Yann Quénet : un tour du monde à bord de Baluchon, un micro-voilier de 4 mètres

Ce Breton réalise son rêve d'enfant et s'apprête à repartir.

Par Nathalie Dieul
22 avril 2024 19:37 Mis à jour: 22 avril 2024 20:06

Yann Quénet est un navigateur rêveur, un autodidacte et un passionné. L’année de ses 50 ans, ce Breton est parti incognito à bord de Baluchon, son tout petit bateau de quatre mètres de long, afin de réaliser son « rêve de petit garçon » : un tour du monde. Non seulement il l’a réalisé en trois ans mais il s’apprête à repartir pour un second voyage autour du globe au mois de juin, encore une fois sans moteur, à l’ancienne. Rencontre avec ce personnage inspirant.

Pour ce Breton de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) âgé aujourd’hui de 54 ans, réaliser son rêve, c’était une « priorité absolue ». Le but de son premier tour du monde était simplement de se faire plaisir, sans vouloir rien prouver à quiconque.

L’homme timide qui a fait le tour du monde sur un bateau d’enfant fait partie des grands marins que la vie m’a permis de rencontrer.
— Olivier de Kersauson

« Quand on a un rêve, il faut tout faire pour y arriver, sinon le temps passe vite, puis on se fait dépasser. Il faut mettre toute son énergie là-dedans », assure celui qui a réalisé le sien. « C’est trop important. »

« J’ai toujours appris tout seul, dans mon coin »

Il a commencé par apprendre à naviguer, à dessiner des bateaux et à les bricoler, en autodidacte. Une véritable passion.

Le navigateur à bord de Baluchon. (Yann Quénet)

« J’ai toujours appris tout seul, dans mon coin, dans mon garage. J’ai fait quelques petites erreurs pour naviguer et pour construire des bateaux aussi », confie-t-il, au cours d’un entretien avec Epoch Times. C’est ainsi que l’autodidacte a construit une première embarcation avec laquelle il est parti en 2014, le Skrowl. Mais le « meilleur bateau du monde » a coulé au large du Portugal et Yann Quénet s’en est sorti in extremis.

Qu’importe, la détermination de ce Breton têtu n’allait que se renforcer. Il a aussitôt entrepris un nouveau projet de construction, un petit navire appelé Baluchon qui lui a coûté 4000 euros de matériaux. « C’est un tout petit bateau de quatre mètres de long, pas plus grand qu’un bateau pour enfants pour apprendre la voile », décrit-il.

Baluchon, un micro-voilier de 4 mètres de long, « pas plus grand qu’un bateau pour enfants pour apprendre la voile ». (Yann Quénet)

Un bateau unique au monde

« Ça m’a pris un peu plus de temps pour tout apprendre plutôt que d’aller dans une école de voile ou de faire un apprentissage de construction de bateaux », remarque le passionné. « Ça m’a permis de développer ma propre façon de naviguer et de construire des bateaux et aussi de les imaginer. »

En effet, Baluchon n’aurait jamais été ce qu’il est si Yann Quénet avait suivi un parcours de formation classique. « Baluchon, c’est un peu le fruit de tout ça », reconnaît-il. « C’est un tout petit bateau tout simple, mais il m’a fallu beaucoup de temps pour l’imaginer, pour mûrir toutes ces idées qui sont un petit peu différentes des autres. Ni mieux ni moins bonnes que les autres idées, mais différentes », explique le navigateur, avec modestie.

Un départ incognito

Un beau jour de mai 2019, l’année de ses 50 ans, ce Breton, considéré un peu comme un original, est parti à bord de Baluchon. Il n’est pas parti comme un héros qui s’en va faire le tour du monde, mais presque comme un voleur, de nuit, sans prévenir. D’une part parce que les gens croyaient que son projet était démentiel et ne le prenaient pas au sérieux, d’autre part parce que le petit bateau n’était pas homologué pour la haute mer.

À bord, très peu de matériel : juste une balise de détresse et un smartphone. « Beaucoup de gens veulent des bateaux maintenant, mais très grands et avec beaucoup d’équipement. Moi, je suis parti totalement à l’inverse »remarque Yann Quénet. Le smartphone est sa seule concession avec la technologie, un minimum pour pouvoir se débrouiller puisqu’il est trop loin des côtes pour pouvoir téléphoner, alors ce smartphone qui lui sert de GPS lui permet de connaître sa position en mer.

