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Alzheimer : un conservateur alimentaire courant lié à une meilleure cognition

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Photo: AB-7272/Shutterstock

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Durée de lecture: 11 Min.

Un conservateur alimentaire présent dans les sodas et des milliers d’autres produits pourrait améliorer la mémoire et les facultés cognitives chez les personnes atteintes d’Alzheimer, laissant entrevoir qu’une substance bon marché du quotidien pourrait aider à combattre cette maladie.

Une analyse récente de données cliniques portant sur 149 patients atteints d’Alzheimer léger a montré qu’une prise quotidienne de benzoate de sodium pendant 24 semaines était associée à de meilleures performances cognitives et à une diminution des protéines anormales dans le sang, marqueurs caractéristiques de la maladie.

Ce que l’étude a révélé
Face à des traitements actuels coûteux et aux effets secondaires lourds, les chercheurs ont voulu tester si ce conservateur de cuisine pouvait avoir un effet thérapeutique. Les participants, âgés de 50 à 90 ans, ont reçu aléatoirement soit un placebo, soit du benzoate de sodium à raison de 500, 750 ou 1000 milligrammes par jour pendant 24 semaines.
Les doses les plus élevées ont donné les résultats les plus marquants : les participants prenant 750 ou 1000 milligrammes par jour ont montré des améliorations cognitives notables — notamment en orientation, en recherche de mots et en mémoire verbale — ainsi qu’une baisse des niveaux de protéines bêta-amyloïdes dans le sang. Les progrès les plus nets ont été observés chez ceux présentant initialement des taux élevés de la forme la plus nocive de cette protéine.

« On peut voir la bêta-amyloïde comme des “débris” moléculaires qui s’accumulent et bloquent le système de câblage du cerveau », explique le Dr Thomas Holland, chercheur clinicien, qui n’a pas participé à l’étude. « Avec le temps, cet amas contribue à la perte de mémoire et au déclin cognitif ».

Selon lui, les résultats suggèrent que le benzoate de sodium pourrait soutenir les fonctions cognitives en modifiant la gestion de la bêta-amyloïde par l’organisme — soit en favorisant son élimination, soit en réduisant sa production. Mais les chercheurs soulignent que le mécanisme exact reste encore inconnu.

Comment cela pourrait fonctionner
Le benzoate de sodium est un conservateur synthétique largement utilisé dans les aliments et boissons acides pour prévenir le développement de moisissures. Il est classé « généralement reconnu comme sûr », c’est-à-dire considéré comme non dangereux lorsqu’il est employé conformément à son usage prévu.
Aux États-Unis, l’usage du benzoate de sodium dans les aliments et boissons est autorisé jusqu’à un seuil de 0,1 %. Contrairement à cette limite fixée par produit, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit une dose quotidienne acceptable de 0 à 20 milligrammes par kilo de poids corporel, soit environ 1300 milligrammes par jour pour un adulte de 68 kilos.

Le conservateur n’est toutefois pas exempt de controverses : combiné à la vitamine C, il peut former du benzène — un cancérogène avéré — dans certaines conditions. Certaines études l’ont aussi associé à l’hyperactivité chez l’enfant et à d’éventuelles dysfonctions cellulaires.

Dans l’essai clinique, le benzoate de sodium a semblé agir contre la maladie d’Alzheimer par plusieurs voies, à la différence des traitements actuels qui ciblent principalement l’élimination des plaques amyloïdes dans le cerveau.

Le produit n’entre donc pas dans la catégorie des traitements existants contre Alzheimer, mais occupe une position intermédiaire grâce à son approche multicibles.

Hsien-Yuan Lane, professeur et directeur de l’Institut de sciences biomédicales de l’université médicale de Chine, auteur correspondant de l’étude, souligne que les mécanismes par lesquels le benzoate de sodium pourrait réduire les niveaux de bêta-amyloïde restent inconnus, même si plusieurs pistes alternatives sont envisagées.

Le conservateur pourrait améliorer la communication entre les cellules cérébrales en bloquant une enzyme qui dégrade la D-sérine, un messager chimique essentiel à l’apprentissage et à la mémoire. Cette molécule active des récepteurs spécifiques permettant aux neurones d’échanger des signaux. Or, avec l’âge et dans la maladie d’Alzheimer, les niveaux de D-sérine comme l’activité de ces récepteurs chutent, compliquant la transmission des informations.

Le benzoate de sodium pourrait aussi réduire le stress oxydatif — des lésions cellulaires provoquées par des molécules nocives —, un autre facteur clé d’Alzheimer. Des travaux antérieurs montrent qu’il apaise l’inflammation des cellules immunitaires du cerveau et protège les neurones en stimulant des protéines qui favorisent leur résistance, leur réparation et la création de nouvelles connexions.

