Une véritable industrie de prélèvements d’organes en Chine

11 février 2016 14:51 Mis à jour: 14 juillet 2018 14:20

Il y a 10 ans, deux enquêteurs canadiens publiaient un rapport sur les prélèvements illégaux d’organes en Chine, si choquant que beaucoup ont eu du mal à le croire. Depuis lors, ils ont continué leur investigation et ont publié récemment leurs dernières mises à jour, dans un rapport détaillant l’industrie éclose en Chine autour des prélèvements forcés d’organes humains.

David Kilgour, ancien secrétaire d’État canadien et David Matas, avocat international des droits de l’homme, ont publié leur rapport initial en juillet 2006. Le 24 juin, tous deux sont retournés à Ottawa avec le journaliste d’investigation et auteur, Ethan Gutmann, pour publier leurs recherches mises à jour , dont les résultats font grimper le volume des transplantations forcés en Chine à 1,5 million.

David Matas
L’avocat canadien international des droits de l’homme David Matas s’adresse aux journalistes à Ottawa, le 24 juin 2016, au sujet du rapport mis à jour sur les prélèvements forcés d’organes en Chine qu’il a écrit avec David Kilgour et Ethan Gutmann. (Jonathan Ren/Epoch Times)

La source de ces organes n’est pas justifiée officiellement et le régime chinois affirme que seules 10 000 à 20 000 transplantations ont lieu chaque année au lieu des 100 000 estimées dans ce nouveau rapport de 817 pages.

Ce nouveau chiffre est basé sur des recherches tirées de milliers de documents « indiquant que l’échelle des transplantations d’organes est bien plus importante qu’elles n’étaient perçues auparavant, » a déclaré David Kilgour.

De plus, en dépit de plusieurs rapports et enquêtes de grande ampleur sur la question, cette pratique illégale et inhumaine n’a pas cessé depuis 10 ans.

« Durant les 15 dernières années – comme vous le savez tous – à travers la Chine a existé du trafic et des prélèvements des organes sur les prisonniers de conscience chinois – majoritairement des pratiquants de Falun Gong, mais aussi des Tibétains, des Ouighours et quelques Chrétiens – dans le but de financer un commerce profitable et méprisable alimenté par de riches chinois et par le tourisme de transplantation d’organes » a déclaré Kilgour.

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Le Falun Gong, appelé aussi Falun Dafa, est une pratique de méditation présentée en Chine en 1992 et devenue très populaire en une courte période. Le gouvernement chinois a estimé leur nombre entre 70 et 100 millions en 1999. L’immense popularité de cette pratique traditionnelle est devenue une source d’inquiétude pour le dirigeant du Parti Communiste Chinois (PCC) de l’époque, Jiang Zemin, qui a lancé une campagne de persécution en 1999. Selon des sources infiltrées ayant reçu confirmation par un responsable, il aurait donné directement l’ordre d’utiliser les pratiquants de Falun Gong pour leurs organes.

Une industrie de plusieurs milliards d’euros
Les profits générés par la vente de ces organes sont de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. David Matas a déclaré que les estimations étaient maintenant même plus élevés grâce aux chiffres réactualisés sur le volume des transplantations en Chine chaque année.

Ethan Gutman
Le journaliste d’investigation Ethan Gutmann s’adresse aux journalistes à Ottawa, le 24 juin 2016 à propos du rapport mis à jour sur les prélèvements forcés d’organes en Chine, coécrit avec les Canadiens David Matas et David Kilgour. (Jonathan Ren/Epoch Times)

« De plus, les prix ont augmenté avec le temps, en partie à cause de l’inflation et en partie parce que le régime chinois a voulu que ce travail reste dissimulé » a précisé Matas.

« Si vous utilisez simplement les anciens chiffres, nous parlons de 5 à 9 milliards d’euros de recette par an. Si nous tenons compte de l’augmentation du à la dissimulation, cela doit faire 11 milliards d’euros et au-delà ; c’est énorme. Les hôpitaux eux-mêmes affirment que c’est leur première source de revenus, c’est ce qui les a poussé à continuer cette pratique. »

Ethan Gutmann a publié en 2014, « L’abattoir », l’aboutissement de sept années de recherches et d’enquêtes sur les prélèvements forcés d’organes en Chine sur les prisonniers de conscience. Il donne son point de vue sur le nombre de transplantations effectuées chaque année dans les hôpitaux chinois.

« En 2013, si j’avais donné une conférence avec un des David [Matas ou Kilgour] ou moi-même devant les chercheurs d’une université ou à d’Amnesty International en Europe, je leur aurais demandé d’aller chercher sur Google sur le site du ‘Centre de prélèvements d’organes de Tianjin’. Voilà ce qu’il serait arrivé. Ils y auraient trouvé en anglais, une publicité pour le centre de transplantations, pour inciter les étrangers à venir en Chine. Elle aurait : ‘Nous sommes les meilleurs dans les transplantations de cœur et de poumons’ » a déclaré Gutmann.

