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Sacrifice et virilité : ce qui construit vraiment un homme

Comment un chef d’établissement apprend à ses garçons à cultiver l’émerveillement, à développer un sens des responsabilités et à découvrir la joie de donner.

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Le travail physique, surtout lorsqu’il est accompli en commun, aide les garçons à se détourner d’un consumérisme passif pour s’engager activement, avec générosité et dévouement.

Photo: Illustration de Biba Kayewich

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Durée de lecture: 13 Min.

Qu’est-ce qui permet de guider un adolescent vers l’âge adulte ?

Depuis le début du siècle, une petite armée d’auteurs, de commentateurs, de ministres et de psychologues a consacré des millions de mots à cette question. Tous reconnaissent que les adolescents d’aujourd’hui se heurtent à des obstacles sur la route de la maturité masculine — l’absence de père dans de nombreuses familles, par exemple, ou la prévalence de la pornographie et des jeux vidéo addictifs — des phénomènes que les générations précédentes rencontraient rarement, voire jamais.

Récemment, le directeur d’un internat pour garçons, âgé de 36 ans, a apporté à cette discussion une perspective philosophique plus profonde.

« Toute cette période entre l’enfance et l’âge adulte a pour but de passer d’un état où l’on reçoit tout à un état où l’on donne tout », a déclaré Ben Strong à Epoch Times. « Nous vivons dans un monde marqué par des hommes malheureux qui ne savent pas ce que signifie être un homme, parce qu’ils n’ont jamais fait l’expérience de l’action, du don et du sacrifice. »

M. Strong a ensuite partagé quelques idées pratiques sur la manière de renverser cette tendance.

La véritable virilité implique le sacrifice de soi

Ben Strong a fondé la Saint Andrew’s Academy dans le Kentucky il y a seulement trois ans. Il a tiré cette compréhension d’une source inattendue.

« Des moines sont venus visiter l’école et nous discutions de ce que signifie être un homme », a expliqué M. Strong. « L’une des définitions données par les moines est qu’un enfant reçoit pleinement tout. Il reçoit sa nourriture, son logement, son savoir, ses soins et son soutien d’autrui. Un homme peut être défini presque entièrement par le fait qu’il vit pour les autres. Il vit dans une démarche sacrificielle. »

Associer la virilité au sacrifice n’a rien de nouveau. À travers les siècles, les cultures du monde entier attendaient des pères et des maris qu’ils agissent comme protecteurs et pourvoyeurs pour leur famille. Ces deux rôles signifiaient souvent renoncer à leurs propres désirs et besoins — et parfois à leur vie — non seulement pour le bien de leur épouse et de leurs enfants, mais pour celui des autres.

Et nombre d’hommes agissent encore ainsi aujourd’hui. Ils sont des époux et des pères aimants ; ils prennent soin de leurs parents âgés ; ils travaillent dur pour gagner leur vie et contribuent à la société. M. Strong lui-même en fait partie. Père de trois enfants, avec un quatrième en route, il se met au service de son école et de sa famille.

Pourtant, la prise de conscience d’un maillon manquant entre l’enfance et l’âge adulte masculin demeure profonde. Au lieu d’apprendre l’esprit de sacrifice, beaucoup trop d’adolescents grandissent dans l’idée qu’il vaut mieux recevoir que donner.

« Nous vivons dans une société consumériste », a affirmé M. Strong. « Nous achetons tout. Nous appuyons sur un bouton et nous avons de la nourriture. Nous voulons du divertissement, nous appuyons sur un bouton. Toutes ces occasions d’éprouver la joie née de l’effort et du sacrifice sont sapées par cette mentalité consumériste. Le message qu’entend un garçon est qu’il suffit d’acheter des choses pour être heureux. »

Une vision

En tant que fondateur et directeur de St. Andrew’s, M. Strong espère contribuer à restaurer la signification sacrificielle de la virilité. L’école suit un programme classique, met l’accent sur les sports et les arts manuels, et propose des activités extrascolaires comme le chant ou le jonglage.

Les ambitions élevées de M. Strong pour l’académie peuvent inspirer les parents partout, quelle que soit l’école où vont leurs fils.

« Platon dit que l’objectif même de l’éducation est d’apprendre aux hommes à aimer ce qui est aimable, ce qui est beau », a expliqué Ben Strong. « Je pense que ce sont les deux valeurs que l’on voudrait inculquer aux garçons : qu’ils aiment ce qui est vrai, ce qui est bon, ce qui est beau — et qu’ils soient prêts à se sacrifier pour ces choses. »

Parallèlement, Saint Andrew’s doit beaucoup à un programme d’humanités de l’Université du Kansas, l’Integrated Humanities Project (IHP). Fondé en 1970 et n’ayant duré qu’une décennie, l’IHP continue néanmoins d’influencer certaines écoles et pédagogues catholiques. L’une des figures majeures de ce programme fut John Senior, auteur de The Restoration of Christian Culture (La Restauration de la culture chrétienne). M. Senior a également établi une liste de lectures pour les jeunes, The Thousand Good Books (Les Mille bons livres), disponible en ligne et fortement recommandée par M. Strong.

