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Comment la santé bucco-dentaire pourrait influencer le déclin cognitif

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Photo: TimeLineArtist/Shutterstock

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Durée de lecture: 8 Min.

« Maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire, traiter rapidement les problèmes dentaires et préserver un microbiome oral sain pourraient influencer la santé du cerveau bien plus qu’on ne l’imaginait », explique à Epoch Times Joanna L’Heureux, chercheuse à la faculté de médecine de l’université d’Exeter.

Le microbiome buccal – cette communauté de bactéries, de champignons et de virus qui vivent dans notre bouche – peut en effet agir sur la santé cérébrale de multiples façons. Certaines espèces microbiennes sont associées à une meilleure mémoire et à une meilleure concentration, tandis que d’autres sont liées au déclin cognitif et à des facteurs de risque génétiques de démence.

Des gestes simples et peu coûteux, comme se brosser les dents, utiliser du fil dentaire et surveiller son alimentation, peuvent aider à rétablir un équilibre favorable.

Le lien avec la santé cognitive

Lorsque la santé bucco-dentaire se dégrade, des bactéries nocives peuvent pénétrer dans la circulation sanguine à travers des gencives enflammées après le brossage ou la mastication. Une prolifération excessive de ces bactéries, appelée dysbiose, peut résulter d’une maladie des gencives ou de la prise d’antibiotiques. Ces dernières peuvent provoquer une dysbiose en éliminant les bactéries bénéfiques en même temps que les nocives. La disparition de ces microbes utiles laisse alors le champ libre aux bactéries pathogènes ou résistantes aux antibiotiques.

Un système immunitaire sain élimine normalement ces bactéries, mais les personnes âgées, dont l’immunité s’affaiblit, peuvent avoir plus de mal à les combattre. Avec le temps, cette présence bactérienne et l’inflammation qu’elle provoque peuvent perturber la barrière hématoencéphalique, entraînant une neuroinflammation, l’accumulation de protéines toxiques comme l’amyloïde-bêta et la protéine tau, ainsi que des altérations des vaisseaux sanguins – autant de phénomènes associés à la maladie d’Alzheimer.

Une autre voie par laquelle la santé bucco-dentaire semble influencer les fonctions cérébrales est celle du nitrate-nitrite-oxyde nitrique (NO). Certaines bactéries bénéfiques de la bouche transforment les nitrates alimentaires en nitrites, que l’organisme convertit ensuite en oxyde nitrique – une molécule essentielle à la circulation sanguine, à la transmission nerveuse, à la défense immunitaire et à la mémoire. Avec l’âge, la production naturelle d’oxyde nitrique diminue, ce qui pourrait contribuer au déclin cognitif.

Une étude suggère que les déséquilibres du microbiome buccal pourraient précéder l’apparition de la démence. Favoriser la croissance de microbes bénéfiques, tels que Neisseria, qui stimulent la production d’oxyde nitrique, et réduire les espèces nuisibles comme Prevotella, pourrait ainsi contribuer à préserver la santé du cerveau à long terme. Cela laisse entrevoir la possibilité que les premiers changements du microbiome buccal puissent servir de signaux d’alerte précoce du déclin cognitif – offrant une occasion d’intervenir avant l’apparition des symptômes, souligne Joanna L’Heureux, coautrice de l’étude.

Les signes précoces

Comment savoir si vos bactéries buccales pourraient affecter votre cerveau ?

Il existe plusieurs signaux à surveiller, explique à Epoch Times Angel Planells, diététicien-nutritionniste. Des problèmes de gencives chroniques – comme la gingivite ou la parodontite –, une mauvaise haleine persistante, des gencives qui saignent ou se rétractent, ou encore des infections buccales fréquentes peuvent tous indiquer un déséquilibre du microbiome oral. Autant de signes que des bactéries nocives pourraient prendre le dessus.

Certains dentistes et laboratoires spécialisés proposent désormais des tests du microbiome buccal capables de détecter la prolifération de ces microbes indésirables, précise-t-il.