« Cela montre que la Chine fait publiquement de la publicité sur le web sur des organes qu’ils possèdent en stock pour la transplantation. Ils ont soi-disant interdit toutes les prélèvements d’organes après le rapport [initial] de Kilgour-Matas. Mais, bien entendu, ils ne l’ont pas fait. Ils ont continué à en faire la publicité, simplement de manière plus discrète. »

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Des enquêtes de différentes sources, y compris les publicités en ligne et les communications internes à l’établissement, ont montré que l’hôpital de Tianjin avait 500 à 700 lits dédiés aux transplantations avec des taux d’occupations de 100 à 131%. Il affirmait à cette époque avoir mis des patients dans des hôtels dû au manque d’espace.

Ethan Gutmann a déclaré avoir estimé le nombre de transplantations d’organes dans ce seul hôpital, à un minimum de 5 000 transplantations par an. On estime de même qu’un autre hôpital important, l’hôpital 309 de l’Armée de Libération du Peuple à Pékin effectuerait près de 4 000 transplantations par an. Prenant en compte le fait qu’il y a 146 hôpitaux certifiés par le Ministère Chinois de la Santé capables d’effectuer des transplantations, les auteurs du rapport ont pu estimer le taux annuel de transplantations en Chine.

Dernières mises à jour
En plus des mises à jour sur le volume des transplantations impliquées, le nouveau rapport se focalise sur plusieurs autres domaines.

Le rapport considère la dissimulation des prélèvements forcés d’organes par le PCC et les tentatives de dissimulation du nombre de transplantations de personnes à l’hôpital. Le rapport explore aussi les facteurs clés derrière ses volumes, la structure que le régime a construite autour des prélèvements d’organes, les personnes coupables de ces faits et les déclarations du PCC sur les récentes réformes de la transplantation en Chine. Le rapport parle aussi de la plastination, impliquant le remplacement des fluides corporels d’un cadavre par des polymères, pour le montrer dans les expositions.

« Il existe des preuves convaincantes que les pratiquants de Falun Gong sont tués à la fois pour la plastination et comme sources d’organes. La preuve soutenant chaque abus est aussi la preuve soutenant d’autres abus, » a déclaré Matas.

Un problème d’approvisionnement
Le problème des abus dans le domaine de la transplantation en Chine ne peut être résolu en interrompant le flot de personnes s’y rendant pour les opérations, a déclaré Matas. « Nous pouvons mettre entièrement fin au tourisme de transplantations en Chine alors que les abus des transplantations d’organes en Chine pourrait encore continuer. »

Cependant, les nations de la communauté internationale ont l’obligation de faire ce qu’elles peuvent pour éviter d’être complices de ces abus, a-t-il déclaré.

David Matas a donné l’exemple de la manière dont le roi Léopold II de Belgique au début du 20eme siècle s’était engagé dans l’esclavage au Congo et comment cela a été mis en lumière par des enquêtes menées par Edmund Morel, un employé dans le transport entre la Belgique et le Congo.

 (De la gauche vers la droite) L’avocat canadien des droits de l’homme David Matas, l’ancien secrétaire d’État pour l’Asie-Pacifique David Kilgour et le journaliste d’investigation et auteur, Ethan Gutmann, ont pris part à une conférence de presse le jour de la publication de leur rapport mis-à-jour sur les prélèvements d’organes en Chine, le 24 juin 2016 à Ottawa. (Jonathan Ren/NTD Television)
(De la gauche vers la droite) L’avocat canadien des droits de l’homme David Matas, l’ancien secrétaire d’État pour l’Asie-Pacifique David Kilgour et le journaliste d’investigation et auteur, Ethan Gutmann, ont pris part à une conférence de presse le jour de la publication de leur rapport mis-à-jour sur les prélèvements d’organes en Chine, le 24 juin 2016 à Ottawa. (Jonathan Ren/NTD Television)

Edmund Morel avait noté que les biens arrivant au Congo étaient des fusils, des munitions et des explosifs, qui allaient à l’État ou ses agents, mais que les biens qui quittaient le Congo étaient de l’ivoire et du caoutchouc, d’une valeur plus importante que les marchandises importées. Il en a conclu que l’ivoire et le caoutchouc n’étaient pas vendus en échange de marchandises importées, mais plutôt que les personnes produisant les marchandises au Congo fournissaient de la main d’œuvre à l’esclavage.

« La conclusion a été remarquable car faite sans le témoignage de témoins oculaires de l’esclavage. Elle était simplement tirée des enregistrements des dossiers d’expédition. Initialement, son travail a été nié par les responsables, cependant, il était fiable, » a déclaré Matas.

Au début, beaucoup étaient inquiets d’offenser la Belgique en soulevant la question, mais finalement le gouvernement britannique a envoyé son consul au Congo mener une enquête indépendante sur la question, et celui-ci a confirmé l’existence d’un esclavagisme belge au Congo après s’y être rendu.

David Matas affirme que la différence de valeur entre les biens commerciaux est très similaire à la différence de volume entre le nombre de transplantations et les donneurs disponibles.

« Les différences en Chine indiquent autant les violations des droits de l’homme que les différences au Congo les avaient pointé hier. La nécessité d’une enquête du gouvernement ou de la communauté international est importante. »

Kilgour et Matas ont tous deux requis des visas pour la Chine pour y mener des enquêtes approfondies sur la question, mais leurs demandes ont été refusées.

Version anglaise disponible à: China’s Forced Organ Transplant Industry Much Larger Than Suspected, Say Canadian Investigators

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