Exclusif
Une université chinoise expulse un étudiant pour avoir rejeté le marxisme et la tutelle du Parti communiste
Des universitaires estiment que cette affaire révèle un climat croissant de surveillance sur les campus et une réduction de l’espace pour le débat ouvert.

Caméras de vidéosurveillance en Chine.
Photo: Getty Images
Un étudiant d’une université chinoise a été expulsé après avoir exprimé à plusieurs reprises en classe son opposition au marxisme et au Parti communiste chinois (PCC), selon une note disciplinaire interne circulant sur Internet. Des universitaires soulignent que ce cas illustre l’intolérance croissante de Pékin envers les opinions politiques dissidentes sur les campus.
L’université du Nord-Ouest à Xi’an a radié l’étudiant, inscrit en physique en 2023, après que quatre camarades l’ont dénoncé pour avoir contesté la légitimité politique du PCC, selon ce même document.
Ce rapport indique que l’étudiant avait déjà été sanctionné en 2024 pour des « remarques inappropriées » tenues lors d’un cours de marxisme théorique, dans lequel il avait remis en cause les doctrines centrales du parti et exprimé son désaccord avec ses camarades.
Le différend se serait aggravé le 16 septembre, lors d’un cours obligatoire consacré à « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère ». Interrogé sur le lien entre les idéaux communistes et le renouveau national chinois, l’étudiant aurait soutenu qu’il n’existait « aucun rapport » et qu’« une nation peut être restaurée sans communisme ». Il aurait également lancé à l’enseignant, selon la note : « Si le Parti communiste s’effondre, vous, professeurs marxistes, devrez installer des stands dans la rue devant la porte sud pour gagner votre vie. »
Des experts interrogent la sévérité de la sanction
Plusieurs universitaires de Xi’an, de Chongqing et d’autres villes ont confié à Epoch Times que la discussion sur le marxisme et l’histoire du PCC est courante en classe, et que le fait pour un étudiant d’exprimer ses opinions, même émotionnelles ou dissidentes, ne devrait pas relever de l’inconduite.
Certains ont préféré garder l’anonymat ou n’ont pas dévoilé leur nom complet pour raisons de sécurité.
« Dans les cours de théorie politique, il n’y a rien d’anormal à discuter du marxisme, du communisme, ou de l’histoire du PCC », affirme M. Xu, journaliste retraité de la chaîne locale Shaanxi Television, sollicité par Epoch Times. Il remarque que les chercheurs chinois qui se sont penchés sur l’histoire du Parti ont abordé en toute transparence les luttes internes de cette formation par le passé.
Le 21 novembre, le comité disciplinaire de l’université du Nord-Ouest a conclu que l’étudiant avait enfreint le règlement et « gravement perturbé le déroulement des cours », selon la note. L’établissement n’a pas communiqué publiquement sur la décision et n’a pas répondu aux sollicitations d’Epoch Times.
Un avocat basé à Chongqing, interrogé sous couvert d’anonymat, estime que les propos de l’étudiant ne sont pas interdits par la loi chinoise, mais que les universités, relevant du système politique du PCC, sont tenues de renforcer leur contrôle idéologique.
« D’un point de vue légal, ne pas adhérer à une idéologie n’est pas un crime », affirme-t-il.
« Mais les universités jouent un rôle particulier dans l’éducation idéologique. Depuis deux ans, de nombreux établissements ont créé des instituts de marxisme précisément en ce sens. »
Il ajoute que cette expulsion traduit un durcissement clairement perceptible, en rupture avec les pratiques précédentes comme l’accompagnement ou l’avertissement informel : « Il y a dix ans, on aurait réglé cela par un débat en classe ou une entrevue avec un conseiller. Aujourd’hui, dans certaines universités, tout propos public dérogeant au discours officiel franchit une ligne rouge politique. »
Renforcement du contrôle idéologique sur les campus
Le PCC exhorte, depuis plusieurs années, les universités à consolider leur alignement idéologique et à intégrer la « pensée de Xi Jinping » dans l’enseignement, la recherche et la gouvernance des établissements. Les médias d’État chinois ont mis en avant des directives ordonnant aux écoles de « prévenir et contrôler les risques idéologiques ».
Si les sanctions disciplinaires pour expression politique ne sont pas inédites, les expulsions restent exceptionnelles. Professeurs et étudiants ont déjà écopé d’avertissements, de suspensions ou de sanctions administratives pour des propos tenus en classe, mais ces affaires sont rarement rendues publiques.
Selon M. Wang, enseignant à l’université normale de Chongqing, les dénonciations entre étudiants et envers les enseignants se multiplient ces dernières années, et leur fréquence rappelle, selon lui, le climat de la Révolution culturelle du PCC de 1966 à 1976.
« Notre université avait jadis un professeur nommé Tang Yun », précise-t-il.
« En février 2019, au début du semestre, il a fait part de ses opinions personnelles en cours et a été dénoncé par des étudiants, ce qui lui a valu une révocation de ses fonctions d’enseignant ainsi qu’une rétrogradation. Après son départ à la retraite, j’ai entendu dire qu’une caméra de surveillance avait été installée devant sa porte pour continuer à le surveiller. »
« On ignore si l’étudiant expulsé de l’université du Nord-Ouest compte faire appel. Les débats autour de cette affaire sur les plateformes sociales chinoises, soumises à une censure stricte, sont restés rares et de nombreux messages ont été supprimés peu après leur publication. »
Xing Du a contribué à la rédaction de cet article.

Michael Zhuang est un collaborateur d'Epoch Times, spécialisé dans les sujets se rapportant à la Chine.
Articles actuels de l’auteur









