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À mesure que les purges militaires s’intensifient, le 4e plénum du PCC mettra à l’épreuve la mainmise de Xi Jinping sur le pouvoir

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Le dirigeant chinois Xi Jinping (au c.) est applaudi à son arrivée à la séance de clôture de l'Assemblée populaire nationale au Grand Hall du Peuple à Pékin, en Chine, le 11 mars 2024.

Photo: Kevin Frayer/Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Dans le dernier séisme au sommet de l’appareil chinois, le Parti communiste chinois (PCC) a annoncé, le 16 octobre, l’expulsion de neuf hauts gradés de l’armée, dont l’un des deux vice‑présidents de la Commission militaire centrale (CMC) et un membre du puissant Politburo du PCC.
L’annonce est intervenue à quelques jours du 4e plénum du 20e Comité central du PCC, prévu du 20 au 23 octobre à Pékin. Le calendrier et l’ampleur de ce remaniement alimentent les spéculations sur l’entrée du système politique chinois dans une phase de bouleversements majeurs.
Le 4e plénum est une réunion à huis clos où 370 hauts responsables du PCC arrêteront l’agenda du Parti pour les cinq prochaines années.

Participation en baisse

Le 4e plénum se tient à mi‑parcours du mandat quinquennal de l’actuel Comité central, entamé au 20e Congrès du PCC en 2022 et qui s’achèvera en 2027. Des analystes estiment que la participation à la réunion à venir pourrait servir de baromètre public de la profondeur des purges internes supposées.
Le commentateur des affaires chinoises Li Linyi a déclaré à Epoch Times que si le nombre de membres du Comité central présents chutait fortement, à l’exclusion des absences pour raisons de santé ou motifs officiels, cela constituerait la preuve la plus claire à ce jour d’une lutte de pouvoir de grande ampleur au sein du PCC.
L’analyste de la Chine et journaliste indépendant Du Zheng a recensé 46 membres du Comité central qui auraient été visés par des procédures disciplinaires ou anticorruption depuis 2022, bien que seuls 19 d’entre eux aient été officiellement annoncés comme démis.
Le 17 octobre, le ministère chinois de la Défense a annoncé que quatre généraux, dont l’ancien commandant de la Police armée populaire Wang Chunning, avaient été déchus de leur siège au Parlement fantoche du PCC pour « violations disciplinaires et soupçons de crimes graves liés à leurs fonctions ».
Ces annonces laissent penser que d’autres figures militaires et politiques pourraient être mises en cause. La révocation de membres du Comité central déclenchera également des remplacements, un processus susceptible de révéler de nouveaux glissements d’allégeance et de pouvoir.
« Même les nouveaux nommés [au Comité central du Parti] pourraient déjouer les pronostics », observe le chercheur taïwanais en défense Shen Ming‑Shih, relevant que des remplacements antérieurs ont court‑circuité des candidats pressentis en raison d’enquêtes pour corruption.

(Getty Images, Baidu, Namuwiki, Public Domain, CCTV)

Un test de l’emprise de Xi

Officiellement, le 4e plénum doit se consacrer à l’élaboration du « 15e plan quinquennal » de la Chine, qui couvrira les objectifs économiques et sociaux de 2026 à 2030. Mais des observateurs politiques jugent que les mouvements de personnel et les questions entourant l’autorité du chef du PCC, Xi Jinping, domineront les échanges à huis clos.
Tang Jingyuan, médecin installé aux États‑Unis et commentateur d’actualité, a indiqué à Epoch Times que l’ordre du jour initial portait sur la planification économique, mais que la semaine dernière Xi a soudainement envenimé les tensions commerciales avec les États‑Unis en étendant à l’échelle mondiale les contrôles chinois sur les exportations de terres rares.
« Xi Jinping a soudain provoqué une guerre commerciale et conduit l’administration Trump à annoncer l’instauration de droits de douane de 100 % sur les importations chinoises », a déclaré M. Tang. « Les alliés des États‑Unis envisagent des mesures similaires. Cela a semé la confusion au sommet : faut‑il recentrer la réunion sur les réponses immédiates à la guerre commerciale, ou revenir à la planification économique de long terme ? »
Selon M. Tang, la question centrale est de savoir si le pouvoir de Xi va être rogné, soit par une redistribution formelle entre les élites du Parti, soit par une mise en coupe réglée de son autorité en coulisses.
M. Shen abonde. « Même [le président américain Donald] Trump a dit que Xi avait connu un ‘mauvais moment’ », souligne‑t‑il. « Cela montre que le monde observe de près si la domination de Xi au sein du PCC est contestée. »
Les spéculations sur de possibles remaniements s’intensifient. Certains initiés se demandent si des changements interviendront au sein du Comité permanent du Politburo, l’organe décisionnel suprême du PCC, ou si cet aréopage de 24 membres pourrait être élargi.
« Si rien ne change au sommet, cela signalera que le contrôle de Xi demeure ferme », estime M. Shen. « Mais des scandales comme l’affaire Yu Menglong, l’affaire Yang Lanlan, et la colère publique suscitée par la mort de Li Keqiang ont tous ramené les projecteurs sur Xi lui‑même. »
Yu Mengong était un acteur chinois de 37 ans dont la mort mystérieuse en septembre a déclenché une offensive de censure musclée du PCC, suscitant l’attention massive des internautes chinois.
Yang Lanlan est une étudiante chinoise de 23 ans à Sydney, en Australie, qui a percuté de face, au volant de son SUV Rolls‑Royce, une autre voiture dans un quartier aisé, blessant grièvement l’autre conductrice. Les liens supposés de cette mystérieuse jeune femme avec l’élite chinoise ont attiré l’attention de la diaspora.
Li Keqiang est un ancien Premier ministre chinois, mort en 2023 d’une crise cardiaque après une brouille supposée avec Xi.
Combinés au marasme économique chinois, à la montée des tensions avec Washington et à l’inconstance des politiques publiques, ces éléments amènent M. Shen à juger qu’il est manifeste que quelque chose dysfonctionne au cœur du système.

