France 5 soulève la question des prélèvements d’organes forcés en Chine

31 mars 2016 12:37 Mis à jour: 14 janvier 2017 11:00

Le 10 mars, Le Magazine de la santé diffusé sur France 5 et présenté par Marina Carrère d’Encausse et Benoît Thévenet, a invité Alexis Genin, neurobiologiste et conseiller scientifique de DAFOH (Doctors Against Forced Organ Harvesting) pour parler des prélèvements d’organes dans le monde.

Alexis Genin bonjour, vous êtes neurobiologiste, conseiller scientifique de l’ONG DAFOH, qui dénonce la collecte et le prélèvement non éthique d’organes à travers le monde. Quand on dit prélèvement non éthique d’organes, cela veut dire quoi ?

Le don d’organes est régulé par des principes qui sont le don bénévole et volontaire d’organes. Dans la vie réelle, ce n’est pas ce qui se passe dans de nombreux pays où les organes font l’objet d’un trafic très lucratif, parce qu’en fonction de l’organe, vous pouvez payer entre 50 000 et 100 000 dollars.

Alors quels sont ces pays qui sont dans votre collimateur ?

Historiquement, l’Inde a été le premier pays à avoir un trafic très organisé d’organes dans les années 80 et 90. La loi a évolué dans ce pays et cela a fait dévier le tourisme médical vers d’autres pays. On peut citer le Brésil aussi, où ce sont essentiellement des réseaux mafieux qui achètent ou prélèvent de force les organes. Plus récemment, la Chine s’est vraiment placée comme numéro 1 mondial.

Quelle est la spécificité de la Chine dans ce domaine ?

On ne le savait pas jusqu’en 2006, on a vu dans les années 2000 une explosion du nombre des transplantations en Chine. On est passé de quelques centaines à la fin des années 90, à plus de 20 000 par an. Là ce sont les statistiques officielles, à partir de 2005.

Alors d’où viennent-ils ? La tradition chinoise du confucianisme est très hostile au prélèvement d’organes, parce que le corps doit être maintenu intact, donc il n’y a pas de dons spontanés d’organes en Chine et il n’y a pas non plus de programme pour stimuler les dons spontanés.

Si vous pouvez payer, en 15 jours à 3 semaines, vous avez un organe.

– Alexis Genin

Alors après avoir longtemps hésité, le gouvernement chinois a finalement reconnu que cela venait parfois de prisonniers condamnés à mort, mais cela n’explique pas tout. Amnesty international pense qu’il y a environ 2 000 exécutions en Chine chaque année, et il y a au minimum 20 000 prélèvements d’organes. Vous avez donc 18 000 prélèvements d’organes, 18 000 morts chaque année qui sont complètement inexpliquées.

 

Donc cela veut dire qu’un trafic a été mis en place ? Est-ce que ce sont comme dans d’autres pays des réseaux mafieux ? ou est-ce que ça passe par la persécution de certains groupes de la population ?

C’est la grande question que DAFOH s’est posée. DAFOH a commencé à enquêter sur la Chine en 2006 après que des allégations sont sorties dans la presse, selon lesquelles des prélèvements forcés étaient faits sur des prisonniers dans les hôpitaux militaires chinois. C’étaient des allégations en 2006, donc ce qu’on a mené avec DAFOH, ce sont trois approches en parallèle. La première consistait à chercher dans les publications scientifiques chinoises la trace d’un trafic potentiellement organisé. La deuxième, de mener deux enquêtes indépendantes en parallèle pour identifier les sources de ces organes.

Les résultats sont édifiants ! Lorsque vous lisez les articles scientifiques chinois, vous voyez dans les années 2000, des résultats sur des centaines et des centaines de transplantations, sans qu’on ait la moindre idée de l’origine des organes. C’est ce qui a conduit les grands journaux scientifiques à partir de 2011, à demander une traçabilité parfaite de ces organes, et cela grâce au travail de DAFOH. Mais les résultats les plus frappants viennent des deux enquêtes qui ont été menées, la première par un ancien secrétaire d’État aux affaires étrangères canadien, David Kilgour, et la seconde par un spécialiste de la Chine, Ethan Gutmann.

Dans la première enquête, David Kilgour a appelé des centaines de sites de transplantation en Chine avec un réseau d’enquêteurs, en demandant comment on pouvait avoir accès à un organe. La réponse était : si vous pouvez payer, en 15 jours à 3 semaines vous avez un organe.

Un réseau organisé au plus haut niveau de l’État chinois.