La devise de l’IHP, « Nascantur in admiratione », ou « Qu’ils naissent dans l’émerveillement », est l’un des principes directeurs de la philosophie éducative de Strong.

« Je pense qu’un jeune homme ressent de la joie à connaître ce qu’un être humain est destiné à connaître. Il existe une joie et une satisfaction à accomplir sa nature », a-t-il expliqué. « Ce type d’approche poétique, très expérientielle, lorsque l’on s’engage dans le monde et auprès des personnes autour de soi, suscite réellement le désir d’en savoir davantage. »

De la vision à l’action

Le travail de M. Strong comme enseignant et directeur, ses nombreuses lectures sur les garçons et l’éducation, ainsi que sa propre expérience, font de lui une véritable mine d’informations sur les moyens concrets d’aider les parents à guider leurs fils vers l’âge adulte.

« L’un des outils les plus efficaces, surtout pour les tout-petits, consiste à les impliquer dans le monde réel », a déclaré Ben Strong.

Lire des livres aux enfants, les initier à la nature — qu’il s’agisse d’un bois ou du jardin familial — et simplement passer du temps avec eux sont des éléments essentiels pour éveiller leur sens de l’émerveillement et leur désir d’apprendre.

Le travail manuel, surtout lorsqu’il est accompli en communauté, aide les garçons à passer de la passivité à la participation et au don généreux de soi. (Biba Kayewich)

Mettez les écrans de côté

Les garçons de Saint Andrew’s n’ont pas accès aux téléphones portables, ordinateurs ou tablettes. Pour appeler leur famille ou en cas d’urgence, ils utilisent les téléphones de l’école. Ainsi, ils portent leur attention sur les activités et la construction d’amitiés, plutôt que de passer leur temps à regarder des écrans.

« Couper le cordon avec l’électronique est énorme », a déclaré M. Strong. « Dès le plus jeune âge, vous êtes surstimulé et vous ne développez pas l’habitude de regarder activement vers l’extérieur. Nos enfants sont formés à être passifs dès qu’ils entrent dans le monde, et je crois que cela les handicape. »

Depuis des années, des auteurs et chercheurs comme Jonathan Haidt mettent en garde contre les effets émotionnels et mentaux néfastes des écrans sur le bien-être des enfants et des adolescents. M. Strong recommande vivement aux parents soit de s’en passer totalement, soit de surveiller de près le temps d’écran de leurs enfants et les contenus qu’ils regardent.

Devenir un donateur

M. Strong insiste également sur l’importance de confier des responsabilités aux enfants dès leur plus jeune âge.

« Vous savez, aider à mettre la table, ramasser leurs jouets », a-t-il détaillé. « Peu à peu, ils comprendront la joie qui vient du fait de faire quelque chose, et pas seulement de recevoir. »

Parents, mentors et chercheurs savent depuis longtemps que les petites tâches confiées aux enfants, augmentant en durée et en exigence à mesure qu’ils grandissent, leur donnent davantage le sentiment d’appartenir à la famille et leur apprennent la valeur du travail et du don.

La transformation en trois étapes

Peut-être les années d’adolescence avancée sont-elles les plus cruciales : c’est alors que le parcours vers l’âge adulte commence réellement. M. Strong a cité ici le livre de Jason M. Craig, Leaving Boyhood Behind (Laisser l’enfance derrière soi), qui décrit cette transition comme un processus en trois étapes : séparation, initiation et incorporation. L’université et le monde du travail sont des lieux typiques où cette transformation peut se produire. M. Strong a également mentionné l’armée comme une autre institution où de jeunes hommes font leurs adieux à leur ancienne vie, endurent un boot camp et deviennent membres à part entière d’une équipe.

« À un moment donné, il doit nécessairement y avoir une séparation, ou une sortie de ce monde où l’on reçoit, pour entrer dans un monde où l’on donne et où l’on se sacrifie », a affirmé M. Strong. « Et la phase la plus importante est l’incorporation, lorsque vous avez quitté le monde de l’enfant pour être initié à celui de l’homme. Vous avez fait les choses difficiles que vous voyiez les hommes accomplir, éprouvé la joie procurée par le sacrifice et le travail, et vous faites maintenant visiblement partie de ce groupe d’hommes. »

À ces caractéristiques de la virilité — un sens de l’émerveillement, une appréciation de la beauté, une compréhension du bien et du vrai, et la volonté de se consacrer à ce que nous chérissons — M. Strong ajoute la clé de voûte de la foi religieuse.

« Si vous ne regardez pas vers la source de la vie, de l’amour et de la joie, vous vous préparez à l’échec. Toutes ces choses sont le fruit de la grâce », a-t-il déclaré.

En résumé, comme l’a dit M. Strong lui-même, « vous aimez de tout votre cœur ce qui est bon, et vous vous sacrifiez pour ce que vous aimez ».

Jeff Minick, auteur, a quatre enfants et un nombre croissant de petits-enfants. Pendant 20 ans, il a enseigné l’histoire, la littérature et le latin en cours à domicile à Asheville, en Caroline du Nord. Aujourd’hui, il vit et écrit à Front Royal, en Virginie, aux États-Unis.

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