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Comment la curiosité stimule la mémoire et renforce les capacités cognitives

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Photo: Illustration by Epoch Times, Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

Les listes de choses à faire de Léonard de Vinci n’étaient semblables à aucune autre.

Ses carnets révèlent une impressionnante diversité d’idées, allant de croquis anatomiques du cœur à la compréhension de la circulation sanguine, en passant par les tourbillons de l’eau ou encore des questions sur la langue du pivert. Rien n’échappait à son attention. Pour Léonard de Vinci, la curiosité n’attendait pas la permission. C’est ce qui faisait de lui, selon l’historien de l’art Kenneth Clark, « l’homme le plus intensément curieux de l’histoire ».

Nous naissons tous avec cet élan. Aucune autre espèce ne se demande « pourquoi » comme nous le faisons. Plus les chercheurs s’y intéressent, plus ils découvrent que cette soif de savoir dépasse le simple goût de l’inconnu ou la curiosité enfantine. Elle décuple la mémoire, ralentit le vieillissement et peut même apaiser les relations conflictuelles.

Aux frontières de l’inconnu

Dans le vaste paysage du savoir, il existe les « choses connues » — ces faits que nous maîtrisons déjà — qui finissent par nous lasser. À l’horizon se trouvent les « inconnus inconnus », ces choses que nous ne pouvons même pas imaginer assez pour les questionner. L’action véritable se déroule entre les deux, à la limite de notre compréhension : ce sont les « inconnus connus ». C’est là que la curiosité s’épanouit.

L’économiste George Loewenstein a formulé la « théorie du fossé informationnel » pour décrire cet état d’incertitude : lorsqu’on sent qu’une réponse est à portée de main, l’esprit se penche instinctivement vers elle.

Ce mécanisme se manifeste dès la naissance. Dans une étude menée auprès de nourrissons, les chercheurs ont cherché à savoir ce qui capte réellement leur attention. Ils ont montré aux bébés des séquences visuelles trop simples et prévisibles, d’autres modérément variées, et enfin des séquences très complexes. Ils ont ensuite mesuré la durée pendant laquelle chaque bébé fixait l’image. L’attention se maintenait le plus longtemps au milieu — lorsque la scène semblait un peu mystérieuse, mais encore compréhensible. Les chercheurs ont appelé ce phénomène l’« effet Boucles d’or ». Autrement dit, la curiosité n’est pas une errance aléatoire : il existe une zone idéale où l’esprit s’intéresse à une question qu’il a une chance de résoudre, et cet équilibre agit comme un formidable moteur pour l’intellect.

Le vortex de l’apprentissage

La curiosité modifie physiquement notre manière d’apprendre et de mémoriser.

Dans une étude publiée en 2014, des participants ont été placés dans un scanner IRM fonctionnel (fMRI) avant de se voir poser une question de culture générale. Pendant les 14 secondes d’attente avant la révélation de la réponse, les chercheurs leur présentaient au hasard l’image d’un visage inconnu. Résultat : les participants les plus curieux se souvenaient de ces visages avec une précision remarquable. Plus étonnant encore, cet effet de mémoire persistait après 24 heures. En chiffres, les volontaires retenaient environ 47 % des réponses dans les situations de forte curiosité, contre 28 % lorsqu’elle était faible.

Les scientifiques ont qualifié la curiosité de « vortex d’apprentissage » : elle attire non seulement l’information que l’on cherche à acquérir, mais aussi les données périphériques. Le cerveau entre alors dans un état favorable à l’apprentissage et à la mémorisation.

De plus, les images fMRI ont révélé l’activation de circuits cérébraux spécifiques — le noyau accumbens et la zone tegmentale ventrale/substantia nigra, “substance noire” (VTA/SN) — associés à la libération de dopamine, rendant le processus de mémorisation plus efficace.

Plus la curiosité est forte, plus ces zones s’activent. « L’apprentissage motivé par la curiosité s’ajoute à un sentiment intrinsèque de besoin et de plaisir », explique à Epoch Times Jamie Jirout, professeure associée et chercheuse sur la curiosité à l’université de Virginie. Cela crée une boucle de rétroaction positive : on prend plaisir à apprendre, on cherche à en savoir plus, et on apprend encore davantage.

Des bénéfices tout au long de la vie

Dès l’enfance, un haut niveau de curiosité est lié à une meilleure capacité d’apprentissage et à de meilleurs résultats scolaires.

Une méta-analyse a montré que la curiosité intellectuelle est un facteur prédictif de réussite académique aussi important que l’effort (la conscience professionnelle) et la capacité cognitive (l’intelligence). Les chercheurs estiment qu’un esprit curieux devrait être considéré comme « le troisième pilier de la performance scolaire ».

Autre atout : la curiosité ne disparaît pas avec le temps, elle évolue. Entretenir ce « fossé informationnel » pourrait même préserver la santé du cerveau avec l’âge. Une étude de l’université de Californie à Los Angeles, publiée en mai, a montré que les personnes âgées qui entretiennent régulièrement leur curiosité continuent à apprendre, à socialiser et à stimuler leur esprit — des facteurs susceptibles de protéger contre la démence.

