Ce que signifie un yuan faible pour le reste du monde

18 août 2015 08:53 Mis à jour: 27 octobre 2015 11:10

 

La banque centrale de Chine a temporairement autorisé une circulation plus importante de sa monnaie, faisant baisser le yuan la semaine dernière, jusqu’à ce qu’il se stabilise vendredi.

La décision de Pékin de lâcher les rênes sur sa monnaie, le Renminbi, face au dollar américain la semaine dernière a secoué les marchés financiers, en particulier en Asie du Sud et de l’Est. Les marchés américains et européens ont également chuté du fait de l’incertitude de la Chine sur la gestion de son économie, et les perspectives économiques pessimistes en découlant.

Les économistes pensent qu’une dévaluation continue du yuan pourrait être en train de se produire. Examinons comment un yuan faible peut impacter sur l’économie mondiale.

Le prix des marchandises va continuer à s’effondrer
Déjà titubants suite à un ralentissement économique chinois, les prix mondiaux des marchandises diminueront probablement davantage avec un yuan déprécié.

Le Bloomberg Commodity Index, qui suit les valeurs d’un ensemble de produits dont l’or, le pétrole brut et le gaz naturel a décliné de 28% au cours des douze derniers mois. Depuis le 10 août, l’indice a chuté de 2,4%.

La Chine est le principal importateur de matières premières, comme le minerai de fer, le cuivre et le pétrole brut. Un yuan faible augmente le coût de telles importations, obligeant les sociétés de construction et de fabrication chinoises à limiter leurs dépenses.

Un autre facteur exerçant des pressions sur les prix des marchandises est le dollar américain. Pour la Chine, en tant que plus grande réserve de liquidités au monde et – plus probablement – celle qui impacte le plus le yuan, toute dévaluation supplémentaire du yuan relancera davantage le dollar. Puisque la plupart des marchandises telles que l’or et le pétrole sont monnayées en dollars, un dollar fort tirera vers les bas les prix des marchandises.

Ceci pourrait être une mauvaise nouvelle pour les économies dépendantes des matières premières, comme l’Australie, le Brésil, la Russie et le Moyen-Orient.

La décision de la Fed plus complexe
Aux États-Unis, tout au long de l’été Wall Street s’est attendu à ce que la Réserve Fédérale (Fed) élève les taux d’intérêts le mois suivant pour la première fois en presqu’une décennie. Janet Yellen, la présidente de la Fed a jeté les bases, le mois dernier pour que les conditions soient réunies pour une hausse des tau – citant une économie américaine renforcée, des dépenses solides de la part des consommateurs et des niveaux d’emplois stables.

La semaine dernière, Pékin a fait une entorse à ces plans.

La Chine est un des partenaires économiques les plus importants des États-Unis. Un yuan faible dévalorise les importations chinoises et surévalue les exportations américaines, entrainant à nouveau une crainte de déflation et renforçant les craintes sur les bénéfices des sociétés multinationales américaines.

Les rendements sur la trésorerie à 10 ans ont chuté de 10 points entre le 10 et le 12 août, avant de rebondir, vendredi dernier jusqu’à 2,2%, signalant que les courtiers s’attendent à ce que le yuan soit pris en compte dans la décision de la Fed.

Finalement, la devise chinoise pourrait ne pas modifier la conviction de la Fed si elle pense que l’économie principale des États-Unis est suffisamment puissante pour garantir une hausse des taux. Alors que les analystes de J.P. Morgan pensent qu’une évolution du taux est toujours possible pour septembre, Jan Hatzius, chef économiste de Goldman Sachs voit « davantage de raisons fondamentales pour lesquelles la Fed pourrait vouloir attendre après septembre » pour une hausse des taux.

L’impact sur la distribution et le luxe
Les multinationales étrangères dépendantes des ventes de la Chine, verront probablement une chute de leurs ventes.

