L’UNESCO – les dessous d’une chute annoncée

Par Brenn Sandsky
5 mai 2024 17:14 Mis à jour: 5 mai 2024 17:42

Au cœur de Paris se trouve le siège de l’agence des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, connue sous l’acronyme UNESCO. Peu de Parisiens savent ce qu’elle fait et à quoi elle sert, et encore moins de personnes dans le monde s’y intéressent. Nous avons voulu enquêter sur les raisons qui ont conduit l’UNESCO à s’éloigner progressivement des grandes affaires internationales, alors que les questions qu’elle est censée traiter sont plus que jamais d’actualité.

L’UNESCO a été fondée avec pour mandat de promouvoir la paix, le développement et le bien-être de l’humanité. Lorsque 37 nations ont créé l’UNESCO en novembre 1945, il s’agissait essentiellement d’une entité occidentale. De même, pendant la guerre froide, les responsables américains voyaient l’UNESCO comme un défenseur de la liberté d’expression face à la propagande communiste. Lors de la création de l’UNESCO, les États-Unis ont été l’un de ses plus fervents partisans et soutiens. Les Américains ont joué un rôle clé dans sa création et Archibald MacLeish, premier représentant américain au Conseil exécutif, a même rédigé le préambule de son Acte constitutif de 1945.

L’UNESCO, qui compte 194 membres et 12 membres associés, fonctionne sur la base du multilatéralisme intergouvernemental. Aujourd’hui, l’agence est surtout connue pour son comité qui accorde le statut de patrimoine mondial à des sites historiques.

Selon son Acte constitutif, l’UNESCO a été fondée sur le principe « que, les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Ce principe s’est avéré aussi noble qu’utopique. Mais alors, si tel était le cas, comment expliquer l’absence de l’UNESCO sur la scène internationale et son silence étourdissant en ces temps de guerre et de conflit ? La réponse tient à une combinaison de facteurs. Entre ses programmes obsolètes, sa direction générale défaillante, l’influence grandissante de la Chine en son sein, l’impact décroissant de ses activités et le désintérêt progressif de ses États membres, l’avenir de l’agence onusienne s’annonce sombre.

Mais si l’UNESCO ne travaille plus pour la paix comme elle l’a fait par le passé, à quoi sert-elle, à part donner son label à des sites culturels, organiser des conférences coûteuses et stériles et dépenser l’argent des contribuables pour des voyages en classe affaires et les salaires mirobolants de ses cadres, exonérés d’impôts ?

Les États-Unis et l’UNESCO

La question de son (in)utilité est d’autant plus pertinente que le probable retour au pouvoir de Donald Trump dans quelques mois risque de compromettre la fragile réintégration des Américains réalisée sous Joe Biden, qui était prêt à tout pour défaire les décisions de son prédécesseur à la Maison-Blanche.

Les États-Unis ont quitté l’UNESCO pour la première fois sous le président Reagan en 1984 en raison de sa politisation, de sa mauvaise gestion et de son attitude à l’égard d’Israël. Après une absence de près de vingt ans, ils ont réintégré l’organisation en octobre 2003. Ce retour s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés par le président Bush pour rallier la communauté internationale à ses guerres contre le terrorisme en Irak et en Afghanistan.

Par la suite, c’est l’administration démocrate d’Obama qui a ouvert la voie à la décision du président Trump de se retirer pour la deuxième fois. Obama a gelé les contributions américaines à l’UNESCO en 2011, après que la Conférence générale a voté l’admission de la Palestine en tant qu’État membre de l’organisation. En octobre 2017, le président Trump a annoncé que les États-Unis quitteraient à nouveau l’UNESCO, citant les arriérés accumulés, la nécessité d’une réforme fondamentale et le parti pris anti-israélien comme les principales raisons de sa décision.

La décision inverse du président Biden de se réengager auprès de l’UNESCO en dépit des défaillances persistantes en matière de gestion et de fonctionnement n’a guère surpris. Elle reflète les dissensions et les enjeux de la politique intérieure américaine, vendue comme une décision visant à influencer l’équilibre des pouvoirs au sein de l’agence et à y concurrencer la Chine, qui domine le système des Nations unies sur le plan financier et politique depuis des années.

La gestion calamiteuse à l’origine de la chute de l’UNESCO

La socialiste française Audrey Azoulay a été élue à la tête de l’UNESCO en novembre 2017. Elle a succédé à ce poste à la communiste bulgare Irina Bokova. Durant le mandat d’Audrey Azoulay, la crise de la réforme programmatique et budgétaire de l’UNESCO, combinée à une crise de gouvernance, une crise de visibilité et une crise de crédibilité, a englouti toute chance de renouveau de l’agence.

La candidature de l’ancienne ministre française de la Culture Audrey Azoulay pour le poste de cheffe de l’UNESCO avait été décidée au tout dernier moment par l’ancien président français, le socialiste François Hollande, qui n’a pas tenu sa parole ni son engagement de soutenir un candidat de la région arabe à ce poste.

Son bilan en tant que ministre de la Culture avait été terni par deux affaires qui ont fait beaucoup de bruit. La première concerne le rapport de l’étude menée en 2016 sur la sécurité de Notre-Dame de Paris. Les conclusions de cette étude, remises au gouvernement de Manuel Valls, étaient sans équivoque sur le risque d’un embrasement de la toiture et l’urgence d’installer un système d’extinction. Audrey Azoulay était ministre de la Culture lorsqu’il a été décidé d’ignorer le rapport et, bien plus grave, de ne prendre aucune des mesures préconisées pour la protection complémentaire du monument.