Ainsi, dans une étude parue dans le JAMA, les chercheurs ont mesuré l’activité cognitive des participants en notant leur implication dans des activités comme la lecture, la visite de musées ou les jeux de cartes. Chaque activité était notée sur une échelle de cinq points : un point indiquait une pratique annuelle ou moins, cinq points une pratique quasi quotidienne. Après un suivi de 4,5 ans, ils ont constaté qu’« une augmentation d’un point du score d’activité cognitive était associée à une réduction de 33 % du risque de maladie d’Alzheimer ». L’étude a également montré qu’une activité cognitive plus élevée ralentissait le déclin cognitif, réduisant de 60 % la perte de mémoire de travail et de 30 % le ralentissement de la vitesse de perception.

La curiosité renforce les liens

La curiosité favorise l’intimité. Dans une série d’expériences, le psychologue Todd Kashdan a découvert que les inconnus qui échangeaient des questions sincèrement curieuses, plutôt que de simples banalités, développaient beaucoup plus de proximité et de chaleur.

Les participants ont eu de vraies conversations de 45 minutes avec des inconnus, répartis aléatoirement entre deux formats : l’un basé sur des échanges anodins, l’autre sur des questions plus profondes. Le groupe « small talk » abordait des sujets tels que : « Lisez-vous souvent le journal ? Lequel préférez-vous ? Pourquoi ? » ; tandis que le groupe centré sur la proximité posait des questions comme : « À quoi ressemblerait pour vous une journée parfaite ? » ou « Quel est le plus grand accomplissement de votre vie ? »

Dans les échanges conçus pour favoriser l’intimité, presque tous les participants se sentaient proches. Dans le groupe de conversation banale, seuls les individus très curieux ressentaient cette proximité — parce qu’ils transformaient la situation.

Selon les chercheurs, la curiosité serait donc « l’ingrédient oublié » de l’intimité, même dans des contextes peu prometteurs. Les personnes moins curieuses ont besoin d’un cadre structuré et intime pour se sentir proches, tandis que les personnes très curieuses créent spontanément ce lien, même là où les occasions sont rares.

Les études de Todd Kashdan montrent également que les individus curieux sont perçus comme plus captivants et que leurs relations gagnent en résilience et en harmonie. Pourquoi ? Parce que, selon lui, la curiosité traduit un intérêt authentique et une attention sincère au bien-être des autres.

« La curiosité pourrait être l’antidote à la défensive », confie-t-il à Epoch Times, en évoquant une expérience menée auprès de couples : les personnes curieuses réagissaient à la provocation avec moins d’agressivité. Leur attitude traduit un message implicite : je veux te comprendre. « Le but n’est pas d’obtenir la réponse, mais de participer ensemble à l’aventure de la découverte », dit-il.

Se ménager un espace mental pour l’émerveillement

L’humilité est au cœur de la curiosité. Reconnaître ce que l’on ignore, c’est se tenir sur le fil où l’émerveillement et l’apprentissage s’équilibrent. Cette humilité rend la curiosité possible, car elle ouvre la porte à l’inconnu. Mais, comme le souligne Jamie Jirout, cette ouverture peut être étouffée par la quête d’efficacité, la course aux tâches accomplies ou le besoin de certitude. Les distractions insidieuses — notamment les réseaux sociaux — n’ont même plus besoin d’être citées. Les experts recommandent donc de commencer par se réserver du temps et de l’espace mental pour laisser l’émerveillement exister.

« Se donner intentionnellement le temps et l’espace mental pour réfléchir à ce que l’on aimerait comprendre, presque comme une forme de méditation, aide à renforcer la curiosité – ce désir fondamental de mieux appréhender le monde », ajoute Jamie Jirout.

Il faut aussi s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Des études montrent que lorsque les questions restent ouvertes, l’exploration s’épanouit. Lorsque les parents, enseignants ou entraîneurs laissent aux enfants un espace pour poser leurs propres questions au lieu de tout leur expliquer, ils favorisent leur autonomie intellectuelle.

Commencez là où l’intérêt vous attire et laissez la curiosité suivre son cours naturel. Todd Kashdan recommande, par exemple, d’instaurer une règle « sans téléphone » lors des réunions sociales : laissez les questions se déployer, résistez à la tentation de chercher immédiatement la réponse sur Google. Laissez la curiosité commune devenir une expérience sociale, sans court-circuiter ce moyen profond de se relier à autrui, dit-il.

Nous sommes dotés de curiosité, et ce don ne s’éteint jamais. À tout moment, conclut Todd Kashdan, « on peut trouver la variété, la nouveauté et le sens qui font la richesse d’une vie » — à jamais à portée d’un simple « pourquoi ? ».

Makai Allbert est un journaliste spécialisé dans la santé, titulaire d\'une licence en sciences biomédicales et d\'une maîtrise en lettres. Il a mené des recherches biomédicales à l\'université du Maryland, collaboré à des projets d\'analyse de données avec la NASA et a été chercheur invité au Center for Hellenic Studies de l\'université Harvard. Son objectif est de fournir des informations bien documentées sur le journalisme de santé. Contactez Makai à l\'adresse makai.allbert@epochtimes.nyc

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