L’aventurier est parti avec très peu de matériel à bord. Même s’il a emporté du matériel de pêche, il ne s’en sert généralement pas : « Aucun poisson ne m’a jamais rien fait, il n’y a pas de raison pour que je leur en fasse en retour », écrit-il dans son livre. Il y a aussi plusieurs questions pratiques à cela, détaillées dans l’ouvrage. (Yann Quénet)

Selon le marin, la technologie éloigne du contact de la mer, alors que la navigation demande beaucoup d’intuition et de sens marin. « On utilise un bateau maintenant comme on utilise une voiture, donc ça devient plus facile. La technologie nous aide un peu, mais quand ça ne va pas, quand il y a des pannes, on se retrouve un petit peu coincé alors qu’avec mon petit bateau, je ne peux pas avoir de panne puisqu’il n’y a rien à bord. Donc on est obligé de se débrouiller avec ce qu’on a. »

C’est cette absence de technologie qui lui confère une « totale liberté », le rendant heureux en mer. Il a toutefois emporté une liseuse contenant 10.000 livres, de quoi s’occuper pendant les longues traversées en solitaire.

« Le confort, c’est une notion subjective »

À bord, le capitaine a très peu de place puisqu’il lui faut transporter beaucoup de bouteilles d’eau qui entourent son petit matelas. Le coussin sur lequel il s’assoit pour naviguer est son sac de vêtements.

Le petit matelas du capitaine entouré de bidons d’eau. (Yann Quénet)

Il n’est pas là pour la gastronomie : son régime alimentaire consiste principalement en des nouilles asiatiques instantanées et des boîtes de sardines. Il ne peut même pas réchauffer de l’eau pour manger ses nouilles chaudes à cause de la houle qui a beaucoup d’emprise sur son petit bateau.

« Le confort, c’est une notion subjective », philosophe le navigateur rêveur. Il reconnait que si le confort, c’est d’être bien assis sur un canapé, effectivement, il a bel et bien perdu du confort physique. Toutefois, ce qu’il a gagné, c’est un privilège : la réalisation de son rêve, une autre forme de confort qui n’a pas de prix.

« Et puis c’est quoi le confort? C’est d’avoir un boulot, tous les jours, faire le trajet métro boulot dodo tous les jours, ce n’est pas très confortable non plus. C’est confortable pour le corps, mais pour l’esprit, c’est vraiment très inconfortable. Et moi je préfère être comme ça, dans les nuages plutôt que sur un matelas en laine épais », remarque le quinquagénaire.

360 jours en pleine mer

Certaines des longues traversées qu’il a faites ont été plus difficiles que d’autres. Ainsi, lors de sa première traversée de l’Atlantique d’une durée de 29 jours en novembre 2019, le navigateur avait l’impression que sa peau avait été passée au papier de verre tellement le temps était mauvais. Il était tout le temps enfermé à l’intérieur et il manquait d’oxygène, ce qui lui occasionnait des maux de tête.

Toutefois, de ces trois années autour du monde, dont 360 jours en pleine mer, Yann Quénet se souvient surtout de « petits moments de plénitude » : « On n’est pas tout seul. Il y a des oiseaux de mer, il y a de beaux nuages, il y a de beaux couchers de soleil et voilà, on est content. Enfin moi je suis content tout seul en mer. »

(Yann Quénet)

La solitude ne lui pèse pas, bien au contraire : « La solitude ne me pèse plus parce que j’ai appris depuis des années à être un peu seul, et donc j’ai appris aussi à apprécier ma compagnie ». En tant que rêveur et contemplatif, regarder le ciel toute la journée ne le dérange absolument pas.

« Je sais qu’il y a certaines personnes qui ont besoin de parler ou d’avoir des contacts avec les gens, mais moi, voir des oiseaux de mer, des baleines ou des dauphins me convient bien. Je peux rester comme cela une éternité », reconnaît le quinquagénaire.

La grande solitude pour mieux se rapprocher des gens

La surprise de ce voyage en solitaire, c’est que cela aura permis à Yann Quénet de se rapprocher des humains. « Peut être qu’inconsciemment, au départ, je voulais partir, être peinard sur mon bateau, n’avoir de comptes à rendre à personne, puis vivre ma vie comme cela. Mais ce voyage m’a permis de rencontrer les autres et peut-être aussi de me rencontrer moi même quelque part, parce qu’il y a eu de bons moments de partage », convient-il.

Au fil de son tour du monde, il s’est rendu compte que son petit bateau à la forme un peu bizarre interpelle les gens partout où il passe : « Habituellement, je suis assez solitaire, puis je ne m’exprime pas trop avec les autres. Mais là, grâce à mon petit bateau, plein de gens sont venus à moi. »

L’arrivée au Brésil, accueilli par un Breton. (Yann Quénet)

Ce n’est pas que Yann Quénet était en mauvais termes avec les humains : il n’avait simplement pas trop les codes pour communiquer avec les gens. « Maintenant, je sais un peu mieux ; cela m’a permis d’être un petit peu plus ouvert. »

« Je suis content de retrouver la solitude du large, mais je suis content aussi quand j’arrive en escale et que les gens viennent à moi. Avant, cela m’inquiétait un petit peu, mais maintenant, j’y prends du plaisir », explique celui qui trouve cela « assez délicieux ».