La deuxième affaire est des plus glauques. Pendant une dizaine d’années, un ancien responsable des ressources humaines du ministère français de la Culture a pu glisser des diurétiques dans les boissons des femmes qu’il recevait en entretien d’embauche afin de les voir uriner devant lui. Révoqué de la fonction publique en janvier 2019, il a été ensuite mis en examen. En 2016, l’une des victimes a adressé des courriers à Audrey Azoulay, ministre de la Culture, pour dénoncer la « situation à caractère sexuel et humiliant » qu’elle avait vécue. Aucune suite n’avait été donnée par la ministre Azoulay à cette dénonciation. Cette même attitude laxiste envers les fonctionnaires de haut rang a été observée par la suite à l’UNESCO, avec plusieurs enquêtes en interne pour harcèlement dûment enterrées.

En moins de sept ans, Audrey Azoulay a transformé l’UNESCO en une subdivision du ministère français des Affaires étrangères. Progressivement, l’esprit de coopération multilatérale s’est estompé, laissant place à une politisation accrue de l’UNESCO, due en grande partie au financement extrabudgétaire « à la carte » par les gouvernements en fonction de leurs priorités politiques nationales.

Sous son mandat, l’UNESCO a non seulement perdu son influence dans les deux domaines clés de son mandat – l’éducation et la culture – mais aussi son rôle dans la réforme du système des Nations unies. Le manque de transparence et de responsabilité est un autre problème qui reflète l’administration désastreuse actuelle de l’agence.

Une agence en déclin en recherche d’un nouveau souffle

L’incompétence a toujours un coût et l’UNESCO a perdu des millions d’euros dans la mauvaise gestion de son personnel pour cause de népotisme, d’abus de pouvoir et de non-respect de ses textes normatifs. Le processus d’affaiblissement a été accéléré par le manque de responsabilité des hauts fonctionnaires, dont certains ont nommé leurs épouses et d’autres leurs maîtresses à des postes bien rémunérés, dans un esprit de conflit d’intérêt indéniable et d’abus de pouvoir condamnable.

Embourbée dans une affaire de gestion opaque de son déficit budgétaire de 2023, la direction générale subit en avril 2024 des critiques sans précédent de la part des États membres lors de la dernière session du Conseil exécutif. Pour la première fois, non seulement les États ont exprimé leur « sérieuse préoccupation », mais ont aussi imposé à la direction générale trois audits pour tirer au clair cette affaire. Un audit par la Division des services de contrôle interne (IOS) sur le suivi et les contrôles budgétaires et deux audits par les Commissaires aux comptes sur « le  respect  de  l’article 4, paragraphes 1 et 2, du Règlement financier et des Résolutions portant ouverture de crédits », sur la liquidation des obligations  contractuelles  légales  relatives  aux  activités  de 2023,  sur  les  contrôles  budgétaires de l’Organisation et sur le recours à d’autres sources de financement pour couvrir les engagements initialement inscrits au budget ordinaire 2022-2023.  Ces trois audits ont mis une pression sans précédent sur Audrey Azoulay.

En outre, les États ont exigé que la Directrice générale propose des mesures pour remédier aux déficiences identifiées dans la gestion financière et le contrôle budgétaire de l’Organisation. Cette demande est sans précédent, étant donné que Mme Azoulay a opéré ces dernières années sans aucune transparence ni obligation de rendre compte de la mauvaise gestion et des autres irrégularités de son administration.

Tout bascule à ce niveau pour Audrey Azoulay en novembre 2023, lorsque, contrairement à ses plans et à ses efforts diplomatiques, la représentante de Sainte-Lucie est élue présidente du Conseil exécutif contre la candidate brésilienne soutenue par la France et poussée par Azoulay elle-même. Or, le Brésil avait remplacé l’Argentine à la dernière minute, alors que l’Argentine avait été poussée en avant quelques mois plus tôt pour remplacer Haïti dans le jeu d’influence de la Directrice générale. Face à un tel manque de sérieux, les États ont préféré donner leur voix à la solide candidature de Sainte-Lucie.

La bataille diplomatique acharnée pour la présidence du Conseil exécutif, que Mme Azoulay a perdue haut la main, a montré les limites de son influence politique. Or, une présidence faible du Conseil l’arrangeait pour finir son mandat en novembre 2025 sans être inquiétée outre mesure. Elle a échoué et le Conseil exécutif a repris l’initiative de la réforme indispensable de l’institution.

Les sept années de la direction d’Audrey Azoulay sont parfaitement résumées par un ancien haut fonctionnaire : « L’UNESCO est aujourd’hui une agence en déclin, qui a perdu son efficacité, sa visibilité et sa crédibilité ; une agence avec trop peu d’idées, un financement et un impact incohérents, mais avec trop de politique ; une organisation dont la portée internationale s’amenuise, avec un Secrétariat démotivé et sans espoir ni pour son avenir, ni pour celui de l’organisation ».

Quelles que soient les autres causes de sa chute et de ses déficiences chroniques, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une organisation en état de crise profonde et presque irréversible, souffrant d’un manque de direction et ayant peu de chances de retrouver son influence perdue. D’où l’importance du choix du nouveau directeur général en 2025.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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