Opinion
Au bord de la récession, l’Europe dit vouloir négocier rapidement avec Trump sur les droits de douane

Le président américain Donald Trump s'entretient avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avant leur rencontre au Forum économique mondial de Davos, le 21 janvier 2020.
Photo: JIM WATSON/AFP via Getty Images
Selon Les Échos, l’Europe serait proche de la récession si Donald Trump met à exécution ses menaces de tarifs douaniers à hauteur de 50 %. L’Allemagne est particulièrement en danger alors que son économie est en récession pour la deuxième année consécutive.
L’UE reste « mobilisée » pour parvenir « rapidement » à un accord commercial avec les États-Unis, a affirmé le 26 mai le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, à l’issue d’échanges avec ses homologues américains. La Commission espère un « nouvel élan » dans le sillage d’un coup de téléphone décisif entre Donald Trump et Ursula von der Leyen.
Deux jours après avoir menacé d’imposer des droits de douane de 50 % sur les produits européens dès le 1er juin, Donald Trump a changé de pied le 25 mai, après une « très bonne conversation » téléphonique avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Le président américain a annoncé mettre en pause jusqu’au 9 juillet ces éventuels droits de douane visant l’UE.
L’UE et les États-Unis poursuivent les négociations
« Elle vient de m’appeler et elle a demandé une prolongation de la date du 1er juin, et elle a dit qu’elle voulait entamer des négociations sérieuses », a déclaré Donald Trump. « J’ai accepté de déplacer la date au 9 juillet. […] Et elle m’a dit que nous allions rapidement nous rencontrer et voir si nous pouvions trouver une solution », a-t-il poursuivi.
La présidente de la Commission européenne a mentionné pour sa part un « bon appel » avec le président américain. « L’Europe est prête à faire avancer les négociations de manière rapide et décisive », a assuré Ursula von der Leyen. « L’UE et les États-Unis entretiennent les relations commerciales les plus importantes et les plus étroites au monde », a-t-elle rappelé.
Donald Trump avait annoncé le 23 mai qu’il ne « cherchait pas d’accord » commercial avec l’Union européenne et avait menacé d’imposer des droits de douane de 50 % sur les importations en provenance des Vingt-Sept dès le 1er juin.
Au cours des derniers mois, l’Union européenne a été frappée à trois reprises par des droits de douane de l’administration américaine : 25 % sur l’acier et l’aluminium, annoncés mi-mars, 25 % sur les automobiles, puis 20 % sur tous les autres produits européens, en avril.
Cette dernière surtaxe, pour l’UE comme pour de nombreux autres pays, a été suspendue jusqu’au 9 juillet pour engager une négociation. Mais des droits de douane de 10 % restent appliqués sur la plupart des biens exportés aux États-Unis par les Vingt-Sept.
La Commission européenne négocie au nom des pays de l’UE
La Commission européenne, qui négocie les accords commerciaux au nom de l’UE, avait aussitôt réagi en réclamant du respect de la part de Washington à la suite de l’annonce des nouveaux tarifs douaniers.
« L’UE est pleinement engagée et déterminée à obtenir un accord qui fonctionne pour les deux parties », a déclaré le commissaire au Commerce Maros Sefcovic sur X, après des discussions avec le représentant américain au commerce Jamieson Greer et le secrétaire au Commerce Howard Lutnick.
L’UE avait menacé début mai de taxer pour 95 milliards d’euros d’importations américaines, dont les voitures et les avions, en cas d’échec des négociations commerciales avec M. Trump. Les États-Unis exportent de leur côté vers l’UE des logiciels et des services de communications, là où l’Europe leur vend surtout des machines-outils et des équipements de transport.
Les États-Unis évaluent leur déficit avec l’UE pour les biens à 235 milliards de dollars en 2024, mais la Commission européenne pointe que l’excédent américain en termes de services ramène le déficit commercial à 50 milliards d’euros (environ 57 milliards de dollars).
Dans plusieurs notes, des analystes avaient décrit l’annonce du président américain comme une « tactique de négociation ». « Elle intervient alors que les négociations avec l’UE ont débuté mais semblent difficiles, les premiers éléments semblant montrer un mécontentement des États-Unis car l’Europe ne propose qu’une baisse mutuelle, et non unilatérale, des droits de douane et rien sur la taxation numérique », a ainsi pointé Capital Economics.
Les droits de douane appliqués par les États-Unis aux produits européens s’élèvent actuellement à 12,5 % en moyenne, 2,5 % correspondant au niveau avant le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier et 10 % aux surtaxes annoncées début avril.
