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Le mystère de l’intuition : d’où viennent vraiment nos ressentis instinctifs

L’intuition est une forme d’intelligence élaborée qui agit en grande partie en dehors de notre conscience. Nous avons tous déjà éprouvé l’intuition sous une forme ou une autre. Cette impression de savoir sans comprendre pourquoi, ce sentiment que quelque chose est juste – ou terriblement faux – avant même que la pensée consciente ne suive. Ou encore cette simple impression diffuse qu’un inconnu n’inspire pas confiance.

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Photo: Illustration par Epoch Times, Shutterstock

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Durée de lecture: 15 Min.

L’intuition va au-delà de la superstition : elle fonctionne comme une forme sophistiquée d’intelligence, opérant en grande partie en dehors de la conscience.
Ce phénomène soulève une question qui intrigue scientifiques, philosophes et décideurs du quotidien : d’où viennent réellement ces pressentiments ?

Savoir sans savoir comment

Des études ont montré que lorsque des maîtres d’échecs disposent de seulement cinq secondes pour évaluer une position, ils peuvent formuler des prédictions exactes malgré un temps insuffisant pour une analyse consciente.
Grâce aux milliers d’heures d’expérience accumulées, leur cerveau peut prendre des décisions rapides grâce à la reconnaissance de schémas, sans nécessiter de réflexion délibérée. Cette expérience, que l’on retrouve chez de nombreux experts – médecins, militaires ou pompiers – suggère que l’intuition pourrait émerger d’un riche socle d’expériences préalables.
Emma Seppälä, psychologue et directrice scientifique du Center for Compassion and Altruism Research and Education de l’université Stanford, a déclaré à Epoch Times que dans ces situations, l’intuition est « une forme d’intelligence rapide et instinctive, qui fonctionne séparément de nos pensées conscientes ».
Pourtant, ce type de traitement intuitif et rapide ne se limite pas aux compétences professionnelles. Suivre son instinct peut être particulièrement utile dans des situations complexes de la vie personnelle. Les recherches montrent que lorsque les gens sont confrontés à des décisions compliquées, comme choisir un logement ou effectuer des choix majeurs, ceux qui se concentrent sur leurs ressentis plutôt que sur une analyse minutieuse de chaque détail prennent souvent de meilleures décisions et, peut-être encore plus important, sont plus satisfaits du résultat.

(Illustration par Epoch Times)

Kamila Malewska, qui étudie l’intuition dans la prise de décision managériale à l’Université d’Économie et de Commerce de Poznań, estime que l’intuition est précieuse dans les situations où il existe de multiples alternatives, aucun critère clair, des informations insuffisantes et des problèmes uniques sans précédent.

La biologie des pressentiments

Nous disons souvent que nous avons un « pressentiment dans le ventre », et les recherches montrent désormais que cette expression a une dimension à la fois métaphorique et biologique.
L’intestin possède ce que les scientifiques appellent un « deuxième cerveau », composé de plus de 200 millions de neurones. Ces neurones échangent des signaux avec le cerveau par le nerf vague, formant l’axe intestin-cerveau. Ce système crée une boucle de rétroaction qui influence notre ressenti physique et émotionnel.

(Illustration par Epoch Times, Shutterstock)

De plus, la santé du microbiote intestinal, constitué d’environ 38.000 milliards de bactéries, peut influencer le sentiment d’urgence, les émotions et même la mémoire, car il produit des substances agissant sur le cerveau. Dans des expériences menées chez la souris, modifier l’équilibre du microbiote peut modifier la neurochimie cérébrale, rendant les animaux plus audacieux ou plus anxieux.
Chez l’humain, environ 90 % de la sérotonine, un neurotransmetteur clé influençant l’humeur et la prise de décision, est produite dans l’intestin. Cela indique que les états émotionnels et les ressentis intuitifs peuvent être influencés par l’axe intestin-cerveau.
Cette connexion n’est pas nouvelle. Le nerf vague aurait aidé nos ancêtres à trouver de la nourriture et à éviter le danger grâce à des signaux intuitifs venus du ventre. Aujourd’hui, ce système fonctionne toujours, mais de manière différente. Lorsque vous ressentez des « papillons » dans l’estomac avant une grande décision ou un poids lorsqu’une situation semble mauvaise, vous expérimentez peut-être ce système de communication ancestral.

