De Giotto à Caravage – Les passions de Roberto Longhi

Par Epoch Times
30 juin 2015 09:00 Mis à jour: 19 mars 2021 03:15

Si nous mentionnons aujourd’hui avec grande estime le nom de Piero de la Francesca, de Caravage et probablement de Giotto c’est certainement grâce au brillant historien de l’art et collectionneur passionné Roberto Longhi.

L’exposition présente les grands noms de la peinture italienne, du XIVe au XVIIe siècle, redécouverts par Roberto Longhi (1889/1890-1970), l’une des personnalités majeures de l’histoire de l’art italien – Giotto, Masaccio, Masolino, Piero della Francesca, Ribera, Caravage. La Commissaire générale n’est autre que Mina Gregori, historienne de l’art, ancienne élève de Roberto Longhi et présidente de la Fondation Longhi à Florence. Aux oeuvres issues de la Fondation Roberto Longhi, présentées pour la première fois en France, répondront les oeuvres prêtées par les plus grands musées français et italiens.

Longtemps méconnu ou simplement mésestimé depuis le XVIIIe siècle, tout un courant pictural de la fin du Cinquecento et début du Seicento s’est vu réhabilité suite aux recherches innovantes et au point de vue singulier de Roberto Longhi.

Roberto Longhi est né en 1889 ou 1890 en plein essor de l’impressionnisme. Marqué par ce courant, Longhi découvre des maîtres anciens de la péninsule, longtemps oubliés. Il leur attribue une modernité et une approche révolutionnaire qui les distinguent de leur époque. La mise en place d’une méthode originale de « va-et-vient » entre les siècles lui permet de tisser des liens inédits entre artistes anciens et modernes ainsi que de mettre en valeur les maîtres anciens des écoles négligées. Il a ainsi proposé une lecture originale de leurs oeuvres et donné de nouvelles perspectives à l’histoire de l’art.

L’exceptionnel historien de l’art sera le premier à qualifier le maître du clair-obscur Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Caravage (1571-1610) de précurseur de l’époque moderne.

Le génie et la passion de Roberto Longhi lui ont permis de contribuer à l’authentification de tableaux dont certains figurent dans l’exposition.

L’exposition s’ouvre sur une section consacrée aux oeuvres de Caravage dont le célèbre Garçon mordu par un lézard de la Fondation Roberto Longhi (Florence), un des tableaux les plus marquants de la collection, identifié également par l’historien de l’art.

Longhi a oeuvré tout au long de sa carrière pour faire connaître l’œuvre et l’importance du maître lombard. Selon Longhi, Caravage est le premier peintre de l’époque moderne, car «il a cherché à être naturel et compréhensible ; humain plutôt qu’humaniste ; en un mot, populaire ».

Selon Longhi, Caravage est le premier peintre de l’époque moderne, car il « a cherché à être naturel et compréhensible ; humain plutôt qu’humaniste ; en un mot, populaire. »

Un historien de l’art à contre-courant

Après s’être passionné pour Caravage, artiste emblématique s’il en est, Roberto Longhi a découvert d’autres peintres venant de différentes écoles du Nord considérées comme marginales jusqu’alors. C’est aussi à partir de Caravage que le chercheur à l’œil affuté et révolutionnaire identifiait le mouvement caravagesque qui s’étendait à toute l’Europe depuis Rome jusqu’aux Pays-Bas, en passant par la France et l’Espagne.

À l’époque où les historiens de l’art consacraient leurs recherches aux artistes florentins ou vénitiens, dans une sorte de consensus tacite, Roberto Longhi a franchi le pas pour aller chercher les génies de la peinture ailleurs : en Lombardie, à l’école de Ferrare ou à Bologne. Ces peintres du nord de l’Italie ont trouvé leurs sources d’inspiration ailleurs. À noter que Roberto Longhi lui-même est issu de la région d’Emilie au nord de l’Italie.

Roberto Longhi choisit ses artistes d’après leur degré d’innovation ; Piero della Francesca excelle et surprend dans sa couleur, dans la recherche de luminosité et « une liberté de conception qui dépasse de beaucoup son époque ».