– Alexis Genin

Pour rappel, en France, 18 000 personnes sont en attente d’un organe, avec un temps moyen d’attente de trois ans. En Chine, si vous avez de 50 000 à 100 000 dollars, en quinze jours vous les avez. Et lorsqu’ils ont voulu savoir d’où venaient ces organes, on leur a dit de façon très claire et très transparente, qu’ils venaient de prisonniers chinois, et en particulier, de pratiquants d’une méthode chinoise, qui est une sorte d’exercices physiques traditionnels qui s’appelle le Falun Gong. Première enquête.

Deuxième enquête, Ethan Gutmann, lui, a pris une méthodologie tout à fait différente. Il a interviewé des chrétiens, des Tibétains, des Ouïghours et également des Falun Gong qui avaient été emprisonnés, pour voir si dans ce qu’ils avaient observé dans les camps – les laogaï – on voyait la trace d’un système organisé de prélèvements.

Ce qu’il y avait d’absolument frappant, c’est qu’un prisonnier sur deux faisait l’objet d’une batterie de tests complète, non pas des tests médicaux pour savoir s’il était en bonne santé mais des tests pour savoir si ses organes étaient en bonne santé. Est-ce que ses yeux fonctionnent, est-ce qu’on va pouvoir prélever la cornée, est-ce qu’il a un bon rythme cardiaque, est-ce que son foie est en bonne santé ?

C’est absolument glaçant. Qui sont ces membres du Falun Gong qui ont l’air d’être persécutés et qui sont très très nombreux en Chine ?

Le Falun Gong, c’est la tradition chinoise un petit peu comme on fait du footing ici. En Chine, il y a cette tradition d’exercices matinaux comme le Tai-chi Chuan, le Falun Gong c’est aussi une sorte de yoga chinois. Dans les années 1990, il y a eu une explosion de la popularité de cette pratique. Le gouvernement chinois estimait à la fin des années 90 que plus de 70 millions de personnes la pratiquaient.

Et donc c’était un danger pour l’État ?

Ça ne le serait nulle part ailleurs, mais dans un régime autoritaire ou plutôt une dictature comme l’est la Chine, 70 millions de personnes qui ont une activité commune tous les jours, sans contrôle du gouvernement, c’est un danger potentiel. Et donc, la répression de cette pratique a commencé. Le Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies estime qu’entre 500 et 700 000 pratiquants de Falun Gong ont été, à un moment donné, enfermés dans ces camps de rééducation et travail forcé. Les chiffres sont astronomiques mais il faut bien voir qu’on parle de la Chine avec 1,3 milliard d’habitants, et donc on a une réserve potentielle d’organes, de 700 000 personnes à n’importe quel moment en Chine.

Vous comptez sur l’Europe pour faire pression ?

L’Europe a réagi. En 2006, nous étions sur des allégations. Après ces enquêtes, il est révélé qu’il ne s’agit pas d’allégations mais bien de faits, et qu’il ne s’agit pas d’un réseau mafieux, mais d’un réseau organisé au plus haut niveau de l’État chinois parce que les sites de prélèvement sont des hôpitaux militaires. Le Parlement européen a adopté fin 2013 une résolution condamnant de la manière la plus ferme ces prélèvements, en indiquant que c’était effectivement un réseau organisé au plus haut niveau et que les pratiquants de Falun Gong en étaient les premières victimes.

Merci beaucoup. Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, il y a le site www.dafoh.org et le livre Organes de l’État chez La Petite Édition.

Si je peux me permettre, je m’adresse à tous les téléspectateurs, si vous voulez faire quelque chose, il y a une façon très simple, sur le site web, une pétition est en ligne, déjà deux millions de signataires, allez-y ! Merci !

 


Récapitulatif des avancées des trois derniers mois sur la question des prélèvements forcés d’organes en Chine :
« Human Harvest » (Prélèvement humain) un documentaire primé qui dénonce le prélèvement d’organes sur des pratiquants de Falun Gong emprisonnés en Chine, a été diffusé sur 3 SAT, en Allemagne, Suisse et Autriche le 18 février à une heure de grande écoute.

Le documentaire a reçu l’attention des médias du secteur mondial de la radiodiffusion. Les chaînes TV de plus d’une vingtaine de pays ont diffusé le film, dont les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Norvège, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Pologne et des pays du Moyen-Orient.

Le 13 mars, la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis a amendé la résolution 343. La résolution demande au gouvernement chinois de cesser sa pratique de prélèvement d’organes approuvés par l’État sur des pratiquants de Falun Gong de leur vivant, et de coopérer avec les enquêtes sur ces crimes. La résolution a d’ores et déjà le soutien de 166 représentants des deux partis.

Lors de l’audition, le membre du Congrès Chris Smith (représentant du New-Jersey) a déclaré : « Je crois fortement que cette résolution est une étape importante pour apporter une mesure de responsabilité et de transparence à ce qui est possiblement un des plus grands crimes de ce XXIe siècle : les 17 années d’efforts pour éradiquer le Falun Gong de la Chine. »

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