Mayotte : des habitants soulagés de voir bientôt le bidonville « Talus 2 » détruit

Par Epoch Times avec AFP
22 avril 2023 11:40 Mis à jour: 22 avril 2023 15:33

À l’entrée du bidonville de Majicavo, au nord de l’île de Mayotte, l’un de ceux que les autorités françaises veulent voir rapidement évacués puis démolis, un groupe se forme autour d’une affichette au drapeau tricolore, placardée à l’instant par des agents municipaux.

L’arrivée de l’affichette a réjoui certains habitants : les « légaux » du quartier, des Mahorais soulagés de voir bientôt détruit le bidonville où sont majoritaires les habitants originaires des Comores. « On est obligés de s’enfermer sans arrêt. On ne peut pas se promener avec des objets de valeur, comme une montre. Si on sort la voiture de la cour, on ne sait jamais dans quel état on va la ramener », assure à l’AFP Ismaïla Faïza, puéricultrice pour qui le quartier est devenu « invivable ».

« J’ai hâte que ça (l’opération) commence, qu’on retrouve notre île… notre île aux parfums », poétise Mme Faïza, avant de se mettre à l’abri des regards derrière son portail sécurisé.

Une proposition faite à chacune des familles

On l’a rebaptisé « Talus 2 ». Un enchevêtrement de tôle bleue et grise. Une langue métallique accrochée à la colline verte et luxuriante. On y monte, au milieu de la terre battue, des eaux usées, des poules et du linge multicolore qui sèche. Chaque porte en métal porte un numéro d’identification, peint à la peinture rose par les services sociaux il y a un mois. Derrière celle marquée « 126 », la vie de la famille Soufou tient en une dizaine de valises à roulettes et cabas pleins à craquer.

La Comorienne Zenabou Soufou du bidonville « Talus 2 ». (Photo CHAFION MADI/AFP via Getty Images)

« On prépare les bagages pour partir, les vêtements, les draps, toutes les affaires mais on n’a pas fini », explique à l’AFP Zenabou Soufou, 48 ans et sept enfants, tous français grâce à leur père mahorais né sur l’île. Sur le lit, les peluches licornes des trois filles n’ont pas encore été empaquetées. La famille n’a aucune idée d’où elle ira, assurant ne s’être vue proposer aucune solution de relogement. « On n’a pas refusé de quitter là (le bidonville, ndlr), mais on veut une maison digne pour que des enfants restent tranquilles à la maison. Mais si on nous détruit les maisons, on va aller où avec les enfants ? », s’interroge la mère de famille.

L’absence de relogement est souvent invoquée dans le quartier. « C’est faux, il y a une proposition faite à chacune de ces familles, qui l’acceptent ou non. C’est de la pure mauvaise foi », fait valoir auprès de l’AFP un fonctionnaire proche du dossier, sur l’île. Les Soufou sont inexpulsables du territoire donc, mais pas de leur maison. Ils sont aussi l’illustration du casse-tête social et administratif que représente, au cas par cas, cette opération d’envergure décidée à Paris.

Opération contre la délinquance et l’immigration illégale

Dans le 101e département français, s’amorce une vaste opération parfois baptisée « Wuambushu » (« reprise » en mahorais) contre la délinquance et contre l’immigration illégale. Les autorités entendent procéder à des expulsions d’étrangers en situation irrégulière et au « décasage » de quartiers insalubres, souvent squattés. Plus de 2000 forces de l’ordre et agents de l’administration sont mobilisés.

(Photo CHAFION MADI/AFP via Getty Images)

Mais à « Talus 2 », les clandestins sont déjà partis depuis des jours se mettre « au vert », loin des descentes annoncées depuis des semaines. Ouali Nedja Hamadi, 32 ans, qui y est né et y a grandi, sent sa colère monter. « Je ne veux pas être là, qu’on me mette du gaz (lacrymogène), qu’on me pousse, car moi aussi je vais avoir envie de pousser », dit le jeune employé du BTP qui affirme que dans le quartier, « les cocktails Molotov » accueilleront les forces de l’ordre.

Comme les autres jeunes du quartier, il l’assure : après le « décasage », il y aura vengeance et violence. « C’est la guerre civile des Mahorais contre nous », justifie l’habitant de « Talus 2 », derrière ses lunettes de soleil.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.