Édouard Philippe doit-il craindre le même sort qu’Alain Juppé pour l’élection présidentielle ?

Par Julian Herrero
13 mai 2025 08:36 Mis à jour: 13 mai 2025 17:13

ANALYSE – Édouard Philippe demeure le favori du bloc central pour l’élection présidentielle de 2027. Mais à deux ans de l’échéance suprême, rien n’est encore joué pour l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron et actuel maire du Havre. Le retour des Républicains dans le jeu politique et l’affaiblissement de la macronie pourraient lui mettre des bâtons dans les roues au point de l’empêcher d’accéder à l’Élysée. Un scénario qui lui réserverait le même destin politique que son ancien mentor Alain Juppé.

Celui qui a été à la tête du gouvernement entre 2017 et 2020 est toujours solidement installé sur son siège de candidat favori du bloc comprenant Renaissance, le MoDem et Horizons et de candidat qui a de grandes chances de succéder à Emmanuel Macron en 2027. Selon un sondage Ifop pour Hexagone du 5 mai, l’ex-député de Seine-Maritime arriverait en deuxième position et obtiendrait 22 % des suffrages, derrière le candidat du Rassemblement national qui récolterait 32 % (hypothèse Marine Le Pen) ou 35 % (hypothèse Jordan Bardella). Il ferait nettement mieux que son principal rival Gabriel Attal, crédité de 14 % des voix s’il était désigné candidat macroniste en 2027.

Par ailleurs, une enquête Ifop-Fiducial pour Sud Radio et Le Figaro publiée récemment montrait que 41 % des Français souhaitent sa participation à la prochaine élection présidentielle, trois points de plus qu’au mois de février. Il serait devancé de seulement 1 ou 2 % par Marine Le Pen et Jordan Bardella qui figurent en tête du classement.

La renaissance de LR

Cependant, les ambitions du maire normand pourraient se heurter aux aléas de la vie politique française. À commencer par le retour en grâce inespéré de la droite traditionnelle depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon en septembre 2024, mais surtout depuis la dynamique créée par Bruno Retailleau avec son arrivée place Beauvau.

L’ancien chef des sénateurs LR, par ses discours de fermeté sur l’insécurité et l’immigration, puis sa volonté de ne rien céder au régime algérien, a remis sur le devant de la scène des Républicains en proie à une spirale de défaites depuis 2017, et ce, jusqu’aux législatives anticipées de juin 2024. Le parti a d’ailleurs récemment connu un boom d’adhésions.

Selon des informations rapportées par Europe 1, le nombre d’adhérents est passé de 43.000 à 120.000. Un sursaut que personne, pas même Édouard Philippe, n’aurait pu prévoir. Et du côté de la droite, on entend bien profiter de cette dynamique et marquer sa différence avec le président d’Horizons.

« Nous sommes très clairement portés par la dynamique Retailleau. Il y avait 3000 personnes au dernier meeting de campagne à Boulogne-Billancourt dimanche », s’enthousiasme-t-on au sein des Républicains.

« À vrai dire, nous ne savons pas quel projet Édouard Philippe défend pour la France. Nous attendons d’y voir un peu plus clair », confie-t-on également à Epoch Times avant d’ajouter que « nous n’oublions pas qu’il était aux manettes lors de l’instauration des 80 km/heure, de la fermeture de la centrale de Fessenheim et de l’abandon du projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ! ».

Du côté de la macronie, l’heure n’est plus à la célébration comme en 2017. Le score décevant des législatives de 2022 et la défaite qui a suivi la dissolution de l’Assemblée nationale à l’été 2024 sont passés par là. Le bloc central ne séduit plus autant qu’avant.

Le maire du Havre a déjà officialisé sa candidature, mais il s’agit d’être en mesure de rassembler toutes les tendances du centre et au-delà à l’instar d’Emmanuel Macron il y a sept ans. « Édouard Philippe bénéficie actuellement d’une vague de sympathie dans l’opinion publique nourrie par son image de sérieux, de modération et de constance », déclare à Epoch Times une source proche de Renaissance. « Mais cette popularité reste fragile et largement conjoncturelle », nuance ce même interlocuteur.

Édouard Philippe, un nouvel Alain Juppé ?

En politique, il ne fait pas bon d’être le favori d’une élection. L’ancien mentor d’Édouard Philippe peut le confirmer. Des années avant l’élection présidentielle de 2017, Alain Juppé était donné gagnant pour succéder à François Hollande. Les Unes sur l’ancien maire de Bordeaux se multipliaient ainsi que les enquêtes d’opinion plus que flatteuses. La « Juppé mania » était en place.

En octobre 2014, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac récoltait 47 % des intentions de vote à la primaire de la droite et du centre, Nicolas Sarkozy 35 % et François Fillon 5 %, selon un sondage LH2-Le Nouvel Observateur. Nous connaissons la suite. Deux ans plus tard, François Fillon, que tout le monde croyait enterré par la guerre des chefs qui avait suivi la défaite de la droite en 2012, a largement remporté la primaire et les ambitions présidentielles d’Alain Juppé ont été brutalement arrêtées.

Aujourd’hui, le spectre de la défaite de l’ex-édile de Bordeaux plane au-dessus d’Édouard Philippe. Et deux ans avant l’échéance suprême, le premier Premier ministre d’Emmanuel Macron évolue dans un contexte politique radicalement différent et plus complexe qu’Alain Juppé à la même époque. Alors que l’actuel membre du Conseil constitutionnel faisait campagne dans un monde politique encore marqué par le traditionnel clivage droite-gauche, le candidat déclaré pour 2027 doit imprimer sa marque au sein d’un bloc central affaibli et s’imposer face à une droite en pleine reconstruction et un Rassemblement national plus fort que jamais.

« L’avenir dira si Édouard peut réussir là où j’ai échoué », déclarait Alain Juppé au Monde en septembre 2023. Réponse dans deux ans.

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