Routier, pêcheur, scientifique… Les voix du Brexit

Par Epoch Times avec AFP
27 décembre 2020 13:20 Mis à jour: 27 décembre 2020 13:29

Ils transportent des marchandises vers le Royaume-Uni, exportent vers l’Union européenne ou recrutent des chercheurs…  L’AFP a rencontré six personnes dont le quotidien sera directement concerné par le Brexit.

Après des années sur la route, le chauffeur routier bulgare Dimitar Velinov, 74 ans, prédit de longues files d’attente à la frontière britannique à partir du 1er janvier.

« Pour moi le Brexit signifie un chaos logistique qui va perturber notre travail », explique-t-il dans le garage de son employeur, Euro speed, qui emploie plus de 300 chauffeurs près de Sofia. « Je transporte des marchandises à travers l’Union européenne et pour moi c’est important de pouvoir faire mon travail sans avoir à attendre un ou deux jours aux frontières ».

-Les camions de fret restent en attente sur l’autoroute M20, en direction sud, menant au port de Douvres à Mersham dans le sud-est de l’Angleterre le 24 décembre 2020. Photo  Justin Tallis /AFP via Getty Images.

Le Brexit constitue une difficulté de plus pour la traversée de la Manche, déjà rendue compliquée pour les routiers par les tentatives des migrants de se rendre illégalement au Royaume-Uni dans les remorques des camions.

Pour éviter de lourdes amendes Dimitar Velinov confie ne pas fermer l’œil quand il attend d’embarquer au port français de Calais.

Les pêcheurs veulent sortir de l’Union Européenne

« 90% des pêcheurs veulent sortir » de l’Union européenne, résume Sam Crow, un pêcheur de 26 ans à Scarborough, dans le nord de l’Angleterre.

Selon lui, le secteur pourrait connaître un renouveau grâce aux changements dans les quotas, jusqu’alors imposés par l’Union européenne, après des décennies de déclin.

« Avant, le port était plein de monde qui venait accueillir les gars et les aider » à leur retour, raconte-t-il. « Ce n’est plus le cas maintenant. On n’intéresse plus personne ».

Il dit avoir apprécié voir les négociateurs britanniques défendre son secteur dans les dernières heures des discussions avant l’annonce d’un accord post-Brexit avec Bruxelles, particulièrement difficile sur la pêche: « Ils se sont battus pour nos quotas ».

Un pêcheur lave son bateau dans le port de Scarborough, dans le nord-est de l’Angleterre, le 21 décembre 2020. Photo by OLI SCARFF/AFP via Getty Images.

Au final, l’accord prévoit une période de transition jusqu’en juin 2026, à l’issue de laquelle les pêcheurs européens auront progressivement renoncé à 25% de leurs prises, bien moins que ce qu’espéraient les Britanniques. Mais ces derniers pourront continuer à exporter sans droits de douanes vers l’UE, un point important pour Sam Crow, qui envoie les crabes qu’il attrape vers le marché européen.

« Une frontière marche dans les deux sens »

« Ca fait trois ans que le Brexit a un impact sur notre activité », déplore Greg McDonald, patron de Goodfish, une PME qui produit des pièces de plastiques pour l’industrie automobile, médicale, électronique.

« On a des clients qui n’appellent plus pour demander des estimations » et « j’ai fermé une usine en mars parce qu’un client américain a fermé ses opérations au Royaume-Uni », détaille-t-il.

Son entreprise est située au cœur des Midlands, à Cannock (centre de l’Angleterre) mais est très dépendante de l’UE vers laquelle il exporte une large part de sa production. Si Londres et Bruxelles ont fini par signer un accord de libre-échange permettant d’éviter droits de douanes et quotas, l’incertitude aura duré jusque dans les tous derniers jours et des contrôles douaniers vont de toute façon alourdir les procédures.

« Cela nous a probablement coûté un demi million de livres (autour de 540 millions d’euros) et la suppression de 20 emplois », sur un total de 110, ajoute-t-il.

Seul avantage: il a déjà racheté une entreprise dans le pays pour « diluer (sa) part d’exportations », et « le Brexit pourrait me donner l’opportunité d’acquérir des entreprises (affaiblies) à un prix intéressant ».

Mais pour lui, « le Brexit n’a jamais été une bonne nouvelle pour l’économie britannique. C’est un projet politique ». Si le Premier ministre Boris Johnson a fait une campagne pro-Brexit promettant de « reprendre le contrôle » de la frontière et des lois britanniques, « nous allons apprendre qu’une frontière marche dans les deux sens ».