Ce plaisir de rencontrer les autres se prolonge depuis son retour, avec l’écriture d’un livre et la réalisation d’un film qu’il présente dans différents festivals de voyageurs un peu partout en France, qui lui permettent de voyager sur terre en prenant le train.

Il se rend compte que son aventure fait rêver un peu les gens. « C’est peut être un rêve assez commun de prendre son petit bateau, de le construire dans son garage, puis de partir sur les océans… »

Une traversée de 77 jours sans escale

Le tour du monde en pleine pandémie a changé les plans de départ du voyageur. Beaucoup de pays étant fermés, il n’a pas pu accoster en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Qu’importe ! le navigateur a décidé d’aller directement de la Nouvelle Calédonie jusqu’à l’île de la Réunion sans escale, ce qui représente une distance de 7000 milles ou 13.000 kilomètres. Une traversée effectuée en 77 jours qu’il n’aurait pas imaginée sans ces circonstances.

« Ça a été un mal pour un bien pour moi. Puis je m’adapte facilement dès qu’il y a un petit problème, c’est peut-être une opportunité de faire autrement. Il ne faut pas trop se compliquer la vie non plus », reconnaît le passionné d’aventure.

« L’arrivée sur terre, c’est un peu l’enfer dans les premiers jours »

Ces longues traversées sont un délice pour Yann Quénet. Par contraste, les démarches administratives à l’arrivée à terre le sont moins. « On est trop bien en mer, on a son petit univers, on a pris son rythme », se souvient-il. La veille de l’arrivée, il fallait chercher son passeport et se préparer pour toutes les démarches, « des trucs complétement hallucinants ».

Il faut aller voir toutes sortes de services comme les douanes, l’immigration, faire tamponner un tas de papiers, alors que ce serait si simple de pouvoir juste dire qu’il arrive et va repartir dans quelques jours. À ce niveau, « l’arrivée sur terre, c’est un peu l’enfer les premiers jours. »

Pendant ce tour du monde, il y a bien eu des moments difficiles où le navigateur se demandait ce qu’il faisait là. Des tempêtes, mais aussi des calmes plats qui duraient des semaines et des semaines sans avancer, reculant même parfois, alors qu’il devait rationner ses vivres.

(Yann Quénet)

« C’est peut-être le prix à payer pour avoir des moments qui sont assez intenses finalement », philosophe-t-il, comparant l’expérience à un accouchement, d’après les descriptions qu’on lui en a fait. « Il y a des moments difficiles, mais quand c’est fini, on trouve que ça a été merveilleux… puis on est prêt à recommencer. » « Ce sont des moments qu’on oublie très facilement ! », assure-t-il.

Il se souvient surtout de ces instants où il se demandait s’il rêvait tellement il a attendu longtemps de partir faire ce tour du monde. Comme ce moment où il a vu les îles Marquises — dont il a tellement rêvé — apparaître comme par magie au milieu de l’océan. « On s’émerveille et on a du mal à y croire », raconte-t-il, des étoiles plein les yeux.

Moment magique où Yann Quénet découvre les îles Marquises dont il a tant rêvé après une traversée de 44 jours et après avoir parcouru 4000 miles (7400 km). (Yann Quénet)

Un deuxième tour du monde

Yann Quénet est tellement prêt à recommencer l’aventure qu’il est sur le point de repartir pour un deuxième tour du monde vu que le premier a été écourté un peu par la pandémie. Pour cela, il a repeint et modifié un peu son petit Baluchon afin de pouvoir le transporter plus facilement sur terre. Il prévoit de partir au mois de juin 2024.

(Yann Quénet)

Le programme de ce deuxième tour du monde ? « Il n’y a pas de programme. Peut-être que ça peut durer trois ans comme dix ans. Comme quinze ans, on ne sait pas », explique l’aventurier. L’objectif ? Toujours se faire plaisir avant tout.

Il a toutefois un autre rêve qu’il veut accomplir au cours de ce nouveau périple : passer un hiver au Canada. Il n’ira pas directement dans ce pays nordique à cause des vents et des courants. Il prévoit d’abord de passer un premier hiver aux Antilles avant de remonter la côte Est des États-Unis, de manière à arriver au Canada pendant l’été.

Une fois sur place, il s’organisera pour un hivernage à terre en mettant son petit bateau sur une remorque afin de visiter un peu le continent nord-américain. Peut-être s’échouera-t-il à côté d’une cabane ou encore construira-t-il une cabane pour y passer l’hiver. « Enfin on va voir, c’est l’aventure », reconnaît-il. « Il y a plein d’inconnus, c’est ce qui fait le charme aussi. »

Pour suivre les aventures de ce navigateur rêveur, vous pouvez vous rendre sur sa page Facebook Yann Quénet et Baluchon. Le film Baluchon, 4 mètres autour du monde est disponible en location sur Viméo et son livre Le Tour du monde avec mon Baluchon, préfacé par Olivier de Kersauson, se trouve en librairie.

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