans la course à la succession François Ruffin a posé les bases de son hypothétique futur leadership, moins radical et plus central.

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