La vie derrière les murs des carmélites

20 septembre 2016 20:00 Mis à jour: 4 octobre 2016 04:18

Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il se passait derrière les grands murs de pierre du monastère des carmélites, situé entre la rue Saint-Denis et l’avenue Henri-Julien, à la hauteur de la rue Saint-Viateur ? Y a-t-il encore, en 2016, des carmélites derrière ces murs ?

Hé bien oui, il y a encore une quinzaine de religieuses qui continuent de vivre leur vie monastique dans ce lieu protégé de la folie des temps modernes. Les moniales vivant dans le silence et le recueillement, c’est grâce à un ami d’Epoch Times que j’ai obtenu un rendez-vous avec sœur Marie-Josée, la prieure.

Elle nous a chaleureusement reçus dans le parloir, à travers une grille qui témoigne de l’évolution des règles monastiques. Il n’y a pas si longtemps, les barreaux de la grille étaient beaucoup plus serrés. Les religieuses ne pouvant même pas embrasser leur propre mère, ce qu’elles peuvent faire aujourd’hui. Un rideau fermé cachait aux visiteurs le visage des moniales, il n’était ouvert que pour les membres de la famille des religieuses. Il n’existe plus de nos jours.

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La prieure

Qu’est-ce qu’une prieure ? « Ça veut dire première parmi ses sœurs. Notre rôle est d’être une animatrice de la communauté », explique humblement sœur Marie-Josée. « La prieure, comme tout supérieur, devrait être un rassembleur pour que ça fonctionne bien dans la maison. » Bien évidemment 14 femmes qui vivent toujours ensemble, en milieu fermé, cela peut donner « des petits heurts qui perdurent et gâchent un peu la communauté ».

Alors le rôle de la prieure est de veiller à ce que les sœurs se raccommodent. Une fois les moniales réconciliées, elles ne s’aiment que davantage. « Si on ne base pas notre vie communautaire sur le pardon, ça ne marche pas. On essaie beaucoup et, dans l’ensemble, on réussit bien », constate-t-elle. « Il y a un avantage de vieillir, c’est qu’on n’a plus la force de se fâcher autant et si longtemps. » Et lorsque l’on a fait le choix de vivre avec le Seigneur, c’est plus facile de relativiser assure la prieure.

Moyenne d’âge et nouvelles vocations

La moyenne d’âge des carmélites du Mile End est d’environ 65 ans : la plus âgée a 91 ans, la plus jeune, quant à elle, a seulement 25 ans, mais la suivante a 57 ans. Les carmélites ont longuement hésité avant d’accueillir la jeune femme parmi elles puisque, même si elles sont encore très vaillantes, elles ont toutes l’âge d’être sa mère, sa grand-mère ou même son arrière-grand-mère. Elles lui ont expliqué leur réalité, et la nouvelle est quand même venue faire un stage. Elle aime beaucoup les aînées, estimant que vivre avec elles la rend plus mûre.

Le préau, au centre du monastère des carmélites (Serge Duval)
Le préau, au centre du monastère des carmélites (Serge Duval)

Si les moniales prient pour que la jeune carmélite ait un jour une ou deux compagnes de son âge, la prieure est catégorique : « On ne peut pas forcer les vocations. J’aime mieux fermer le monastère que d’accueillir des personnes qui ne sont pas faites pour nous. Elles vont être malheureuses et nous rendre malheureuses. »

Les religieuses n’envisagent pas non plus d’aller chercher des nouvelles vocations à l’étranger : il faudrait d’abord qu’une candidate soit bien intégrée à la vie et à la culture québécoise avant de songer à s’adapter à la vie au Carmel. En effet, ce n’est pas tout le monde qui peut s’adapter à ce rythme de vie « un peu monotone » et bien réglé.

Vie quotidienne

Chaque moniale a son travail, et le fait seule dans le silence. Il y a la cuisinière, l’économe, l’infirmière, la secrétaire, celle qui s’occupe de la maintenance : de tout pour faire marcher une maison. De plus, il y a la fabrication des hosties, ce qui comprend la cuisson, le découpage et l’expédition des commandes. L’été, il faut aussi s’occuper du jardin.

Les périodes de récréations sont utilisées principalement pour bavarder, se taquiner, parler un peu de tout, des nouvelles de la famille des sœurs, etc. Étant des sœurs cloîtrées, les carmélites sortent de l’enceinte du monastère seulement pour des rendez-vous médicaux, parfois pour des commissions, ou pour rendre visite à une sœur en convalescence.

