Fleury-Mérogis : entre surpopulation et déradicalisation

17 octobre 2016 10:19 Mis à jour: 19 octobre 2016 10:30

Mobilisation des personnels pénitentiaires lundi 17 octobre devant la préfecture de l’Essonne : la colère et le ras-le-bol grondent dans le milieu carcéral. Venus soutenir leurs collègues policiers agressés et brûlés au cocktail molotov à Viry-Chatillon la semaine dernière, les personnels pénitentiaires de Fleury-Mérogis étaient aussi présents afin de dénoncer le climat d’insécurité et de violence croissante que subissent de nombreux centres pénitentiaires de France depuis plusieurs mois.

La plus grande prison d’Europe

« Nous sommes la troisième force de sécurité publique, et nous savons ce qu’ils endurent. Eux c’est à l’extérieur et nous, c’est à l’intérieur ! », déclare Marcel Duredon, délégué Force Ouvrière (FO) pénitentiaire de Fleury-Mérogis.

Il faut dire que la plus grande prison d’Europe, située à quelques kilomètres de Paris, est de nouveau sous les projecteurs avec l’incarcération de terroristes, dont le tristement célèbre Salah Abdeslam. Mais pas seulement. Avec un effectif de 4 532 détenus pour 3 036 places (153% de taux d’occupation), la surpopulation carcérale devient préoccupante dans cette « ville dans la ville ».

Et la sécurité en pâtit. « Les personnels de surveillance ne se sentent pas du tout en sécurité, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des murs de la prison. Il y a des personnels qui ont été menacés et qui ont eu des tags sur les portes de leur domicile », précise Marcel Duredon.

La plateforme revendicative de FO est simple : ils réclament une sécurisation du domaine pénitentiaire ainsi que des voies de circulation qui le bordent, afin de préserver « les véhicules de l’administration pénitentiaire mais aussi ceux des collègues policiers », pouvant être pris pour cible.

« Les personnels de surveillance ne se sentent pas du tout en sécurité, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des murs de la prison. »

-Marcel Duredon, délégué FO

Parallèlement, ils demandent l’abrogation de l’article 57 de la loi pénitentiaire, nécessitant pour tout personnel pénitentiaire de « justifier toute fouille à corps » et entraînant des procédures administratives lourdes, donc dissuasives. L’abrogation de cet article 57 viendrait de plus, conforter les mesures d’état d’urgence qui demandent une simplification des procédures, permettant ainsi de « remettre en place les fouilles systématiques des individus en contact avec l’extérieur », estime M. Duredon.

La déradicalisation en question

Seuls quatre centres pénitentiaires détiennent des unités de déradicalisation : Fresnes, Osny, Lille-Annœuillin et Fleury, qui en compte deux à elle seule. Ces unités sont ainsi « dédiées » à l’incarcération d’individus « pour des faits de terrorisme liés à l’islamisme radical violent » ou des personnes « repérées comme radicalisées » et prônant une action violente, selon un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL). Constituées de cellules individuelles situées dans un bâtiment ou un étage « isolé », ces unités sont éloignées du reste de la population carcérale. Et pourtant, la récente agression d’Osny perpétrée sur un surveillant à l’arme blanche révèle des dysfonctionnements avec tous les risques qu’ils impliquent. Pour le syndicat, il existe des détenus bien plus dangereux que Salah Abdeslam.

« Dans notre jargon, Abdeslam est plutôt un suiveur, et pas une tête pensante ». On s’est rendu compte qu’il y a différents degrés en matière de dangerosité et de détermination et donc une classification. Un travail d’observation est mis en place par des partenaires pluridisciplinaires (psychologues, SPIP) avec l’aide des personnels de surveillance. Des profils et un niveau de dangerosité sont alors établis dans ces unités d’évaluation afin de gérer ces détenus « de manière plus pertinente, mais aussi isolée ». « On ne souhaite pas qu’ils soient regroupés, car ils recréent des réseaux, et se réarment intellectuellement et psychologiquement », explique Marcel Duredon.

En effet, ces détenus n’hésiteront pas à « recruter » dans les prisons, usant d’argumentaires variés, allant de simples échanges verbaux avec des détenus repérés comme « fragiles » ou « peu ou pas armés socialement ou intellectuellement ». Pour des individus un peu plus éduqués, un travail de fond sera mis en place avec des arguments tirés du Coran « où l’on va extraire des sourates un certain nombre d’âyât afin de contrecarrer un chrétien par exemple, comme, pourquoi croire en Jésus plutôt qu’en Mahomet… » On assiste ainsi à une islamisation de la détention.

Parallèlement, le délégué de FO préconise la mise en place d’un « contre-discours » de la part « des représentants du culte musulman face aux terroristes qui utilisent la religion comme levier pour justifier leur passage à l’acte meurtrier ». Selon lui, « la déradicalisation n’existe pas, il faut que ce soit une volonté de l’individu ». Pour Marcel Duredon, déradicaliser, c’est « ne plus passer à l’acte, et dire que la religion, c’est la tolérance. Je pense que les imams ont un rôle important dans la verticalité entre la relation entre le croyant et sa croyance, sans la parasiter à des fins de guerre, et ainsi mettre fin à des exactions aussi atroces ».

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