Plusieurs facteurs contribuent à ce fait. D’abord, les biens étrangers deviendront plus onéreux pour les consommateurs chinois, exerçant des pressions sur le volume des ventes. Ensuite, tout revenu généré en Chine aura une valeur moindre pour les sociétés déclarant des revenus en dollars, du fait des frais de change d’une monnaie étrangère.

Les fabricants de produits de luxe seront particulièrement frappés par un yuan faible. Déjà pressés par les campagnes anti-corruption de Xi Jinping, les marques de produits de luxe pourraient subir une pression supplémentaire sur les produits à l’intérieur de la Chine ainsi que sur celles venant des touristes chinois à l’étranger.

La semaine dernière, les investisseurs ont vendu des stocks de produits de luxe. Les actions de LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton ont chuté de 8% à la bourse Euronext, BMW AG a décliné de 6,4% à Francfort et les actions de Richemont SA ont chuté de 7,4% à Zurich la semaine dernière.

Mais les sociétés qui externalisent vers la Chine pourraient voir un effet opposé, puisque les produits finis fabriqués en Chine, facturés en yuan, deviendront moins couteux.

« Les détaillants de marchandises standards et de l’industrie du jouet seront les vainqueurs évidents » a déclaré Fitch Ratings, dans une note d’analyse la semaine dernière.

Qu’en est-il de l’Asie ?
Un yuan faible aura l’impact le plus négatif sur les pays ayant un profil d’exportateur similaire à la Chine, et qui exportent aussi leurs produits vers les consommateurs chinois.

« En Asie, les pays qui correspondent à ces critères sont la Corée, Taiwan et la Malaisie et à un degré moindre, la Thaïlande, du point de vue de la similarité au niveau des exportations » a expliqué Ray Farris, responsable de la stratégie des marchés émergents à revenus fixe du Crédit Suisse, à CNBC India. « Ainsi, ce sont des pays où, si le yuan chinois continue à se déprécier, les pressions de la compétitivité et de l’augmentation des coûts sur le marché chinois feront le plus mal. »

Certains analystes s’attendent à ce que d’autres économies asiatiques dévaluent leurs monnaies respectives pour maintenir la compétitivité avec la Chine, soulevant le spectre de la guerre des devises asiatiques. La semaine dernière, le Won coréen, le Ringgit malaisien et la Rupiah indonésienne sont tous tombés face au dollar.

La réalité est un peu plus nuancée que cela. Prenez le Japon, par exemple, où l’impact d’un yuan dévalué augmente à la fois les opportunités et les menaces.

On pourrait faire valoir que les petites entreprises japonaises et les magasins de détail, en surface, pourraient souffrir de faibles visites touristiques de la part des Chinois. Mais étant donné la forte classe moyenne en Chine et la proximité du Japon avec la Chine, un yuan plus faible pourrait accroitre le flux des touristes vers le Japon alors que les consommateurs ont réduit leurs ambitions et les voyages – couteux – vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Pour les fabricants et les constructeurs automobiles japonais, la chute économique générale chinoise les a davantage frappé que quelques pourcentages de dévaluation des devises. Et si une devise plus faible peut soutenir les fabricants de Chine et son économie, comme l’espère Pékin et ce qui est discutable, l’augmentation des ventes qui en résulterait en Chine fera plus que compenser l’impact de la monnaie.

Ce sont les sociétés japonaises vendant des produits nationaux qui nourrissent le plus d’inquiétudes, puisqu’un afflux bon marché de produits venus de Chine entrera en concurrence avec les sociétés locales. « Il est à craindre qu’un yuan plus faible affecte le marché japonais en termes d’importations de Chine » a déclaré Tatsuro Kanno de Acier Kobe à AP.

Et pour le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le geste de la Chine lui fournit simplement des leviers pour un nouvel assouplissement monétaire.

Version anglaise disponible à :
What a Cheap Yuan Means for Rest of the World

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