Tristan et Isolde de Joëlle Bouvier au théâtre de Chaillot

Par Epoch Times
28 mars 2016 14:47 Mis à jour: 2 avril 2021 12:41

Après le succès de leur production commune Roméo et Juliette, il y a quelques années, Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, relance un nouveau défi à la chorégraphe Joëlle Bouvier. « Il m’a dit : on ne va pas refaire un ballet, on va essayer de faire quelque chose de nouveau. Je te propose de travailler sur un opéra : il m’a proposé NormaTosca, puis Tristan et Isolde », dit la chorégraphe.

Après réflexion et quelques hésitations, le pari est pris pour l’opéra de Wagner qui a été très peu interprété en ballet. Il dure quatre heures et demie et « n’est pas du tout une invitation à la danse. Et malgré tout en écoutant Tristan et Isolde, et en me disant de me confronter avec un compositeur comme Wagner, c’était quand même mon plus gros défi. C’est ce qui m’a attiré ».

Joëlle Bouvier a relevé le défi avec brio et a créé un spectacle fascinant qui entraîne le public dans les méandres, les strates et les intempéries de l’opéra de Wagner pendant une heure et demie.

La chorégraphe a réduit l’opéra tout en gardant son esprit, ajoutant des espaces de silence. « Parce que c’est un genre de labyrinthe, c’est un méandre.»

Correspondances

Dans ce spectacle, rien ne manque, rien n’est superflu, tout est à sa juste place : les émotions, les éléments scénographiques, les lumières, les costumes, les duos, les trios et les solos auxquels répondent un chorus, le corps de ballet.

« Cela a été inspiré du style d’écriture de Wagner qui écrivait toujours avec plusieurs polyphonies, qui n’était jamais qu’avec un seul thème. Il y a des nappes qui sont ensemble, un morceau qui sort, qui se reprend donc j’ai fait pareil. Je travaille avec des chœurs, avec des individus et j’essayais de faire un mélange des deux. »

Avec des éléments très simples et très sobres, Joëlle Bouvier construit l’espace, nous fait plonger dans un rêve : un escalier elliptique qui monte et descend sans fin dans un mouvement de spirale qui sert tantôt de bateau tantôt de château fort, des planches toutes simples transformées en totems, en arbres de forêt, en petite cabane, en mur. Un bâton – pour soulever, pour tuer, pour crucifier, pour « souligner la ligne du destin » ; et bien sûr cette corde, transcription concrète du philtre dans l’espace, métaphore de l’amour passionné. Cette corde qui attache les amoureux, qui les entraîne dans un tourbillon de hauts et de bas, dans un équilibre précaire, qui leur permet de s’envoler, de se libérer de la gravitation, des lois qui régissent le monde.

Dès les premiers moments, Joëlle Bouvier nous plonge dans l’univers de Tristan et Isolde avec ce vent qui nous hante, le vent de la mer comme unique son, un personnage traverse la scène comme une chimère. Sa cape rouge, seule tache de couleur, est une voile hissée dans un clair-obscur sorti des toiles des peintres flamands. Dans son habit rouge d’amour éternel, Isolde, tragiquement déterminée, traverse  seule la mer orageuse de ses émotions.

On passe d’un tableau à l’autre dans un mouvement infini qui tient presque du cinéma.

Les corps des danseurs se transforment en vagues, en magma, en nuages, en créatures d’une autre dimension, en une matière qui permet aux amoureux de perpétuer leur lien éternellement, traversant le temps et l’espace.

Puis, il y a « le Témoin », ce personnage que Joëlle Bouvier a rajouté, interprété par la magnifique et puissante japonaise Sara Shigenari qui est au-delà du temps pour transmettre la légende.

« C’était elle qui s’imposait car c’était elle qui était le plus juste dans l’esprit de ce personnage. Elle n’était pas un personnage concret elle était le personnage du destin… quelque chose qui a à voir avec Tirésias dans les tragédies antiques, quelqu’un qui a une sorte de don pour parler avec le ciel, avec les dieux, qui sait ce qui va se passer et qui regarde les hommes avec parfois un peu de compassion. »

Les danseurs sont tous harmonieux et puissants. Isolde (Sarawanee Tanatanit) est sublime, passionnée et intense. Tristan (Geoffrey Van Dyck) théâtral et magnifique.

Et le roi Mark, interprété par Armando Gonzalez Besa, est tragique et fragile dans un corps puissant. Son duo avec Tristan est l’un des moments phares de ce magnifique ballet.

 

INFOS PRATIQUES

Tristan et Isolde « Salue pour moi le monde ! »

Jusqu’au 1er avril Théâtre National de Chaillot

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