« Tout le monde s’inquiète » des exercices militaires Chine-Russie dans la région indo-pacifique : Ex-Marine

Par Venus Upadhayaya
12 janvier 2023 14:12 Mis à jour: 13 janvier 2023 19:59

La Russie et la Chine ont procédé à des exercices navals conjoints en mer de Chine orientale entre le 21 et 27 décembre 2022. Vladimir Poutine, lors d’un appel téléphonique avec le dirigeant chinois Xi Jinping, le 30 décembre, a exprimé son souhait de travailler à plus de coopération militaire entre Moscou et Pékin.

Durant une semaine, les exercices aériens ont amené des bombardiers à capacité nucléaire à voler au-dessus des mers du Japon et de Chine orientale, selon le communiqué du ministère russe de la Défense en date du 30 novembre.

« Des avions chinois se sont posés sur des bases aériennes russes et vice-versa. C’est une bonne indication du niveau d’intégration qu’ils ont atteint (…) et de leur potentiel de coopération future. Nous serions bien avisés d’en prendre acte », a prévenu Grant Newsham, ancien colonel de Marine américain et chercheur principal au Japan Forum for Strategic Studies.

La Flotte du Pacifique russe est venue rejoindre son homologue chinois dans les eaux de la province du Zhejiang, au large des villes de Zhoushan et de Taizhou, dans le cadre de l’opération « Interaction maritime 2022 » selon les informations de Xinhua, l’agence de presse du régime chinois. Les exercices ont notamment consisté à des capture de sous-marins, ce qui revient à dire qu’ils s’entraînaient à une « guerre anti-sous-marine [ASW] », selon le Colonel Newsham, à détecter, localiser et détruire des sous-marins ennemis.

Bien qu’il n’y ait pas d’accord officiel entre les deux pays, cette collaboration entre les forces russes et chinoises cible stratégiquement les États-Unis et le Japon, a déclaré le Colonel Newsham dans un e-mail à Epoch Times.

« Dans ce cas précis, ce sont les sous-marins américains et japonais qui sont visés. Mais cela s’applique tout autant aux sous-marins de ses autres adversaires. Les forces sous-marines américaines et japonaises représentent un énorme challenge pour la Chine et la Russie (et n’importe quel autre ennemi des États-Unis), et c’est un domaine dans lequel l’Amérique dispose encore d’un grand avantage. C’est pourquoi les Chinois comme les Russes veulent améliorer leurs capacités ASW afin de réduire (ou d’éliminer) cet avantage américano-japonais », explique-t-il.

Le ministère russe de la défense a publié une vidéo montrant un groupe de navires de guerre russes et chinois en mer de Chine orientale. On y voit des marins russes s’adressant à leurs homologues chinois en mandarin, et des navires russes tirant des missiles.

Selon le Colonel Newsham, la lutte anti-sous-marine est un savoir-faire qui n’a d’intérêt que s’il est tenu à jour, les membres d’équipage ayant constamment besoin d’être formés. Les deux pays effectuent des entraînements communs dans de nombreuses régions du monde, notamment aux environs de leurs pays respectifs, de façon régulière depuis une dizaine d’années.

« La Russie est tournée principalement vers l’ouest, vers l’Europe. Mais elle veut aussi maintenir sa position à l’Est (en Asie du Nord-Est). La Chine est axée principalement sur l’Asie de l’Est, et elle veut dominer et/ou contrôler la région Asie-Pacifique et en éjecter les Américains », a déclaré l’officier de Marine.

« Dans le même temps, la RPC [République populaire de Chine] a des intérêts en Europe, mais ils sont, pour l’instant, surtout économiques. Donc le soutien que la Russie et la Chine peuvent réciproquement s’apporter leur est mutuellement bénéfique. »

Selon l’expert américain, ce soutien mutuel implique des outils politiques et de propagande, mais suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le soutien financier de Pékin est devenu essentiel pour Moscou.

« Bien sûr, Pékin mène une négociation serrée avec Poutine. Et le moment venu, la Russie apportera son aide lorsque/si la Chine attaque Taïwan. Tout ce que la Russie doit faire, c’est déplacer quelques forces navales et aériennes, et cela constituera une distraction suffisamment utile : empêcher les Américains et les Japonais de se concentrer sur le soutien de Taïwan autant qu’ils le souhaiteraient », a-t-il déclaré.

Selon le Colonel Newsham, le pétrole, l’énergie et les denrées alimentaires russes, entre autres, seront essentiels pour aider la Chine à surmonter les sanctions déclenchées par une éventuelle attaque de Taïwan par le régime.

« Tout le monde s’inquiète de ce rapprochement progressif entre les puissances militaires chinoise et russe – et des avantages opérationnels que cela procure aux forces de l’APL comme à celles de la Russie », a-t-il déclaré.

Faire passer un message

L’exercice aérien conjoint sino-russe au-dessus des mers du Japon et de Chine orientale ayant fait intervenir des bombardiers à capacité nucléaire, les Japonais et les Sud-Coréens ont souhaité faire part de leurs inquiétudes. Tout cela est synonyme de problèmes pour Washington, explique le colonel à la retraite, car le message leur est aussi destiné.

« Il s’agit de dire à Washington et à d’autres : ‘N’approchez pas. Sinon vous aurez des problèmes plus importants que ce que vous imaginez’. Bien sûr, si les pays libres sont intelligents, ils sauront s’unir pour exploiter les vulnérabilités considérables de Pékin et de Moscou », a-t-il souligné.

Il rappelle que Pékin revendique une partie importante de l’Extrême-Orient russe, injustement arrachée à la Chine il y a quelques siècles, estiment-ils, alors que celle-ci était en position de faiblesse, et ils comptent bien la reprendre le moment venu.

« Mais pour l’instant, il y a plus à gagner en coopérant avec la Russie. La Russie connaît bien son histoire mais elle connaît aussi les intentions chinoises. Poutine doit se réveiller chaque matin en espérant qu’il n’y a pas cinq Shenzhen qui ont poussé de l’autre côté de la frontière durant la nuit. L’Extrême-Orient russe est peu peuplé. Il y a des dizaines de millions de Chinois qui sont prêts et partants pour s’y installer, et qui en ont les moyens », a rappelé le Colonel Newsham.

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