Des profils spécifiques de bactéries orales, comme des taux élevés de Prevotella intermedia, pourraient aussi constituer des indicateurs précoces du risque de démence. Une revue de 2020 a également montré que des échantillons de salive ou de plaque dentaire pouvaient offrir des indices simples et non invasifs sur l’état de santé cognitive d’une personne. Enfin, des troubles cognitifs subtils ou inexpliqués – comme des pertes de mémoire ou un brouillard mental – associés à une mauvaise santé bucco-dentaire peuvent révéler un lien plus profond, ajoute Angel Planells.

Comment soutenir un microbiome buccal plus sain

« Cibler le microbiome oral pourrait être une piste prometteuse pour prévenir le déclin cognitif », estime Joanna L’Heureux.

Tout commence par une bonne hygiène dentaire. Un brossage régulier, l’utilisation du fil dentaire et des contrôles dentaires fréquents permettent de garder les bactéries nocives sous contrôle, rappelle-t-elle.

Une étude de 2020 a montré que ces gestes simples et peu coûteux, associés au traitement des maladies des gencives, peuvent aider à protéger les cellules cérébrales, à préserver la santé cognitive et à retarder la maladie d’Alzheimer.

L’alimentation joue également un rôle essentiel. Réduire la consommation de sucre et de glucides raffinés prive les bactéries nocives de leur carburant, souligne Angel Planells. À l’inverse, une alimentation riche en fruits et légumes fibreux aide à éliminer la plaque dentaire et nourrit les bactéries bénéfiques. Les légumes-feuilles et les betteraves, riches en nitrates alimentaires, peuvent être particulièrement utiles. Ces aliments favorisent la croissance des bactéries qui augmentent la production d’oxyde nitrique, précise Joanna L’Heureux.

Les aliments riches en polyphénols – comme les baies, le thé vert et le chocolat noir – peuvent aider à freiner la prolifération des bactéries nocives, ajoute Angel Planells. Et il ne faut pas oublier les aliments fermentés comme le yaourt, le kéfir ou la choucroute : s’ils profitent au microbiome intestinal, ils peuvent aussi soutenir indirectement le microbiome oral en renforçant l’immunité et la diversité microbienne.

Angel Planells recommande également de bien s’hydrater pour maintenir un flux de salive suffisant, car celle-ci contient des composés antimicrobiens naturels. Il conseille d’éviter le tabac et de limiter l’alcool, deux facteurs qui perturbent le microbiome, ainsi que de gérer le stress et de dormir suffisamment, car ces deux éléments influencent l’immunité et la santé bucco-dentaire.

« Et souvenez-vous, toutes les bactéries ne sont pas mauvaises », rappelle Angel Planells.

« Un microbiome buccal sain est diversifié. Utiliser des bains de bouche contenant des antiseptiques puissants, de l’alcool ou des produits chimiques agressifs peut détruire à la fois les bonnes et les mauvaises bactéries, perturbant ainsi cet équilibre. »

Et les gènes dans tout ça ?

Tout se résume-t-il à l’hygiène bucco-dentaire et aux bactéries ? Nos gènes jouent-ils aussi un rôle ?

L’étude de Joanna L’Heureux a montré que les personnes présentant une déficience cognitive légère et porteuses du gène APOE4 avaient des niveaux plus élevés de bactéries buccales nocives associées à la démence.

« Nos gènes pourraient influencer les types de bactéries qui prospèrent dans notre bouche, et cela pourrait à son tour avoir un impact sur la santé du cerveau », explique Joanna L’Heureux.

Il n’est toutefois pas encore clair si APOE4 modifie directement l’environnement buccal ou s’il s’agit d’une influence génétique plus large sur le microbiome, précise-t-elle.

Zena le Roux est journaliste santé (MA) et coach certifiée santé & bien-être, spécialisée en nutrition fonctionnelle. Elle est également formée en nutrition sportive, en alimentation consciente, en systèmes familiaux internes et en théorie polyvagale appliquée. Elle travaille dans un cabinet privé et est éducatrice en nutrition pour une école de santé basée au Royaume-Uni.

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