Gestalt inconscient

En plus de l’axe intestin-cerveau, les neuroscientifiques ont identifié d’autres processus cérébraux susceptibles d’expliquer l’intuition.
L’une des façons de comprendre l’intuition consiste à examiner la manière dont les souvenirs se forment.
Don Tucker, neuroscientifique spécialiste de la conscience et de la mémoire, explique que le souvenir se produit avant même que nous n’en soyons conscients.
« La mémoire s’organise à partir d’un niveau implicite où le sens général n’est pas entièrement formulé de manière accessible à la conscience, mais reste très puissant pour donner une idée de l’essentiel de l’information », a déclaré à Epoch Times Don Tucker.
Autrement dit, avant que nous ne nous souvenions consciemment ou que nous remarquions quelque chose, notre cerveau – en particulier notre système limbique – trie rapidement les expériences, en sélectionnant les éléments importants et en donnant une compréhension globale.
Ce processus renvoie à un autre concept psychologique appelé gestalt : la tendance du cerveau à percevoir des schémas plutôt que des éléments isolés, et à créer une continuité pour donner du sens à des informations incomplètes.
Imaginez un responsable qui reçoit un candidat apparemment parfait. Le CV semble irréprochable, les réponses satisfaisantes, mais quelque chose ne colle pas. Ce n’est que plus tard que le responsable réalise de subtiles incohérences dans le récit du candidat, un changement de regard lorsqu’il évoque ses emplois précédents, et un décalage entre ses propos et son langage non verbal. Ces signaux n’ont peut-être pas été remarqués sur le moment, mais le cerveau les a assemblés en une alerte intuitive – une gestalt inconsciente.
La neuroscience appuie ces observations. L’hémisphère droit du cerveau excelle à détecter les schémas et les éléments discordants, même sans conscience claire. L’hippocampe compare les informations présentes avec les expériences passées, tandis que le cortex orbitofrontal intègre les souvenirs émotionnels aux perceptions sensorielles actuelles. Le résultat apparaît sous forme de ressenti plutôt que de pensée.
Le passage de l’inconscient au conscient est guidé par ce que l’on appelle le traitement prédictif.
Au lieu de recevoir passivement les stimuli avant de réagir, la théorie du traitement prédictif suggère que le cerveau génère activement des prédictions sur ce qu’il devrait percevoir en fonction de son expérience. Lorsque ces prédictions détectent une discordance – quelque chose qui ne correspond pas au schéma attendu – le résultat se manifeste sous forme de malaise intuitif ou de « savoir ».
Selon Don Tucker, la conscience se développe à partir de ce niveau primitif et intuitif par un processus d’articulation. Un ressenti vague – cette impression que « non, je ne devrais pas faire cela » – devient progressivement plus conscient et explicite à mesure que le cerveau tente de comprendre pourquoi ce ressenti est apparu.
L’intuition pourrait-elle venir d’ailleurs ?
Peut-être que, plutôt que de simplement réagir au présent, l’intuition nous offre un aperçu de l’avenir.

Des souvenirs venus du futur

Au milieu des années 1990, Dean Radin, de l’Université du Nevada à Las Vegas, a mis au point une expérience visant à déterminer si la conscience pouvait transcender le temps. Il a connecté des participants à un électroencéphalogramme et les a placés devant un écran d’ordinateur. L’ordinateur sélectionnait et affichait aléatoirement des images agréables ou perturbantes après une courte pause.
Dean Radin a constaté que l’activité cérébrale augmentait juste avant l’affichage des images perturbantes, mais pas avant les images positives. C’était comme si le cerveau percevait qu’une mauvaise image allait apparaître, plusieurs secondes avant qu’elle ne s’affiche. Cet effet a été nommé « présentiment ».

Résultats reproduits suite à l’expérience originale de Radin. Une variabilité de la fréquence cardiaque plus faible en réponse à des images perturbantes indique une réaction de lutte ou de fuite plus intense. (Illustration :Epoch Times)

