La chambre basse du Parlement tchèque a adopté le 30 mai, dans le cadre d’un ensemble de modifications législatives, une révision du paragraphe 403 du Code pénal. Ce texte permet désormais de poursuivre pénalement tout soutien ou propagande en faveur du mouvement communiste, avec des peines allant d’un à cinq ans de prison.
Les députés à l’origine de la réforme estiment que le nazisme et le communisme ont beaucoup en commun. « Camps, assassinats, totalitarisme. Pourquoi traiter différemment deux idéologies aussi criminelles ? », a lancé l’un des auteurs du texte, Šimon Heller (Parti chrétien-démocrate KDU-ČSL).
Selon lui, toute personne qui aujourd’hui se revendique du communisme banalise ou nie les crimes du régime, comparables à ceux du nazisme. Il a adressé un message à la gauche démocratique : on peut défendre une politique de gauche dans un cadre démocratique « sans être communiste ni recourir à des méthodes violentes héritées du communisme ».
Sur les 160 députés présents, 86 ont voté pour. Aucun n’a voté contre. Tous les députés de la coalition au pouvoir présents ce jour ont soutenu la mesure, à l’exception d’une élue, qui s’est abstenue. Côté opposition, tous les députés présents se sont abstenus, sauf Richard Brabec (mouvement ANO), qui a voté pour. Le président du mouvement ANO, Andrej Babiš, était excusé.
Un député, Michal Zuna du parti TOP 09, a déclaré dans les débats que cette interdiction ne relevait pas seulement d’un « devoir de mémoire », mais aussi d’une volonté de « prévenir le retour d’une idéologie communiste effrayante ».
Un député de l’opposition, Patrik Nacher (du parti ANO) a toutefois souligné que le paragraphe 403 actuel offre déjà une définition très précise du comportement puni : « La propagande d’un mouvement visant à restreindre les droits et libertés fondamentaux ou prônant la haine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou sociale ». Il estime donc que cette définition couvre déjà le communisme, et que la réforme est avant tout symbolique.
Une opinion que ne partage pas Erika Stařecká, du Musée de la Mémoire du XXe siècle, qui a insisté sur la nécessité d’une inscription explicite dans la loi, mardi lors d’une conférence de presse conjointe avec l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR) et la Plateforme européenne de la mémoire et de la conscience. Selon elle, les tribunaux ne sont pas actuellement capables d’établir l’équivalence entre les fondements criminels du nazisme et du communisme. « Je ne comprends pas comment les juges ne parviennent pas à comparer ces deux idéologies pour déterminer si elles sont comparables ou non », a-t-elle déclaré.
Radek Vondráček (ANO) a reconnu la nocivité du communisme et s’est dit favorable à ce que ceux qui défendent les procès politiques des années 1950 soient poursuivis . Il a toutefois exprimé ses craintes de voir le texte interprété de manière excessive, craignant que de simples phrases comme par exemple « Les communistes, au moins, ils faisaient bien les choses » ou « C’était mieux sous les communistes » ne soient criminalisées.
Le Parti communiste de Bohême et Moravie (KSČM) a vivement protesté contre cette réforme. Dans un communiqué adressé à Epoch Times, son porte-parole Roman Roun a dénoncé une démarche « opportuniste et discriminatoire ». Selon lui, cette tentative — déjà rejetée à plusieurs reprises par l’opinion publique — de criminaliser le KSČM vise à flatter une partie de l’électorat et à intimider ceux qui critiquent le régime actuel.
« Le KSČM ne se laissera jamais réduire au silence, pas plus que les valeurs que défendent les communistes : coopération internationale, solidarité, progrès et paix », a-t-il ajouté.
Lors de la conférence de presse de mardi, plusieurs intervenants ont rejeté l’idée selon laquelle le communisme aurait été « une bonne idée mal appliquée ». « À la racine de l’idéologie communiste et du marxisme, il y a un mot : la violence. Karl Marx lui-même et ses successeurs affirmaient qu’un changement ne pouvait advenir sans l’usage de la violence », a rappelé Kamil Nedvědický, premier adjoint de l’ÚSTR.
Le KSČM a également indiqué à Epoch Times que son service juridique allait examiner attentivement le texte et ses implications pour les activités du parti.
Martin Mejstřík, ancien dirigeant étudiant lors de la Révolution de velours, a déclaré à Epoch Times qu’il était très heureux de ce vote. Il a évoqué son ami Jaromír Štetina, récemment décédé, avec qui il avait milité vingt ans plus tôt pour l’interdiction du communisme. « Il n’aura pas tenu jusqu’au bout… », a-t-il confié au téléphone, avant de rendre hommage à toutes les victimes du régime communiste, « des paysans aux religieux en passant par les soldats qui ont combattu pour notre liberté sur le front de l’Ouest ».
Le texte doit encore être approuvé par le Sénat et signé par le président de la République.
Militant de longue date pour l’interdiction du communisme et de sa propagande, Mejstřík s’est dit confiant quant à l’adoption de la réforme par le Sénat, qu’il juge plus à l’écoute. Il a ajouté que ce vote coïncidait avec son anniversaire.
« L’objectif était de corriger une injustice flagrante : le traitement inégal réservé à deux idéologies totalitaires du XXe siècle. Toutes deux — nazisme et communisme — visent clairement à supprimer les droits et libertés fondamentaux. Il est donc logique et juste que le droit pénal tchèque en tienne compte », a déclaré à Epoch Times Kamila Nedvědická, porte-parole de l’ÚSTR.
« Les institutions à l’origine de la réforme soutiennent pleinement que la propagande communiste et ses symboles soient traités comme ceux du nazisme. Les deux totalitarismes du XXe siècle ont causé des torts graves et irrémédiables, et dans un État de droit démocratique, il est impensable de punir l’un tout en tolérant l’autre », a-t-elle ajouté.
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Version actuelle de l’article 403 :
Création, soutien et promotion d’un mouvement visant à supprimer les droits et libertés fondamentaux
(1) Toute personne qui crée, soutient ou promeut un mouvement visant manifestement à supprimer les droits et libertés fondamentaux, ou qui prône la haine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou de classe, ou la haine à l’encontre d’un autre groupe de personnes, encourt une peine d’un à cinq ans de prison.
Version modifiée proposée de l’article 403 :
Création, soutien et promotion d’un mouvement visant à supprimer les droits et libertés fondamentaux
(1) Toute personne qui crée, soutient ou promeut un mouvement nazi, communiste ou tout autre mouvement visant manifestement à supprimer les droits et libertés fondamentaux, ou qui prône la haine raciale, ethnique, nationale, religieuse ou de classe, ou la haine à l’encontre d’un autre groupe de personnes, encourt une peine d’un à cinq ans de prison.
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