Russia Today et Sputnik, ces médias russes qui installent leur propagande en France

10 octobre 2015 11:04 Mis à jour: 17 octobre 2015 22:56

Lors du marché international de l’audiovisuel à Cannes le 6 octobre, la chaîne d’État russe Russia Today a annoncé vouloir renforcer sa présence en France. La télévision et la branche française de Rossia Segodnia, Sputniknews, ont une ligne éditoriale claire : celle du Kremlin.

« L’opération des forces aériennes russes en Syrie continue. Comme le notent les experts, d’un point de vue climatique, le moment est très bien choisi », cette phrase, prononcée par la présentatrice météo d’une chaîne publique russe le 3 octobre, montre une propagande omniprésente du Kremlin, même pendant la météo. Depuis la crise ukrainienne il y a 2 ans, une guerre médiatique est entamée par le régime de Vladimir Poutine, qui se décline en France à travers la chaîne de télévision Russia Today et le média web Sputniknews.

Le 8 octobre, Svetlana Alexievitch, Biélorusse et prix Nobel de littérature, ne mâchait pas ses mots à propos de la propagande du leader russe : « La télévision et les journaux ont entamé docilement une guerre médiatique contre le nouveau pouvoir à Kiev : (citant la propagande russe, ndr.) ‘il s’est produit un coup d’État nazi, ce sont des fascistes qui gouvernent à Kiev, il y a des centaines de réfugiés aux frontières de l’Ukraine occidentale, partout, on assiste à des pogroms de juifs et à des destructions d’églises orthodoxes, il est interdit de parler russe’ (…) Voilà ce que le spectateur russe entend jour après jour. On est en train de faire du lavage de cerveaux », a t-elle expliqué.

Petit coup d’oeil sur cette guerre de la désinformation menée par le Kremlin.

Sputniknews et Russia Today, des outils de la propagande russe en France
Dans l’article Sputnik, l’arme de propagande russe, arrive en France, Rue 89 décrit l’information comme un outil de guerre pour la Russie de Poutine. Lancée le 29 janvier 2015 en France, l’agence Sputniknews (anciennement « La voix de la Russie ») promeut derrière un slogan d’impartialité les prises de position officielles de Moscou.

Capture d'écran du site Sputniknews le 9 octobre 2015 (Capture d'écran Sputniknews)
Capture d’écran du site Sputniknews le 9 octobre 2015 (Capture d’écran Sputniknews)

Sputnik est une branche de l’agence Rossia Segodnia (que l’on peut traduire ‘Russie Aujourd’hui’– à ne pas confondre avec la télévision Russia Today) le nouvel organisme de communication officiel de la Russie à l’international. L’agence dispose de journalistes dans 34 pays, recrutés pour leur sympathie envers les prises de position officielles du Kremlin ou par l’appât du gain. Elle est dirigée par Dmitry Kiselev, ancien présentateur de la télévision russe et proche de Poutine. Selon le journal suisse L’Hebdo, « la Russie a alloué 140 millions de dollars à ‘Rossia Segodnia’ rien que pour l’année 2015 » peut-on lire dans La Guerre Froide médiatique 2.0 . La télévision publique russe Russia Today, présente actuellement en France sur internet, a annoncé quant à elle le 6 octobre, vouloir étendre sa présence en français sur les box internet et le satellite.

L’objectif de Sputnik et de Russia Today est de promouvoir une image édulcorée de la Russie, dans ses frontières et à l’étranger. Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse à l’Ifri et spécialiste de la Russie, expliquait en début d’année cette nouvelle stratégie : « La machine à propagande russe a connu une véritable réorganisation depuis la fin de l’année 2013, quand l’agence d’information Rossia Segodnia a été créée. […] Aujourd’hui, la Russie considère très clairement l’information comme un outil de guerre et investit massivement dans ces moyens de communication. ».

Une machine de propagande à peine voilée
Sur le nouveau site de Sputniknews, à côté de brèves de diversion, la propagande pro-russe est omniprésente : articles glorifiant Vladimir Poutine et le régime russe, tribunes critiquant l’Ukraine, les États-Unis et l’Union européenne. Un des principes de cette désinformation : reprocher aux pays démocratiques les violations perpétuées par le régime russe lui même. Ainsi, selon Sputnik, ce ne sont pas les médias russes qui font de la désinformation mais ce sont les pays démocratiques. Le but : brouiller les cartes auprès des lecteurs et téléspectateurs.

Un autre principe : dire le contraire de ce qui est, et le répéter plusieurs fois. Ainsi à la une du site web de cette semaine on pouvait lire les titres : « L’Occident lance une guerre médiatique pour brouiller l’Iran et la Russie », « Ukraine: les radicaux feront éclater le pays avant l’hiver » ou encore : « Média syrien: Washington utilise l’EI pour réaliser ses ambitions ». Au sujet de l’EI (Daech), les médias russes n’hésitent pas à répéter que ce sont les gouvernements occidentaux qui tirent les ficelles du terrorisme international. Ainsi selon le journaliste allemand Christoph Horstel, interviewé par Russia Today, « ce sont les États occidentaux qui fomentent des attentats terroristes dès que la population s’agite, ou qu’il faut faire passer certaines lois anti-démocratiques ». Chaque Français ayant vécu de l’intérieur les attentats de Charlie Hebdo en début d’année sait qu’il n’y a rien de plus faux.

Dernière pierre de la propagande, à côté des contenus entretenant le mensonge et un climat de terreur apparaissent des articles glorifiant la personnalité de Vladimir Poutine : Vladimir en train de jouer au piano, en train de pêcher ou Vladimir en train d’étreindre affectueusement un chiot. La recette : faites peur à une population, recouvrez-la de mensonges répétés, donnez-lui une figure paternelle et voilà les ingrédients d’une dictateur pouvant diriger les pensées des masses et les priver de leur liberté.