Pascal Aussignac, chef français installé à Londres

« Je suis devenu citoyen britannique mais l’entreprise à laquelle j’ai dédié deux décennies de ma vie n’est plus en sécurité ici et j’ai peur de l’avenir », déplore Pascal Aussignac, chef français installé depuis 22 ans à Londres, et co-propriétaire de six restaurants allant de la table étoilée Michelin au bistrot.

« 2021 pourrait s’avérer pire que 2020. Est-ce que nous allons survivre? C’est la grande question », prévient le restaurateur. Cette année, il a déjà subi le choc de la pandémie de coronavirus qui la contraint à fermer des mois durant.

-Pascal Aussignac, un chef étoilé au Michelin, prépare du foie gras à emporter dans son restaurant Club Gascon dans le centre de Londres le 18 décembre 2020. Photo Tolga Akmen /AFP via Getty Images.

Si finalement il n’y aura pas de droits de douanes sur les produits qu’il importe, il sent déjà les effets du Brexit. Les employés venus des quatre coins d’Europe dont il a besoin en cuisines et en salle commencent déjà à manquer: « les Britanniques ne travaillent pas dans la restauration ».

Quant aux produits du terroir qui sont l’essence de ses menus gascons ou provençaux, « je n’ai aucune idée des délais de livraison » après le 1er janvier.

Craignant des perturbations à la frontière, surtout si les négociations avec Bruxelles avaient échoué, il s’est préparé en accumulant des stocks de magrets, cassoulets ou autres fromages en cas de perturbations à la frontière. Il étudie aussi en plan B les fournisseurs « Made in Britain ».

Collaboration internationale entre laboratoires

La neuroscientifique Tara Spires-Jones, de l’Université d’Edimbourg, s’inquiète pour la collaboration internationale entre laboratoires, que l’appartenance à l’Union européenne « avait vraiment facilité ».

« Avec les changements de réglementation, ce sera plus difficile d’échanger des tissus cérébraux  » et celle qui est aussi directrice de l’Institut britannique de recherche sur la démence.

« Dès le premier jour, on aura aussi plus de difficultés à commander du matériel », prévient-elle.

-Le Premier ministre britannique Boris Johnson s’entretient avec des scientifiques. Photo par Adrian Dennis / AFP via Getty Images.

La chercheuse explique que la fin de la période de transition du Brexit va par ailleurs créer un « gros problème » pour le financement de la recherche britannique, amplement subventionnée par l’UE. « Dans mon université, entre 20% et 30% des fonds de recherche proviennent de l’UE » et rien n’est pour l’instant prévu pour remplacer ce financement, explique-t-elle.

Même si « personne ne sera viré au premier jour du Brexit », certains contrats des dix personnes qu’elle emploie ne pourront pas être renouvelés.

« Sur le long terme, la perte de la liberté de mouvement va aussi compliquer le recrutement d’étudiants étrangers » et entraîner une fuite des cerveaux, se désole Mme Spires-Jones, qui cite le cas de cette doctorante européenne qu’elle souhaitait recruter, mais qui a préféré prendre un poste ailleurs « à cause de l’incertitude liée au Brexit ».

« Volé sa nationalité européenne »

Wendy Williams, Britannique de 62 ans, a l’impression que le Brexit lui a « volé sa nationalité européenne ». A partir du 1er janvier, Wendy et son mari ne pourront plus se rendre aussi librement qu’avant dans leur maison située sur l’île grecque de Kefalonia, achetée en 2018 avec toutes leurs économies, en prévision d’une retraite au soleil.

Sauf titre de séjour ou visa longue durée, les Britanniques ne pourront désormais visiter l’Union européenne que 90 jours au total par six mois. « On va devoir calculer tous les jours, y compris ceux qu’on passe ailleurs dans l’Union européenne », se désole-t-elle.

-Une vue du village de Panagiouda, sur l’île grecque égéenne de Lesbos, le 14 septembre 2020. Photo par Angelos Tzortzinis / AFP via Getty Images.

« Nous avions prévu de passer plus de temps en Grèce », mais « nous pourrons seulement y passer 25% de l’année maximum » et de manière « moins spontanée », regrette-t-elle.

Alors qu’elle travaille encore pour au Royaume-Uni, où se trouve aussi son père âgé, Wendy Williams ne se voit se lancer dans la procédure « chère et complexe » pour obtenir des visas de deux ans pour toute la famille, dont la taille varie souvent, en raison de son statut de famille d’accueil.

« Je suis déterminée à ne pas vendre notre maison en Grèce », affirme Mme Williams, « mais ça va être difficile d’en profiter comme nous l’espérions ».

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