Della Francesca a influencé de grands peintres comme Signorelli ou Le Pérugin.

Piero della Francesca est, selon Longhi, comme le fondateur du colorisme moderne et il dit de lui qu’il réalise pleinement la devise encore lointaine de Cézanne : « Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude ».

Longhi s’intéresse également aux primitifs italiens qui marquent une rupture avec leur époque à l’exemple de Giotto. Giotto « humanise » les personnages sacrés et élabore des séquences narratives dans ses tableaux. Il introduit également la double perspective, annonçant ainsi la Renaissance. Cependant, le joyau de la collection de Longhi reste toujours l’œuvre de Caravage Garçon mordu par un lézard.

Michelangelo Merisi dit Caravage (1571-1610), Garçon mordu par un lézard (1594), huile sur toile 65,8 x 52,3 cm. (©Firenze, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi)
Michelangelo Merisi dit Caravage (1571-1610), Le Garçon mordu par un lézard (1594), huile sur toile 65,8 x 52,3 cm. (©Firenze, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi)

L’importance de Caravage

Caravage a révolutionné la peinture italienne du XVIIe siècle en passant d’une peinture naturaliste à une peinture plus inspirée, réaliste, marquée par le clair-obscur et donc dramatique. Caravage se détache du « beau idéal » qui caractérisait la peinture de l’époque au profit d’un « d’après-nature » peignant le quotidien. Ce sont les gueux qui donnent vie aux figures bibliques, aux saints et aux martyrs. Mais c’est aussi le monde des gueux en soi, des bohémiens, des tavernes, des travestis, des carnavals et des artistes déchaînés.

Selon Longhi, Caravage est doté d’« un style où la lumière, enfin, loin d’être asservie à la définition plastique des corps sur lesquels elle tombe, devient elle-même, avec l’ombre qui la suit, arbitre de l’existence des corps ».

Autour du Garçon mordu par un lézard, deux autres oeuvres de Caravage sont exceptionnellement réunies : Le Couronnement d’épines de la Collezione Banca Popolare di Vicenza et L’Amour endormi de la Galleria Palatina (Florence).

Les caravagesques

Jusepe de Ribera, le jeune peintre espagnole qui s’est installé à Naples, représente bien ce courant des caravagesques. Ce peintre est parmi les premiers à apprécier le style de Caravage caractérisé par une représentation naturaliste, des figures grandeur nature, et un clair-obscur expressif.

Dans l’exposition, Ribera est présenté par cinq panneaux achetés par Roberto Longhi. Les panneaux représentent des apôtres dont saint Thomas, saint Barthélemy et saint Paul.

De son vivant, si Longhi leur trouvait des similitudes avec l’art de Jusepe Ribera, il n’était pas allé jusqu’à lui attribuer ces panneaux. N’ayant été identifiés qu’après la mort de Longhi, les panneaux représentent bien le réalisme de Ribera influencé par Caravage. Le fond monochrome qui sert le panneau de saint Thomas accentue le drame et l’attitude du personnage, l’éclairage et les plis du vêtement amplifient la figure et la magnifient.

L’exposition est donc un hommage à cet historien de l’art qui a posé un oeil nouveau sur le vaste panorama de la peinture italienne.

Sa méthode très personnelle lui a permis de bouleverser les classifications traditionnelles et de rendre aux grands noms de la peinture italienne une place centrale dans l’histoire de l’art. Grâce à ses découvertes, Roberto Longhi a offert à des artistes comme Giotto, Piero della Francesca et surtout Caravage, une renommée qui ne s’est pas démentie depuis.

 

Infos pratiques

De Giotto à Caravage Les passions de Roberto Longhi

du 27 mars au 20 juillet

Musée Jacquemart-André

158 Boulevard Haussmann, 75008 Paris

Ouvert tous les jours y compris les jours fériés de 10h à 18h. Nocturnes les lundis jusqu’à 20h30 en période d’exposition.

Téléphone : 01 45 62 11 59

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