Faisons encore un pas de plus pour comprendre les rouages de cette machine de propagande russe.

L’art usé de la désinformation russe

Dans le reportage Russie : la guerre de l’information est déclarée publié en avril 2015 on apprend comment une armée de « trolls » travaille 24h sur 24h dans le nord de Saint-Pétersbourg à écrire des posts et des commentaires afin d’inonder Internet d’idées « bien intentionnées ». Ces « trolls », ce sont des personnes bien payées par le Kremlin qui écrivent des « commentaires sur les blogs, les forums et les réseaux sociaux pour orienter ou faire dégénérer le débat ».

Dans la vidéo, une journaliste du journal Novaya gazeta, un des derniers médias libres en Russie où travaillait notamment la journaliste assassinée Anna Politovskaïa, raconte à propos du travail de ces trolls : « Parmi les thèmes les plus fréquents que l’on rencontre, il faut mettre en place un sentiment négatif envers la politique des autorités ukrainiennes et à l’inverse il faut éclairer de façon positive la politique intérieure et étrangère du Kremlin ». On apprend ainsi que fin 2014, la plupart des budgets des médias d’État russes ont été doublés, y compris la nouvelle agence d’État Rossia Segodnia – une opération modérée ensuite par les sanctions européennes.

Dans ce contexte, la quasi-totalité des médias russes étant pro-Kremlin, quand un journaliste s’oppose à la ligne éditoriale anti-Ukraine, il doit démissionner. Sous couvert d’anonymat, c’était le cas d’un ancien journaliste témoignant qu’en Russie « les mensonges sont produits à la chaîne, ils sont passés à un niveau de production industriel ». Ajoutant plus loin « la presse en Russie se comporte comme la presse en Allemagne dans les années 1930 ».

La liberté d’expression vue de Russie
Le reportage diffusé sur Arte en septembre La propagande selon Poutine montre à quel point les citoyens russes sont continuellement abreuvés de fausses informations entretenant une détestation de l’Occident. On y apprend qu’environ 90% des Russes regardent la télévision d’État comme seule source d’information. « Sur les dizaines de millions de téléspectateurs cible, seuls quelques-uns sont capables de faire preuve de discernement et de sens critique » relève le journaliste russe Mikhaïl Leontiev.

Sacha Manilow, analyste financier à Moscou témoigne dans le reportage d'Arte « En Poutine nous croyons » (Capture d'écran Youtube)
Sacha Manilow, analyste financier à Moscou témoigne dans le reportage d’Arte « En Poutine nous croyons » (Capture d’écran Youtube)

« Si tu critiques, c’est que tu condamnes, si tu penses qu’il faut changer de président, c’est que tu n’aimes pas la Russie et que tu es un ennemi de la nation », résume Sacha Manilow dans le deuxième volet du reportage, « En Poutine nous croyons ». Ce citoyen russe y parle de son amour pour la Russie et de sa magnifique culture – avant l’arrivée de l’idéologie communiste dans le pays il y a un siècle.

En terme de liberté d’expression, il n’y a pas que les médias qui soient ciblés par le régime russe. Dans le reportage de l’AFP Russie : le crépuscule de l’opposition ? publié en mai 2015, on découvre une opposition politique russe systématiquement traquée et mise sous pression.

Après l’assassinat d’un des principaux opposants politiques du Kremlin, Boris Nemtsov, fin février 2015, l’avertissement a été lancé aux voix dissonantes. L’opposition politique est marginalisée et systématiquement menacée d’emprisonnement. Selon le principal leader de l’opposition russe, Alexeï Navalny, appelant à un mouvement politique civil, « pour les citoyens russes, il ne faut pas admettre que la Russie soit devenue esclave d’un régime corrompu ».

Médias russes et médias chinois, même combat
Ces outils de propagande se retrouvent à l’identique en Chine. Ce n’est pas étonnant car le Parti communiste chinois (par erreur politique appelé ‘République populaire de Chine’) a tiré ses méthodes des politiques de l’Union soviétique sous Staline.

Dans l’article L’armée de commentateurs des «50 cents» on apprend l’existence d’une « armée des 50 cents » qui sème également des remarques positives au nom des autorités. Les membres de cette armée de l’ombre sont rémunérés 50 cents pour chaque message posté. Ils remplissent les forums, les blogs, les réseaux sociaux en Chine et à l’étranger d’informations controversées, essayant de noyer les informations sur le régime chinois.

Tous les médias chinois sont également des médias de propagande du Parti, avec des antennes en France comme Le Quotidien du Peuple, l’Agence Xinhua, Radio Chine international ou encore CCTV. Comme pour Sputnik ou Russia Today, leurs contenus sont souvent classés par Google parmi les meilleurs résultats des moteurs de recherche au nom des « principes de démocratie sur le web » du géant américain. Comment des médias propagandistes, détruisant la liberté d’expression dans leur pays, peuvent-ils apparaître dans les meilleurs résultats de recherche, au nom de la liberté d’expression ?

Épilogue

Pour décrypter en détail les outils de propagande des régimes communistes, Epoch Times a édité en 2004, Les 9 commentaires sur le parti communiste. Selon le site Tuidang, qui permet de collecter les démissions civiles des Chinois, cet ouvrage a permis un mouvement de démissions sans précédent, des 3 organes du parti communiste en Chine. Il comptabilise à ce jour plus de 216 millions de démissions citoyennes.

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