En janvier dernier, sœur Marie-Josée, en tant que conseillère d’une petite association des monastères des carmélites du Québec, a reçu l’invitation de sa vie, de la part du Vatican, pour se rendre à une congrégation de religieux à Rome. Imaginez la grosse sortie pour celle qui est entrée dans les ordres il y a 42 ans, sans jamais quitter le monastère situé sur l’avenue du Carmel ! Deux semaines après son retour, elle rêvait encore qu’elle était dans l’avion.

Évolution

Au XVIe siècle, sainte Thérèse d’Avila a réformé l’ordre du Carmel. D’après sœur Marie-Josée, « ce qu’elle désirait d’abord pour ses filles, ce n’était pas tant l’austérité matérielle que la vertu, une capacité de relations harmonieuses les unes avec les autres, une capacité de savoir vivre ». Il y a eu quelques adaptations par rapport aux traditions, les religieuses âgées ont vécu les effets du concile Vatican II (1962-1965), un décret qui demandait à toutes les communautés religieuses de se renouveler selon l’époque et les pays où elles vivaient.

Par exemple, sœur Lucile, qui s’est éteinte récemment à l’âge de 97 ans, avait témoigné auprès de sœur Marie-Josée que les robes que portaient les religieuses étaient en bure, une étoffe rustique en laine. Elles étaient tellement épaisses et lourdes qu’elle a souvent préféré se coucher toute habillée.

La prieure actuelle n’a pas connu les robes de bure. Par contre, elle a connu la toque jusqu’en 1996 : c’était une sorte de passe-montagne, au lieu d’un petit collet comme elle le porte maintenant. La toque était très chaude à porter, et toutes les religieuses étaient contentes de ce changement.

Cependant, c’est principalement au niveau des relations fraternelles que l’évolution a été la plus flagrante. En 1974, quand sœur Marie-Josée est arrivée au monastère, c’était beaucoup plus hiérarchique : il fallait agir en fonction de ce que la prieure avait dit. Venant d’une famille dont les parents demandaient l’avis à leurs enfants, la jeune femme a dû s’y habituer.

L’évolution s’est faite progressivement et l’opinion des sœurs est de plus en plus demandée, un avis qui est respecté même s’il est différent de celui de la prieure. « Ça a créé une plus grande communion fraternelle, moins hiérarchique », assure sœur Marie-Josée.

Une journée dans la vie des carmélites

  • 5h30 : lever
  • 6h : oraison silencieuse au chœur
  • 7h : office des laudes (office chorale chanté, d’une durée d’environ 30 minutes) « C’est la prière matinale où, dans un certain sens, on offre au Seigneur toute la journée, la nôtre, mais aussi toute la journée du monde. »
  • 8h : eucharistie, précédée par un petit office chanté appelé tierce, puis déjeuner
  • 9h à 11h30 : travail
  • 11h45 : office du sexte au chœur (trois courts psaumes chantés)
  • 12h : repas du midi en silence, en écoutant la lecture des nouvelles internationales et ecclésiales lues par une lectrice, puis vaisselle, 20 minutes de récréation et un petit office au chœur
  • 13h30 à 14h15 : temps libre
  • 14h15 : lecture spirituelle (chacune lit selon ses besoins)
  • 15h à 16h30 : travail
  • 16h30 : vêpres (office chorale chanté, un peu comme les laudes) « On donne toute la journée qui vient de s’écouler avec les souffrances, les joies et les peines des gens. »
  • 17h à 18h : oraison silencieuse du soir
  • 18h : souper et vaisselle
  • 19h à 19h45 : récréation
  • 19h45 : office des lectures au chœur. « C’est un office où la parole de Dieu est plus élaborée et où il y a une lecture patristique », puis complies (dernier office du jour)
  • 20h30 : préparation pour aller se coucher
  • 21h30-21h45 : la majorité des sœurs sont dans leur lit en train de s’endormir

« Nous avons failli partir »

En 2003-2004, le mur qui sépare le monastère de l’avenue Henri-Julien devant être réparé, les carmélites ont entrepris des démarches pour vendre le lieu et déménager. Une levée de boucliers des citoyens et organismes a eu lieu, puis le gouvernement a offert de le classer monument historique, ce qui permettait à la congrégation religieuse de rester. Les religieuses ayant accepté, après plusieurs démarches et sept ans de réparations, le monastère construit en 1896 était sauvé des mains du promoteur immobilier.

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