Au Japon, la passion des trains fait parfois dérailler les esprits

Par Epoch Times avec AFP
30 mars 2022 17:05 Mis à jour: 30 mars 2022 17:07

Foules, altercations et parfois même agressions. Les légions de fanatiques de trains au Japon sont le plus souvent d’inoffensifs passionnés du réputé système ferroviaire du pays, mais un petit groupe d’entre eux attire l’attention sur les dérives de ce passe-temps.

Les trains nippons sont depuis longtemps admirés au Japon et dans le monde entier pour leur technologie de pointe, leur ponctualité et leurs grilles d’horaires méticuleuses.

De nombreuses communautés d’aficionados gravitent autour des chemins de fer, de ceux capables de réciter les horaires des trains aux passionnés enregistrant leurs bruits, en passant par les amoureux des panier-repas vendus dans les gares ou tout simplement les collectionneurs de trains miniatures.

Réaliser le cliché parfait d’une rame à l’approche

Le Japon comptait quelque cinq millions de ces fans en 2015, selon Nobuaki Takada, consultant pour la compagnie NRI Social Information System Services.

La plus célèbre de ces tribus de passionnés est celle des « toritetsu » (ceux qui « prennent les trains en photo »), qui n’ont de plus grand plaisir que de chercher à réaliser le cliché parfait d’une rame à l’approche.

Tsutomu Okawa utilise une loupe pour revoir une image lue sur l’écran de son appareil photo, près d’une voie ferrée à Hasuda, au Japon le 28 février 2022. Photo par PHILIP FONG/ AFP via Getty Images.

Les toritetsu existent depuis des décennies, mais ont parfois attiré l’attention ces dernières années pour leurs altercations, leurs intrusions dans des zones interdites et même des violences.

Si les adieux ardents à de vénérables locomotives accomplissant leur dernier trajet étaient déjà monnaie courante dans les années 1960 et 1970, des faits récents comme le harcèlement d’un cycliste s’étant invité sur une photo de train et l’agression l’an dernier d’un adolescent inquiètent les fans.

« Les comportements ont empiré, c’est sûr », déplore Masao Oda, photographe amateur de convois ferroviaires depuis 50 ans.

« Maintenant, les gens me montrent du doigt » pendant les séances photos, regrette Akira Takahashi, 27 ans, qui voue un amour sans bornes à la locomotive électrique dite « classe EF66 », mise en service au Japon en 1966.

« Notre image est devenue majoritairement négative », dit à l’AFP celui qui ne veut pas « être mis dans le même sac que ceux qui causent des problèmes ».

« Tout » aimer au sujet des trains: « leur bruit, leur aura… ».

Ryunosuke Takagai, un étudiant de 19 ans, se lève parfois à 05H00 du matin pour partir en chasse et travaille à l’occasion à temps partiel dans des usines pour financer sa passion et dit « tout » aimer au sujet des trains: « leur bruit, leur aura… ».

« Ce moment où vous arrivez à capturer le train que vous avez attendu pendant des heures est vraiment gratifiant », s’exclame-t-il.

Le comportement de plus en plus agressif de certains toritetsu est lié à leur quête du cliché parfait, selon le journaliste spécialisé Jun Umehara qui a travaillé pour l’un des plus célèbres magazines ferroviaires au Japon.

Un conducteur s’adresse aux passagers d’un train populaire pour sa tournée nocturne qui longe la ligne de chemin de fer à travers une zone industrielle à Fuji, préfecture de Shizuoka le 26 février 2022. Photo de Philip FONG / AFP via Getty Images.

Il s’explique aussi par un moins grand nombre de locomotives mises à la retraite, selon lui. « Chaque train a son baroud d’honneur qui, pour eux, est la dernière pièce du puzzle pour leur collection de photos ».

« L’idée de ne pas avoir cette dernière pièce est presque intolérable », ajoute-t-il. D’où leur comportement parfois « désespéré ».

Le développement urbain a aussi fait disparaître certains « spots » à images, rendant encore plus difficile la prise de photos s’approchant de celles qu’ils considèrent comme des références.

Ces images, publiées dans des magazines de niche à destination des toritetsu, montrent souvent une vue des trains sans « intrus » (barrières, arbres, passagers…)

« Imiter ces clichés dans la vie réelle est quasiment impossible », note M. Umehara. « Mais c’est ce qu’ils recherchent malgré tout ».

Fan club pour les passionnés de trains

Face aux fans s’aventurant dans des espaces interdits, les compagnies ferroviaires ont souvent dû accroître la sécurité de leurs installations.

La compagnie JR East, desservant toute la moitié nord de l’île principale du Japon, y compris sa capitale, a cependant renversé la vapeur l’an dernier en lançant un fan club pour les passionnés de trains.

« On peut compter sur les toritetsu pour prendre de magnifiques photos de nos trains et les promouvoir sur internet », reconnaît Yusuke Yamamoto, responsable du projet.

-Un train à grande vitesse Shinkansen E7 passe devant la gare de Nippori pendant la soirée à Tokyo le 25 novembre 2021. Photo de Philip FONG / AFP via Getty Images.

« Alors plutôt que de les traiter comme nos ennemis, nous voulions bâtir une bonne relation avec eux », pour que cette communauté casse les préjugés, dit-il en citant en exemple les fans de manga et d’animation, moins isolés socialement depuis que leur passion a conquis le grand public.

« Les toritetsu sont une culture, et j’espère que cette image va changer », dit M. Yamamoto.

 

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