Stephen Roach, « bon ami » de Pékin, interdit de parler de Hong Kong

Stephen Roach, ancien président de Morgan Stanley Asia, a déclaré qu'il lui était interdit d'exprimer des opinions divergentes sur Hong Kong lors du récent forum sur le développement de la Chine.

Par Yi Yang & Cindy Li
9 avril 2024 22:45 Mis à jour: 9 avril 2024 22:45

Stephen Roach, ancien président de Morgan Stanley Asia et autrefois considéré comme un « bon ami » de Pékin, a déclaré qu’il lui a été interdit d’exprimer des opinions divergentes sur Hong Kong lors de sa participation au Forum sur le développement de la Chine à Pékin la semaine dernière.

Fin mars, M. Roach a été invité à participer au forum sur le développement de la Chine qui s’est tenu à la maison d’hôtes de l’État de Diaoyutai à Pékin, en qualité de chercheur confirmé au Jackson Institute for Global Affairs de l’université de Yale.

Il souhaitait exprimer ses préoccupations quant à l’avenir de Hong Kong lors de son discours, mais en a finalement été dissuadé. C’est ce qu’a révélé M. Roach sur Radio Free Asia le 2 avril, notant que le forum de cette année comportait plus de contraintes que par le passé et que les organisateurs lui avaient clairement fait comprendre qu’ils ne voulaient pas entendre publiquement de questions pointues, mais seulement des « points de vue constructifs pour la Chine ».

« J’ai écrit quelques articles qui soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir de Hong Kong et qui touchent aux sensibilités de Pékin, et c’est en grande partie pour cette raison qu’ils m’ont demandé de ne pas en parler lors du Forum sur le développement de la Chine », a-t-il ajouté.

Hong Kong, c’est fini

Auparavant, les remarques de M. Roach sur la fin de Hong Kong avaient attiré l’attention.

« Cela me fait mal de l’admettre, mais Hong Kong, c’est fini », a-t-il écrit dans un commentaire publié dans le Financial Times le 12 février.

Selon l’économiste, des facteurs politiques, combinés à des circonstances internationales, favorisent l’effondrement de Hong Kong.

« Le marché boursier de Hong Kong a longtemps été considéré comme un jeu à effet de levier sur la Chine continentale », a-t-il écrit.

« Pour diverses raisons, l’économie chinoise se heurte à un mur. Les problèmes structurels, en particulier les redoutables trois D – dette, déflation et démographie – se sont ajoutés à l’impact qui résulte de la pandémie de Covid-19, ainsi qu’aux pressions cycliques qui s’exercent sur le marché de l’immobilier et sur les instruments de financement des gouvernements locaux. »

« Je n’oublierai jamais mon premier voyage à Hong Kong à la fin des années 1980 », a confié l’économiste en conclusion de son article, avec émotion.

« La Chine commençait à peine à s’agiter et Hong Kong était parfaitement positionné pour être le principal bénéficiaire de ce qui est devenu le plus grand miracle de développement du monde. Tout a fonctionné à merveille, plus longtemps que quiconque ne l’avait prévu », a-t-il écrit. « Et maintenant, c’est fini. »

L’article a suscité une vive controverse et de nombreux fonctionnaires de Hong Kong l’ont réfuté. Regina Ip Lau Suk-yee, présidente du Conseil exécutif de Hong Kong et membre du Conseil législatif du Nouveau parti populaire, a eu plusieurs échanges verbaux avec M. Roach à ce sujet.

M. Roach a souligné que sa remarque « Hong Kong, c’est fini » touchait à des questions sensibles pour Pékin, suscitant de vives inquiétudes parmi les responsables du parti communiste chinois.

Il a également critiqué les représentants des milieux universitaires et économiques de Hong Kong présents au forum pour ne pas avoir fidèlement rendu compte de la situation de Hong Kong à Pékin.

