Cinq forêts domaniales fermées au public

28 septembre 2016 09:00 Mis à jour: 30 septembre 2016 23:05

Cinq forêts domaniales sont fermées depuis le 15 septembre et ce pour plusieurs mois, le temps de sécuriser les forêts. En cause, la chalarose, une maladie fongique qui fragilise les frênes. Les forestiers constatent un affaiblissement des frênes qui peut entraîner des chutes d’arbres, de branches et menacer la sécurité des promeneurs.

L’Office National des Forêts, craignant les accidents, a annoncé la fermeture au public de cinq forêts domaniales, dont quatre massifs du Pas-de-Calais (Boulogne, Desvres, Hardelot et Vimy) et de Nieppe dans le Nord.

Nous sommes allés à la rencontre de Bruno Dermaux, chargé de mission à l’Office National des Forêts (ONF) pour en savoir plus.

Pourquoi cette fermeture ?

Cette annonce de fermeture des forêts vient de la maladie des frênes. Routes et chemins sont fermés au public et progressivement, avec l’avancement des travaux, nous espérons rouvrir vers juin 2017. Nous devons sécuriser 350 kilomètres de routes et de chemins. Les quatre forêts du Pas-de-Calais et celle du département du Nord sont très riches en frênes. Les travaux ont déjà commencé et les panneaux d’interdiction de circulation dans la forêt à partir du 15 septembre ont été posés.

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Nous allons abattre les frênes sur 30 mètres de largeur de part et d’autre des lieux de passage public. Au niveau national, le frêne représente 4% des essences forestières, il est généralement disséminé. Mais dans les régions du Nord et du Pas-de-Calais, il représente environ 10%. Mais les proportions sont inégales : dans le Boulonnais, le taux approche les 40%, en forêt de Boulogne-sur-Mer il est de 46%, en forêt de Desvres de 36%, en forêt d’Hardelot de 50%, en forêt de Vimy de 36% et en forêt de Nieppe de 17%, mais là il est seulement concentré sur certains secteurs de la forêt.

La maladie du frêne serait-elle originaire d’Asie du Sud-Est, comme on le prétend ?

Les espèces du genre frênes venant d’Asie ne sont pas exactement les mêmes que celles de chez nous, elles ont co-évolué car les frênes d’Asie du Sud-Est sont relativement immunisés contre l’activité de ce champignon. Mais ceux d’Europe de l’Est n’étaient pas immunisés, donc le champignon s’est développé et a commencé à faire des dégâts. Depuis, il se propage vers l’Ouest.

Ce champignon est une espèce invasive que les Européens ont découverte. Ils l’ont d’abord identifié par sa forme asexuée, lui donnant le nom de Chalara fraxinea (d’où le nom de « chalarose »). En poursuivant leurs recherches, ils ont constaté que ce champignon était une espèce qui existait en Asie du Sud-Est. Elle était nommée Lambertella albida, Chalara fraxinea, c’est le nom donné à la forme asexuée du champignon. Hymenoscyphus fraxineus est le nom donné depuis 2013 à la forme sexuée.

Le risque, pour les forêts, est que le champignon contamine toute la France. Depuis qu’il a été découvert en France, en 2008, sa progression a été régulière et continue vers le Sud-Ouest : elle est de l’ordre de 70 kilomètres par an. Les spores de ce champignon sont présentes partout dans l’atmosphère, et du fait de sa propagation par les airs, il est difficile à éradiquer.

Un traitement est-il envisageable ?

Nous n’avons pas de traitement efficace car nous traitons les feuilles mais nous ne pouvons pas traiter l’atmosphère. C’est bien notre drame, nous sommes fortement inquiets face à la rapidité de la dégradation des frênes.

Les chercheurs de l’INRA ont mis en évidence la capacité de résilience de 3 à 4% d’individus, c’est très peu. Il pourrait donc y avoir 3% d’individus potentiellement résistants, cela veut dire que 97% des frênes ne le sont pas et qu’ils vont subir l’action du champignon. Quand je parle de l’action du champignon, elle est double : il s’introduit d’abord par les feuilles, c’est là qu’il pénètre dans les frênes, provoquant le dessèchement de la feuille et du rameau. Puis les branches du frêne essaient de compenser la perte des feuilles en recréant des rameaux de détresse. Il s’épuise à ce petit jeu-là et en fonction de sa vitalité, il peut résister pendant 3, 5, 10, voire 15 ans et finalement il se voit condamné et meurt.

La forêt n’est pas en danger. Elle a une grande capacité de résilience et à la place du frêne d’autres essences forestières apparaîtront. (Photos ONF (Office National des Forêts)
La forêt n’est pas en danger. Elle a une grande capacité de résilience et à la place du frêne d’autres essences forestières apparaîtront. (Photos ONF,Office National des Forêts)

Une fois les feuilles au sol, le champignon fructifie, il développe des spores qui sont capables de s’insinuer dans les fissures de l’écorce au pied de l’arbre. Peu à peu, cette infiltration produit des nécroses, progressivement elle interrompt la circulation de la sève et entraîne un pourrissement des racines. L’action par le haut avec la destruction régulière du feuillage épuise donc l’arbre et l’action par le bas par les nécroses, qui ceinturent le pied de l’arbre, finit par empêcher la circulation de la sève et condamne le frêne à coup sûr. La résistance dépendra de la vitalité de l’arbre, des conditions de végétation, de la météo, cela peut durer 2, 3, 15 ans, on ne sait pas…

L’abattage des frênes serait-il l’unique solution ?

La suppression des frênes n’apportera pas de changement majeur puisque les spores sont dans l’atmosphère. On ne trouve pas de barrière efficace, comme celle de provoquer une coupure anti-incendie ou un pare feu.

L’exploitation des frênes ne résoudra pas le problème pour l’avenir et nous sommes résignés à voir disparaître des peuplements forestiers. Par contre, nous sommes plus optimistes par rapport aux frênes qui seraient génétiquement résistants. Le tout est de les trouver, de les repérer et à partir de ces individus, reconstruire des populations qui seront à leur tour résistantes aux champignons.

Cela dit, la forêt a une grande capacité de résilience et à la place du frêne, d’autres essences forestières apparaîtront. Ce sera un gros travail, là où le frêne est très présent, nous procéderons à des replantations, nous accompagnerons les espèces qui vivent actuellement avec le frêne, le chêne, le bouleau, le hêtre, etc. Nous les habituerons à vivre avec d’autres essences forestières. À terme, la forêt ne craint rien dans son intégralité, elle va seulement changer d’aspect, sur une période qui pourrait être relativement longue. Nous ne sommes pas inquiets pour la forêt française.

 Le dépérissement du frêne mis sur le compte du réchauffement climatique

La chalarose du frêne est apparue en Pologne au début des années 1990. On n’y a pas prêté attention car en France il n’y avait qu’1% de frênes malades. On mettait le problème du dépérissement du frêne sur le compte du réchauffement climatique. Depuis, la chalarose s’est largement répandue dans toute l’Europe. En France, les premiers symptômes ont été détectés en Haute-Saône en 2008.

La recherche française avance au même rythme que la maladie. Nul ne sait quel sera l’impact laissé par ce champignon. De nombreuses hypothèses sont envisagées, mais les spécialistes de la forêt avancent que la plupart des frênes vont dépérir ou se dessécher dans les 10 à 15 ans à venir. Cependant, on espère trouver des frênes résistants à la maladie. Les Danois ont travaillé sur la question, car au Danemark 90% des frênes ont disparu.

 

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