Les résultats étaient statistiquement significatifs, et d’autres chercheurs, comme Daryl Bem à l’Université Cornell, ont obtenu des résultats similaires dans leurs propres expériences.
Une méta-analyse réalisée en 2012 sur 26 études couvrant trois décennies a montré que les expériences menées par Dean Radin et Dary Bem suggèrent que la physiologie humaine peut distinguer des stimuli émotionnels et neutres délivrés aléatoirement, et survenant de une à dix secondes dans le futur.
Il ne s’agit pas de précognition au sens traditionnel – un pouvoir psychique permettant de voir des événements futurs – car les participants ne les prédisent pas consciemment. En revanche, leur système nerveux autonome – rythme cardiaque, conductance cutanée, activité cérébrale – présente une réaction mesurable avant l’exposition à des stimuli émotionnellement marquants. Selon la méta-analyse de 2012, l’ampleur de l’effet est faible mais statistiquement significative dans plusieurs laboratoires, avec une probabilité que cela soit dû au hasard estimée à une sur un trillion. C’est l’équivalent de lancer une pièce et d’obtenir 40 fois pile d’affilée.
Julia Mossbridge, de l’Université Northwestern, qui a dirigé la méta-analyse, a déclaré lors de la publication : « Ce phénomène est anormal, soutiennent certains scientifiques, car nous ne pouvons pas l’expliquer avec les connaissances actuelles sur le fonctionnement de la biologie. »
Néanmoins, le présentiment intuitif fait l’objet de recherches croissantes et est de plus en plus reconnu.
Emma Seppälä estime qu’il existe un véritable avantage à développer la « faculté cognitive » qu’est l’intuition, comme l’illustrent les cas de soldats ayant survécu uniquement grâce à leur « instinct ». L’armée a donc investi des ressources importantes pour étudier et développer ce « sixième sens », ou ce que l’Office of Naval Research des États-Unis appelle le « spidey sense ». En 1995, la CIA a même déclassifié ses propres travaux sur la précognition.
Eric Wargo, chercheur étudiant la précognition, a déclaré à Epoch Times que l’intuition représente une caractéristique fondamentale de la manière dont les êtres vivants réagissent à leur environnement, et ne devrait donc pas être appelée « sixième sens », mais plutôt « premier sens ». Il suggère que cette capacité pourrait prendre racine dans les microtubules du cerveau, qui, grâce à des processus quantiques, permettraient à l’information de circuler non seulement du passé vers le futur, mais aussi du futur vers le passé.
« La précognition, selon moi, est simplement un autre nom pour l’intuition », a déclaré Eric Wargo, la qualifiant potentiellement de « l’un des premiers systèmes de guidage chez les organismes vivants les plus simples ». « Il se passe quelque chose de plus que ce que les neurosciences actuelles peuvent expliquer », a-t-il ajouté.

Devenir plus intuitif

Que l’intuition provienne du cerveau, du ventre ou de quelque chose de plus mystérieux, les chercheurs s’accordent sur quelques points pratiques.
Premièrement, l’intuition peut se développer. « Nous pouvons la considérer comme une forme séparée de cognition, négligée dans notre éducation », a déclaré Emma Seppälä. « Nous privilégions la rationalité au détriment de l’intuition, de l’innovation et de la créativité – mais nous constatons aujourd’hui une crise de la créativité chez les jeunes parce que ces compétences ne sont pas cultivées comme le sont la logique et la rationalité. Puisqu’il s’agit d’une faculté cognitive, elle peut être entraînée. »
Eric Wargo suggère que développer l’intuition commence par l’attention, et que celle-ci peut être renforcée par la pratique de la pleine conscience. « L’humanité moderne a perdu le lien avec son environnement », dit-il, « pas seulement avec la nature, mais aussi avec l’endroit où l’on se trouve, qui l’on est, ce que l’on fait. »
Deuxièmement, l’intuition nécessite du discernement : la capacité de distinguer l’intuition authentique de la peur, du biais ou des souhaits, ce qui demande une conscience de soi. « Sinon, vous ne savez pas si c’est la peur ou l’intuition qui vous guide », précise Emma Seppälä.
Troisièmement, il faut intégrer l’intuition et la pensée rationnelle.
L’intuition n’est pas infaillible, « elle n’est pas facilement vérifiable et peut donc se tromper », rappelle Don Tucker. Elle constitue aussi un niveau précoce d’acquisition des connaissances. L’analyse rationnelle reste donc nécessaire.
La recherche de Kamila Malewska reflète cet équilibre : les responsables des achats obtiennent les meilleurs résultats lorsqu’ils combinent analyse rationnelle et intuition.
Les décisions les plus efficaces ne viennent ni uniquement de l’instinct ni uniquement de la logique, mais de l’interaction consciente entre les deux.
 
Makai Allbert est un journaliste spécialisé dans la santé, titulaire d\'une licence en sciences biomédicales et d\'une maîtrise en lettres. Il a mené des recherches biomédicales à l\'université du Maryland, collaboré à des projets d\'analyse de données avec la NASA et a été chercheur invité au Center for Hellenic Studies de l\'université Harvard. Son objectif est de fournir des informations bien documentées sur le journalisme de santé. Contactez Makai à l\'adresse makai.allbert@epochtimes.nyc

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