En marge du forum, M. Roach a discuté des politiques chinoises en matière de marchés financiers avec Laura Cha, présidente de la Bourse de Hong Kong, et a soulevé trois points : l’interdépendance des économies de Hong Kong et de la Chine ; les préoccupations relatives à l’impact négatif des conflits politiques entre la Chine et les États-Unis sur le commerce de Hong Kong ; et les inquiétudes suscitées par les implications de l’article 23 sur l’autonomie de Hong Kong.

« J’ai dit que ces trois éléments entraîneraient des problèmes pour Hong Kong dans les années à venir, et Laura Cha a approuvé deux de ces points – l’économie chinoise et l’impact négatif du conflit entre les États-Unis et la Chine », a-t-il poursuivi, ajoutant que son argument reposait sur des considérations économiques, et non politiques, et qu’il n’y avait que peu d’opposition à son argument principal.

En mars, les autorités de Hong Kong, contrôlées par Pékin, ont rapidement adopté la deuxième loi sur la sécurité nationale de la ville, connue sous le nom d’article 23, ce qui a déclenché de nombreuses manifestations dans le monde entier.

La communauté de Hong Kong a protesté contre l’article 23 à Taipei, Taiwan, le 23 mars 2024. (Sung Pi-lung/Epoch Times)

Cette législation très controversée, qui a incité plus de 500.000 Hongkongais à descendre dans la rue pour manifester en 2003 lorsqu’elle a été proposée pour la première fois, reprend la définition de la « sécurité nationale » adoptée en Chine continentale, un concept vague qui englobe les « intérêts majeurs de l’État », selon Amnesty International.

« Dans la pratique, cela veut dire pratiquement tout », a souligné l’organisation de défense des droits de l’homme. Ainsi, certaines clauses de l’article 23 autorisent des poursuites pénales pour des actes commis dans le monde entier.

Concernant la question de savoir si l’article 23 est adapté à la résolution des conflits politiques de Hong Kong et s’il peut être appliqué de manière excessive, M. Roach estime que les effets à long terme exigeront des historiens qu’ils tirent des conclusions.

Toutefois, selon lui, la législation a jeté une ombre sur l’autonomie politique et l’élaboration des politiques de Hong Kong en vertu du principe « Un pays, deux systèmes », promis par Pékin lorsqu’il a repris la ville au Royaume-Uni en 1997.

Il s’est également dit préoccupé par le fait que les conflits sino-américains et l’impact de l’article 23 pourraient entraîner une exacerbation des départs de talents étrangers.

De nombreuses maisons de titres internationales sont particulièrement préoccupées par une baisse significative des performances dans la région Asie-Pacifique, et les équipes de direction discutent des risques politiques inhérents à l’exercice d’une activité à Hong Kong, a-t-il rapporté.

M. Roach participe au Forum sur le développement de la Chine chaque année depuis 2000, date de sa première édition, ce qui fait de lui l’un des plus anciens représentants étrangers participant à cet événement.

Il a rappelé les travaux du forum en 2001, sous le règne de l’ancien premier ministre chinois Zhu Rongji, lorsque M. Zhu siégeait et que les questions pouvaient être discutées librement et ouvertement.

L’ancien premier ministre chinois Zhu Rongji assiste à la célébration du 90e anniversaire du Parti communiste au Grand Hall du peuple à Pékin, le 1er juillet 2011. (Feng Li/Getty Images)

« J’invite les dirigeants chinois et hongkongais en exercice à faire de même. Débattez sur des questions et non en fonction d’agendas politiques propres », a-t-il lancé.

À la fin de l’entretien, M. Roach nous a confié que, bien qu’il n’ait travaillé à Hong Kong que pendant une courte période de six ans, il éprouvait une grande affection pour cette ville.

Lorsqu’on lui a demandé s’il craignait de ne plus pouvoir se rendre à Hong Kong après la promulgation de l’article 23, il a répondu : « Si les critiques constructives provoquent des réactions désagréables parmi les hommes politiques et les hommes d’affaires, ils doivent se remettre en question. »

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