En Chine, les migrants ruraux mal payés posent un problème au régime

Par Chriss Street
11 mars 2020 17:38 Mis à jour: 11 mars 2020 19:26

Le miracle économique chinois, qui dure depuis trois décennies, a été fondé tout d’abord sur une lutte des classes et a été alimenté par une exploitation des migrants ruraux qui avaient des salaires équivalents à un tiers de ceux des citadins, explique dans son nouveau livre Dexter Roberts, ancien chef de bureau de Bloomberg en Chine.

Ce livre, intitulé The Myth of Chinese Capitalism: The Worker, the Factory, and the Future of the World (Le mythe du capitalisme chinois : l’ouvrier, l’usine et l’avenir du monde) est qualifié par le magazine Publishers Weekly de « contre-argument lucide et persuasif à l’idée que le modèle économique chinois est sur le point de conquérir le monde ». Son auteur montre que des centaines de millions de migrants ruraux chinois, qui ont quitté leur domicile pour trouver des emplois dans les usines côtières du pays avec « de maigres salaires et de mauvaises conditions de travail », commencent à se rebeller contre la politique d’exploitation du Parti communiste qui a « poussé le ressentiment des travailleurs jusqu’au niveau d’instabilité ».

Pendant plus de deux décennies, Dexter Roberts a été chef de bureau et rédacteur en chef des informations sur l’Asie du magazine Bloomberg Businessweek, basé à Pékin. Il a fait des reportages provenant de toutes les provinces et régions de la Chine, y compris le Tibet, le Xinjiang et la Corée du Nord voisine. Il travaille actuellement comme chercheur au Maureen and Mike Mansfield Center de l’université du Montana.

Selon le nouveau livre de Roberts, la voie du développement économique centralisé de la Chine, souvent citée comme un modèle pour les pays du monde entier qui cherchent à échapper à la pauvreté, n’est qu’un système d’exploitation qui relègue la moitié de ses citoyens au rang de migrants de seconde classe – des citoyens qui sont exclus des importantes retombées économiques dont bénéficient les citadins.

Dans une interview accordée au blog technologique du Quartz, M. Roberts qualifie de mythe le fait que la Chine a vu une très large expansion de sa classe moyenne, qu’elle a créé des entreprises compétitives et des technologies de pointe qui lui permettraient de dominer les marchés mondiaux.

Il affirme que le développement économique de la Chine s’est appuyé sur trois instruments politiques clés : 1) la politique d’enregistrement des ménages hukou ; 2) la politique de l’enfant unique ; et 3) le système de propriété foncière double.

Le hukou est un système officiel d’enregistrement des ménages et des familles qui classe les Chinois en tant que résidents d’une telle ou telle région. Il est directement lié aux programmes sociaux du gouvernement, qui attribuent des prestations en fonction du statut de résidence agricole et non agricole (rural et urbain).

Depuis la prise de contrôle de la Chine par le Parti communiste en 1949, le hukou a fonctionné comme un système de castes. Les résidents urbains reçoivent des prestations dans les domaines de la retraite, de l’éducation et des soins de santé, tandis que les résidents ruraux sont souvent laissés à eux-mêmes. Pendant des décennies, la politique d’enregistrement des ménages permettait à l’État-Parti chinois de disposer d’une main-d’œuvre migrante rurale relativement peu rémunérée et très docile, ce qui correspondait à ses plans de transformer le pays en une « usine du monde ».

Dans le cadre des réformes agraires nationales qui ont eu lieu de 1950 au printemps 1953, les terres rurales chinoises ont été collectivisées. Par conséquent, les agriculteurs ne peuvent pas vendre les terres, mais les gouvernements locaux peuvent acheter des terres rurales à des prix très bas, les reclasser comme terrains industriels ou commerciaux, puis majorer leur valeur et les vendre aux promoteurs en empochant d’énormes profits.

En même temps, dans les villes chinoises, il y a eu un « énorme et très, très lucratif marché immobilier pour les citadins » qui pouvaient acheter et vendre des biens immobiliers avec des baux résidentiels de 70 ans, ce qui a créé une « explosion de richesse ».

M. Roberts affirme que le hukou a agi comme un « système de passeport interne », rendant très difficile pour les Chinois des zones rurales de s’installer de façon permanente dans les villes. En conséquence, ils n’ont pas accès à des soins de santé abordables dans les villes et leurs enfants ne peuvent pas aller dans les écoles urbaines sans payer beaucoup d’argent.

Les enfants de parents migrants qui vivent encore à la campagne montrent un taux d’abandon scolaire beaucoup plus élevé que les enfants de parents urbains. Dexter Roberts ne croit pas que les plans de la Chine visant à construire une nouvelle économie de haute technologie axée sur l’innovation soient réalisables si une partie importante des enfants chinois « finit par abandonner l’école secondaire ».

L’auteur du livre affirme également que la politique de l’enfant unique du régime chinois a créé une implosion démographique affectant la quantité de main-d’œuvre en Chine, ce qui met fin à son « modèle de développement en tant qu’usine du monde ». Par conséquent, la Chine n’a plus de main-d’œuvre bon marché et n’a plus de main-d’œuvre docile.

Malgré les observations d’autres analystes de la Chine selon lesquelles le régime communiste continue de consolider son emprise sur le pouvoir, Roberts affirme que ce régime fait face aujourd’hui à « une menace d’une énorme importance ».

Obligées de payer des salaires plus élevés en Chine, les entreprises étrangères délocalisent leur production vers d’autres pays qui peuvent offrir une main-d’œuvre moins chère ; couplé à la poussée politique de la plus haute direction de Pékin, qui essaye d’automatiser de plus en plus les usines, les emplois occupés par les travailleurs migrants sont en train de disparaître.

Les citadins bénéficiaient financièrement de l’ancien modèle autoritaire qui faisait des migrants des citoyens de seconde classe mal payés. Aujourd’hui, le régime chinois s’attend à ce que les travailleurs migrants, qui ne trouvent plus d’emploi dans les usines ou les chantiers en ville, rentrent tranquillement chez eux et « réinventent eux-mêmes de nouvelles formes d’emploi », en devenant, par exemple, entrepreneurs.

Dexter Roberts suggère qu’il y a désormais un potentiel d’une nouvelle lutte des classes en Chine – une lutte des classes qui pourrait impliquer des centaines de millions de migrants ruraux rebelles qui ont des compétences techniques quasi inexistantes et très peu d’économies.

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