Une musique exceptionnelle peut dépasser notre compréhension

La critique de la musique et de la poésie ne peut se résumer à une science ; sa nature même découle du caractère changeant de l'âme humaine

Par Raymond Beegle
21 mai 2025 23:15 Mis à jour: 22 mai 2025 09:43

Beaucoup de choses que nous pensions savoir se sont révélées fausses. Des choses comme « la Terre est plate » ou « le Soleil tourne autour de la Terre » nous rendent un peu plus prudents lorsque nous arrivons à une conclusion ou que nous portons un jugement.

En ce qui concerne les questions esthétiques, on constate que les œuvres d’art sont de grands mystères dont les qualités et les lois sont bien au-delà de notre connaissance. La question de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises est encore plus déroutante. Le grand mystère de Beethoven, la Symphonie n9, a été perçu de multiples façons, autant, en fait, qu’il y a eu d’auditeurs. Elle paraît sublime à certains, monstrueuse à d’autres. L’historien de la musique et romancier Romain Rolland a dit qu’elle était « un triomphe inégalé de l’esprit humain ». Ludwig Spohr, un compositeur allemand contemporain de Beethoven, l’a qualifiée de grotesque, de mauvais goût et d’insignifiante.

Beethoven en 1804, l’année où il a commencé à travailler sur la Symphonie no 5; détail d’un portrait de W.J. Mähler. (Domaine public)

Robert Schumann pensait que Richard Wagner « n'[était] pas un bon musicien » et que sa musique était « souvent très amateur, dénuée de sens et répugnante ». Lorsqu’Anton Bruckner a rencontré ce dernier, le compositeur et organiste autrichien, quant à lui, est tombé à genoux et lui a baisé la main. Lors d’une représentation de Parsifal, l’aîné des compositeurs avait dû calmer Anton Bruckner en lui demandant de ne pas applaudir trop fort.

Anton Bruckner fut à son tour traité de « fou et demi » par le riche et puissant critique viennois Eduard Hanslick, mais Jean Sibelius, à l’esprit plus profond et au cœur plus généreux, l’a appelé « le plus grand compositeur vivant ».

Photographie de Johannes Brahms en 1866 par Lucien Mazenod. (Domaine public)

Clara Schumann adorait Johannes Brahms. Elle avait écrit qu’il était « l’un de ceux qui viennent comme tout droit de Dieu », tandis que Benjamin Britten pensait tout autrement : « Je joue de temps en temps tous les morceaux de Brahms pour voir s’il est aussi mauvais que je le pensais – et je le trouve généralement pire. » En parlant de Brahms, Tchaïkovski avait écrit, dans une lettre à un ami, qu’il aimerait dire : « Monsieur Brahms ! Je pense que vous êtes une personne sans talent, prétentieuse et totalement dépourvue d’inspiration. »

Mais le compositeur russe a lui-même souffert des attaques critiques acerbes de personnes censées être « au courant ». Son grand concerto en si bémol mineur n’avait pas été bien accueilli lors de sa création. Nikolaï Soloviev, compositeur, critique et professeur au conservatoire de Saint-Pétersbourg, avait dit : « Le premier concerto pour piano de Tchaïkovski, comme la première crêpe, est un flop. »

Le puissant tsar Alexandre III avait également des opinions négatives. Dans son journal, Tchaïkovski avait écrit : « Le tsar s’est montré hautain à mon égard : ‘Très bien’, ! !!!! [sic] m’a-t-il dit après la répétition [de La Belle au bois dormant]. Que Dieu le bénisse ». Igor Stravinsky, quand à lui, a adoré le compositeur jusqu’à ses derniers jours et a dédié Le Baiser de la fée à sa mémoire.

Que chacun juge

Ces témoignages pour ou contre ne conduisent qu’à un seul verdict possible : toute critique est précaire, personnalisée et changeante. Il n’y a pas et il ne peut y avoir d’explication au fait qu’un morceau de musique plaise à un homme et déplaise à un autre ; c’est, et cela restera, un mystère.

Une phrase tirée d’un poème de John Greenleaf Whittier dit : « Nous, les enfants plus âgés, avançons à tâtons, de l’obscurité derrière à l’obscurité devant. » Mais en tâtonnant, nous tombons de temps en temps sur quelque chose de plus ou moins solide, quelque chose que nous pourrions utiliser comme pierre angulaire pour déterminer ce qui se trouve au-delà du plaisir ou de l’insatisfaction : ce qui est bon ou mauvais, vrai ou faux.

La propriété de John Greenleaf Whittier ; ce poète a créé une maison chaleureuse pour écrire et penser. (Midnightdreary/CC BY-SA 4.0)

Par exemple, nous avons le temps lui-même, le juge qui décide de ce dont on se souviendra et de ce qu’on oubliera ; nous avons ce que Virginia Woolf a décrit comme « le sentiment d’être ajouté à ». La plus solide de toutes est peut-être l’idée du philosophe Emmanuel Kant dans la Critique de la faculté de juger, selon laquelle « si les beaux-arts ne sont pas imprégnés d’idéaux moraux communs à l’ensemble de l’humanité, ils ne peuvent servir que de divertissements frivoles auxquels les gens ont recours pour étouffer le mécontentement qu’ils éprouvent à l’égard d’eux-mêmes. »

Il revient à chacun d’entre nous de s’interroger et de juger. Einstein nous a dit que nous ne devrions jamais perdre notre « sainte curiosité ».

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