L’Union européenne cherche comment amadouer Washington
L’UE tente depuis des semaines de trouver une issue aux nouveaux tarifs douaniers américains. Le problème, c’est que le bloc de 27 pays manque d’éléments sur les attentes « du côté américain ».
« Nous avons dit très clairement que nous souhaitions une solution négociée [plutôt que de riposter par des droits de douane sur les produits américains], nous avons mis en avant plusieurs propositions concrètes, comme d’acheter plus de gaz naturel liquéfié américain […] ou de réduire à zéro les droits de douane des deux côtés sur les produits industriels », a expliqué le commissaire européen à l’Économie Valdis Dombrovskis.
Le commissaire a pris soin de souligner qu’il était hors de question pour Bruxelles de « renoncer » à ses relations commerciales avec les États-Unis, estimant que leur partenariat était « le plus proche, le plus profond et le plus important ».
Le ministre français de l’Économie, Éric Lombard, a également mis en avant les liens qui unissent l’Europe et les États-Unis. « Convaincu » que les turbulences actuelles autour des droits de douane allaient trouver une issue, il a dit envoyer « un message d’amitié et d’optimiste inébranlable à nos amis et alliés américains ».
Le ministre de l’Économie a aussi souligné que « le plus tôt sera le mieux » pour conclure un accord avec les États-Unis. L’UE, a-t-il dit, « cherche à négocier une solution, un accord qui serait gagnant-gagnant pour les deux parties ».
Mais cet accord doit être trouvé rapidement pour le ministre allemand des Finances, Jörg Kukies, évoquant une situation « d’urgence ». Car, dans l’incertitude, « les décisions d’investir sont reportées et les consommateurs retardent leurs décisions d’acheter ».
Quant au ministre espagnol de l’Économie, Carlos Cuerpo, il a souligné l’importance pour l’UE de s’afficher unie derrière ses négociateurs. Les pays européens, a-t-il noté, ont besoin « de la force de frappe de l’Union européenne dans son ensemble, représentant 450 millions de consommateurs » pour conclure un accord.
L’Allemagne face au choc d’une deuxième récession
Dans ce contexte de nouvelles taxes douanières américaines, l’Allemagne s’enfonce dans le doute après une deuxième année consécutive de récession, traduction du marasme industriel de la première économie européenne.
L’activité économique s’est contractée de 0,2 % l’an dernier, selon une première estimation début janvier de l’institut Destatis, en ligne avec les prévisions pessimistes du gouvernement. En 2023, le PIB avait déjà reculé de 0,3 %, plombé par la hausse des coûts de l’énergie renouvelable et la fin du gaz russe.
L’ancienne locomotive de la zone euro ne doit pas compter sur une reprise rapide : « Tout porte à croire que 2025 sera la troisième année consécutive de récession », selon Jens-Oliver Niklasch de la banque LBBW.
En cause notamment, les nouveaux tarifs douaniers américains, les États-Unis étant le premier débouché des exportations allemandes. L’Allemagne s’installe durablement en queue de peloton de la zone euro, seule parmi les grands pays européens à avoir enregistré une baisse de son PIB en 2024 par rapport à 2019, avant le Covid, note Ruth Brand, présidente de Destatis.
« Notre économie ne fait pas que boiter, elle se déplace déjà en fauteuil roulant », estimait récemment Robert Halver de la banque d’investissement Baader. Une double récession n’était plus arrivée en Allemagne depuis le début des années 2000, période où le pays, affaibli par le coût de la réunification, était surnommé « l’homme malade de l’Europe ».
Comme à l’époque, des difficultés conjoncturelles se superposent à des problèmes structurels : l’industrie allemande ne s’est pas remise de la hausse des coûts de l’énergie depuis 2022 et souffre d’une réduction de ses débouchés en Chine. S’y ajoutent les coûts de la décarbonation, le vieillissement de la population et des infrastructures, le poids de la bureaucratie, une constante présente chez beaucoup d’autres pays européens.
Le marché du travail, d’habitude robuste, s’affaiblit également alors que le pays fait face à une pénurie de main d’œuvre. Carsten Brzeski, de la banque ING, espère « un regain de confiance et de croissance en Allemagne » avec un gouvernement qui privilégie « réformes structurelles, investissements et une politique fiscale plus souple ».
L’attente d’un accord commercial entre l’UE et les États-Unis concernant les droits de douane est d’autant plus pressante, « qu’au pays de l’automobile » Volkswagen s’apprête à supprimer 35.000 emplois en Allemagne d’ici 2030, symbole de la débâcle du pays et de la locomotive industrielle de l’Europe.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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