Chez des patients atteints d’Alzheimer léger, il a notamment permis d’augmenter les niveaux de deux antioxydants majeurs, la catalase et le glutathion, qui protègent les cellules nerveuses des dommages oxydatifs liés à la progression de la maladie.

Un besoin urgent de traitements

« Les traitements actuels de la maladie d’Alzheimer visent à gérer les symptômes et à ralentir l’évolution, mais il n’existe pas de cure », rappelle le Pr Hsien-Yuan Lane.

Il souligne que si certaines avancées récentes montrent un effet prometteur, elles comportent aussi des risques d’effets secondaires graves — gonflement ou hémorragies cérébrales — ainsi que des contraintes de coût, d’injections fréquentes et de suivi médical rapproché.

Selon le Dr Thomas Holland, les médicaments disponibles offrent des bénéfices limités car ils ciblent uniquement l’amyloïde et ne sont prescrits qu’aux patients en phase de déclin cognitif léger, donc déjà symptomatiques.

« Les véritables avancées viendront de traitements sûrs et multicibles, capables de prévenir et de traiter la maladie. Comme pour les maladies cardiovasculaires, il faut agir sur plusieurs mécanismes biologiques, pas seulement sur un seul », souligne-t-il.

Le Dr Holland est conseiller médical et clinicien pour l’essai américain POINTER, une étude sur deux ans qui teste si des changements de mode de vie peuvent protéger la fonction cognitive chez les personnes âgées à risque.

Recherches antérieures
Les chercheurs rappellent enfin que les doses utilisées dans les essais cliniques sont bien supérieures à celles présentes dans les aliments transformés. Une étude menée chez des patients schizophrènes a même administré jusqu’à 2000 milligrammes par jour. « Le terme de ‘conservateur alimentaire’ peut sembler inquiétant au premier abord. Mais il faut distinguer les traces présentes dans l’alimentation des doses médicales testées et encadrées scientifiquement », insiste le Dr Holland.
Il reste toutefois une inconnue majeure : on ne connaît pas encore les effets à long terme de telles doses, d’autant que les conservateurs présents dans l’alimentation peuvent interagir avec d’autres composés.

Ce n’est pas la première fois que le benzoate de sodium est testé contre la maladie d’Alzheimer. De petits essais menés à Taïwan ont déjà montré des résultats prometteurs. En 2014, une étude de 24 semaines sur 60 patients atteints de troubles cognitifs légers amnésiques ou d’Alzheimer léger a révélé que ceux traités au benzoate de sodium progressaient davantage que ceux sous placebo dans des tâches comme se rappeler des consignes, retrouver des mots, comprendre et s’orienter, sans effets secondaires notables.

Un essai plus restreint a retrouvé des améliorations similaires — mémoire verbale, orientation, apprentissage par répétition — ainsi que des changements observés à l’IRM cérébrale.

Pour le Dr Thomas Holland, l’intérêt de cette molécule est qu’elle agit différemment : « Elle ne cible pas seulement les “débris” amyloïdes du cerveau, mais aussi le stress oxydatif qui endommage les cellules nerveuses. Pour les patients, prendre une pilule à domicile serait bien plus pratique que des perfusions répétées à l’hôpital ».

Il ajoute que si des études plus larges sont nécessaires, le benzoate de sodium pourrait compléter les thérapies existantes, voire devenir une option de première intention plus sûre.

Les experts rappellent néanmoins que des questions essentielles restent ouvertes. L’étude a mesuré les protéines amyloïdes dans le sang, et non directement dans le cerveau. « C’est une nuance importante : les taux sanguins ne reflètent pas parfaitement ceux du cerveau, même si les tendances restent informatives », souligne le Dr Holland. Il compare cette mesure au suivi d’une rivière : moins de pollution en aval peut suggérer un environnement plus propre en amont, sans certitude absolue.

Les chercheurs admettent ainsi qu’on ignore encore si les variations observées dans le sang traduisent de réels changements cérébraux ou dans le liquide céphalo-rachidien. Le Pr Lane précise aussi qu’il n’est pas établi qu’une consommation alimentaire de benzoate de sodium ait un effet sur le risque ou l’évolution d’Alzheimer.

« Ces résultats sont encourageants, mais il faudra les confirmer par l’imagerie cérébrale ou l’analyse du liquide céphalo-rachidien pour être conclusifs », conclut le Dr Holland.

Avant de se consacrer à l'écriture, Rachel a travaillé comme ergothérapeute, spécialisée dans les cas neurologiques. Elle a également enseigné des cours universitaires en sciences fondamentales et en ergothérapie professionnelle. Elle a obtenu une maîtrise en développement et éducation de l'enfant en 2019. Depuis 2020, Rachel écrit beaucoup sur des sujets de santé pour diverses publications et marques.

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