Se souvenir de la brutalité du goulag : l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne

Par Gary L. Gregg
20 décembre 2018 19:57 Mis à jour: 11 septembre 2021 08:11

Un quart de siècle s’est écoulé depuis la guerre froide. Alors que le vent du changement commençait à souffler dans le bloc de l’Est, et que le mur de Berlin tombait finalement, beaucoup d’entre nous se sont demandé ce que l’avenir nous réserverait.

Je me souviens qu’à l’été 1990, en traversant la vallée de la rivière Shenandoah, en Virginie, en compagnie d’un dirigeant chevronné du mouvement anticommuniste, j’ai parlé de ce que serait la vie sans la menace soviétique qui dominait notre politique étrangère.

« Plus jamais » devrait nous coller à la peau ! « Oublierons-nous comment c’était et sera-t-il plus facile d’introduire le socialisme en Amérique après la disparition de l’Union soviétique parce que nous avons oublié ? », ai-je demandé. Il a convenu que ce serait un grand danger – l’Amérique pourrait oublier les horreurs du socialisme lorsqu’il ne s’agit plus d’une doctrine armée menaçant notre existence même.

La preuve qu’une grande partie de l’Amérique a oublié les horreurs du socialisme au XXe siècle semble émerger sur les campus universitaires et parmi les citoyens. Alors que ceux d’entre nous qui ont grandi pendant la guerre froide auront beaucoup de mal à le croire, et seront même sous le choc, le socialisme semble être en train de devenir un système politico-économique approuvé en Amérique.

Certains étudiants, dont certains avec lesquels je me suis entretenu, perçoivent maintenant Marx, Lénine et Staline avec une certaine nostalgie et une fascination étrange.

Plus de 100 millions de personnes sont mortes aux mains des régimes communistes au XXe siècle. D’innombrables millions d’autres ont survécu physiquement à la torture et à des régimes draconiens proches de la famine dans les camps de rééducation et de travail auxquels ils ont été soumis pour leurs soi-disant « crimes » (par la pensée ou autres), mais ne s’en sont jamais remis.

En ce mois de décembre, nous avons une parfaite occasion de revenir sur certaines des leçons brutales du XXe siècle, puisque ce mois-ci, nous commémorons le 100e anniversaire du plus grand témoin du prix que doit payer le socialisme alors qu’on s’exprime dans le communisme soviétique, notamment Alexandre Soljenitsyne.

Un patriote

Qui était Alexandre Soljenitsyne ? Un géant intellectuel, un écrivain aux réalisations impressionnantes et un patriote russe qui a résisté à ce que les communistes avaient fait à son peuple et à son pays bien-aimé. Pourtant, le lauréat du prix Nobel de littérature a été largement oublié dans les salles de classe américaines et dans notre conscience publique aujourd’hui.

En oubliant publiquement Alexandre Soljenitsyne et la lecture de ses livres, nous avons perdu une grande partie du matériel imaginaire qui nous a autrefois armés contre les attraits du pouvoir gouvernemental et les visions politiques imbues de sa propre supériorité. Revoir son travail aujourd’hui apporterait beaucoup de clarté morale à notre discours politique.

Alexandre Soljenitsyne est né à Kislovodsk, en Russie, le 11 décembre 1918, quelques mois seulement après le décès de son père. Il a été élevé par sa mère célibataire et a fait des études en mathématiques, en philosophie et en histoire.

Pendant ses études et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il ne semblait pas remettre en question le bien-fondé du système soviétique.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, cependant, Soljenitsyne a commencé à remettre en question le régime en regardant les crimes de guerre perpétrés contre des civils allemands.

Sa grande erreur a été d’écrire sur de telles préoccupations dans ce qu’il estimait être une lettre privée à un ami de confiance. Cependant, sous les gouvernements totalitaires, il n’y a pas de lettres (ou de pensées) privées et trop peu d’amis de confiance.

Bien qu’il fût un soldat décoré au service de l’URSS, A. Soljenitsyne a été emprisonné pour avoir exprimé ses préoccupations. Il a finalement été condamné à huit ans d’emprisonnement dans un camp de travail et a été placé en exil interne permanent après être sorti vivant de son séjour dans les camps.

Il a commencé à écrire en prison, en mémorisant même de longs poèmes et de la prose car il n’avait ni stylo ni papier. Ce qu’il a fini par produire, c’est un corpus d’œuvres qui se range parmi les grands de la littérature russe et qui n’a pas son pareil pour ouvrir une fenêtre sur la déshumanisation de la terreur socialiste.

Œuvres magistrales

Son grand chef-d’œuvre, L’Archipel du Goulag, publié en 1973, est un monstre de plusieurs volumes qui est beaucoup plus souvent cité en référence que lu vraiment, mais une version abrégée a récemment été rééditée dans une édition abordable et accessible avec une préface de Jordan Peterson.

Ses livres Le Pavillon des cancéreux et Le Premier Cercle sont aussi des regards brillants sur les conséquences humaines d’un gouvernement totalitaire. Mais si on lit l’écrivain russe Soljenitsyne pour la première fois, permettez-moi de vous recommander de commencer par son petit roman Une journée d’Ivan Denissovitch, qui, comme son nom l’indique, suit un jour dans la vie d’un détenu dans un camp de prisonniers soviétique.

Le lecteur est emporté alors que le protagoniste Ivan lutte pour maintenir un semblant d’humanité au sein des murs d’un système carcéral des plus inhumains. Vous le voyez risquer une punition grave pour cacher un bout de croûte de pain dans son matelas avec lequel il espère gratter le dernier reste de nourriture dans un éventuel bol de gruau. Vous voyez les prisonniers auxquels on fait référence par des chiffres dénués de sens plutôt que par les noms que leurs parents ont choisis pour eux ou dont leurs amis les ont surnommés. Vous voyez la rigueur des hivers russes vécus sans bottes et gants adéquats, et la lutte pour donner un sens à la vie au-delà de la simple survie animale au milieu de la répression.

A. Soljenitsyne a finalement été expulsé de son pays natal et a vécu dans le Vermont (États-Unis) pendant les deux dernières décennies de l’existence de l’Union soviétique. Bien qu’il fût un reclus, ses écrits ont nourri l’imagination de beaucoup de ceux qui ont combattu les forces déshumanisantes du XXe siècle. Il a également lancé un défi à l’Occident, nous réprimandant pour notre propre perte d’esprit et notre matérialisme croissant.

Ce 100e anniversaire de la naissance de Soljenitsyne est le bon moment pour rappeler aux gens la brutalité inhumaine du totalitarisme dans le monde, et il n’y a pas de meilleure façon de le faire que de lire et de partager son œuvre.

Gary L. Gregg est titulaire de la chaire Mitch McConnell de leadership à l’université de Louisville, où il est également directeur du McConnell Center for Political Leadership. Il est l’auteur ou l’éditeur d’une dizaine de livres, dont ses romans pour jeunes adultes publiés dans la série The Remnant Chronicles.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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