Risque de lutte de factions

MM. Shen et Tang préviennent que le 4e plénum pourrait réserver des tours inattendus. « Des annonces soudaines de poursuites pénales pourraient tomber avant ou pendant la réunion », avance M. Shen. « Dans un scénario extrême, des caciques du Parti pourraient pousser Xi à la démission, ou l’armée proposer sa destitution. Si Xi refuse, cela pourrait même déboucher sur une lutte de pouvoir avec usage de la force. »
De tels scénarios ont des précédents historiques. M. Shen rappelle que lorsque le mandat de président de la CMC de l’ex‑dirigeant Jiang Zemin arrivait à son terme, l’armée avait poussé à le prolonger de deux à trois années et personne n’osa s’y opposer — un rappel que l’institution militaire a toujours été un acteur politique décisif en Chine.
M. Tang estime que les élites politiques du PCC se sont fracturées en trois blocs rivaux : les fidèles de Xi, souvent appelés la « faction Xi » ; un groupe d’anciens dirigeants alignés sur l’ex‑Premier ministre Wen Jiabao, Wang Yang et l’ancien dirigeant Hu Jintao, qui conservent une influence notable ; et une troisième faction centrée sur des généraux de haut rang, tels que le vice‑président de la CMC Zhang Youxia et Liu Yuan.
« Qu’on le veuille ou non, [l’armée] est devenue la force clé qui pourrait décider de l’avenir politique de la Chine », dit‑il.

Des agents de sécurité chinois regardent les délégués militaires pendant le discours du dirigeant chinois Xi Jinping lors du 19e Congrès du Parti communiste à Pékin, le 18 octobre 2017. (Fred Dufour/AFP via Getty Images)

Un 4e plénum charnière

Les 4e plénums ont souvent coïncidé avec des tournants majeurs de l’histoire du PCC. La session de 1979, sous l’égide de Deng Xiaoping, a marqué le début de l’ère des réformes économiques. Une décennie plus tard, après le massacre de la place Tiananmen en 1989, les caciques du Parti ont installé Jiang Zemin à la tête du pays lors du 4e plénum, en remplacement de Zhao Ziyang.
Sous l’ère Xi, le 4e plénum de 2019 a consolidé son statut de « noyau de direction » sur fond de guerre commerciale sino‑américaine et de manifestations pro‑démocratie à Hongkong, ouvrant la voie à un contrôle politique resserré et à l’imposition de la draconienne loi sur la sécurité nationale dans l’ex‑colonie. Puis est venue la pandémie, durant laquelle la politique du « zéro‑Covid » de Xi a frappé l’économie et le niveau de vie des Chinois ordinaires.
M. Tang estime que le régime chinois entre désormais dans une autre ère. « Des affaires comme la mort de Yu Menglong auraient autrefois été étouffées discrètement », dit‑il. « Mais désormais elles explosent sur la scène internationale, et chaque crise déclenche de nouvelles réactions en chaîne, qui finiront par affecter les fondations du régime totalitaire du PCC. »
Ning Haizhong et Luo Ya ont contribué à la rédaction de cet article.