Lutte contre le trafic de drogue à Marseille : « C’est de l’agitation purement médiatique qui ne débouche sur rien », prévient Jean-Pierre Colombies

Par Julian Herrero
8 janvier 2024 10:10 Mis à jour: 8 janvier 2024 14:46

Ce mercredi 3 janvier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était en déplacement au sein de la cité phocéenne. Une visite marquée par la lutte contre le trafic de drogue. Le ministre en a profité pour rencontrer des personnalités politiques locales et présenter des nouvelles mesures, tout en affirmant qu’il y a « encore beaucoup de travail à faire ». À Marseille, le trafic de stupéfiants a fait exploser la délinquance et les forces de l’ordre font toujours face à de grandes difficultés pour tenter d’endiguer ce phénomène.

Le ministre de l’Intérieur en déplacement à Marseille

Lors de sa 30e visite dans la ville des Bouches-du-Rhône, Gérald Darmanin s’est montré optimiste. « Les résultats de Marseille sont des bons résultats de lutte contre le narcobanditisme, mais qu’il faut amplifier », a-t-il déclaré. Il a également salué une baisse de « 40 % des points de deal ». Une baisse qui laisse sceptiques certains syndicats de policiers qui craignent un retour rapide des trafiquants sur les points de deal en question.

« J’aimerais que le ministre de l’Intérieur nous explique concrètement par quoi cette baisse se traduit. Est-ce que la drogue a totalement disparu dans ces secteurs ? À mon avis, ils ont mis le paquet sur des secteurs plus visibles que d’autres, mais le trafic s’est simplement déplacé », témoigne à Epoch Times Jean-Pierre Colombies, ancien capitaine à la Police Judiciaire et à la sûreté urbaine de Marseille.

Le locataire de Beauvau a également inauguré à Marseille la CRS 81 dans le but de « renforcer le travail de lutte contre le trafic de drogue » et a indiqué vouloir mettre en place un contrôle systématique des livreurs de stupéfiants surnommés « Uber shit ». Ces livreurs se sont très rapidement développés ces dernières années dans la cité phocéenne. Réalisant que les consommateurs étaient de plus en plus contrôlés par les forces de l’ordre, les trafiquants ont changé de stratégie, se sont adaptés et ont décidé de créer un système de livraisons.

« Les autorités décident de cibler une cité et de contrôler des entrées et des sorties, donc les acheteurs, ce qui ne part pas d’un mauvais sentiment puisque le trafic existe parce qu’il y a des consommateurs. Mais les trafiquants délocalisent et deviennent très mobiles et adaptent le marché. N’oublions que nous avons affaire à des commerciaux ! Et donc aujourd’hui, ils livrent leurs acheteurs », explique l’ancien fonctionnaire de police à Marseille.

La très forte augmentation de la délinquance et de la violence

Le trafic de drogue a des conséquences dramatiques dans la capitale de la région Sud. L’année 2023 a été marquée par un nombre de morts lié au trafic de stupéfiants « jamais atteint » selon le procureur de la République de Marseille. L’année dernière, ce genre de trafic a entraîné la mort de 47 personnes et en a blessé 118 autres. En 2022, 31 personnes en avaient été victimes.

« Les règlements de compte et les actes de violence se démultiplient parce qu’il n’y a pas de peur de la sanction et l’exécution des peines n’est pas suivie. La justice condamne, mais comme il n’y a pas assez de places de prison, les délinquants ne sont pas punis » selon le procureur.

Cette violence liée à la drogue évolue, et les profils des individus liés au trafic sont de plus en plus jeunes. Sur les 47 morts, 7 étaient des mineurs. Toujours selon le procureur, 11 % des personnes mises en examen pour homicides volontaires étaient mineures et 51 % d’entre elles avaient entre 18 et 21 ans.

Les actions des forces de l’ordre et leurs difficultés

Depuis plusieurs années, le ministre de l’Intérieur présente des dispositifs pour lutter plus efficacement contre le trafic de stupéfiants à Marseille. En 2022, il annonçait l’ouverture prévue en 2024 d’un nouveau commissariat pour les 13e et 14e arrondissement de la ville. En ce début d’année, c’est l’unité spéciale CRS 81, composée de 194 femmes et hommes qui devrait soutenir l’effort des agents déjà en place.

« C’est de l’agitation purement médiatique qui ne débouche sur rien. Jamais les CRS n’auront un impact sur le trafic de drogue », prévient Jean-Pierre Colombies.

« La vraie question qu’il faut poser aux responsables politiques est celle des effectifs. Où les prennent-ils ? Je rappelle que nous ne recrutons pas plus de policiers, nous sommes en pleine déflation. Depuis l’an 2000, les effectifs de police ne font que baisser. En conséquence, à Marseille, un commissariat sur deux a été fermé. Il n’y a pas réellement de présence policière », ajoute-t-il.

Pour l’ancien capitaine à la PJ et à la sûreté urbaine de Marseille, les policiers font face à de nombreuses difficultés et il déplore que les problématiques du manque d’effectif et de lourdeur procédurale ne soient pas prises en compte par le ministre de l’Intérieur.

Un grand nombre de policiers estime également que tout ne peut être réglé par la police et affirment qu’au regard du rajeunissement des profils des trafiquants de drogue, il y a un travail de responsabilisation des parents à mener.

« Les difficultés sont multiples et ce que je sais, c’est que ni la police, ni la justice ne régleront à eux seuls la problématique des stupéfiants. Pour la simple et bonne raison que nous faisons face à un problème de société, à un enjeu médical. Beaucoup de gens se réfugient dans les drogues par mal-être et parce que le climat est anxiogène », souligne Jean-Pierre Colombies.

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