La paix mais pas à tout prix : les Afghanes redoutent un retour des talibans

Par Epoch Times avec AFP
1 mars 2020 07:45 Mis à jour: 1 mars 2020 13:13

Alors que les troupes américaines se préparent à quitter l’Afghanistan, les femmes craignent un possible retour au pouvoir des talibans, qui menacent leurs libertés chèrement acquises ces 18 dernières années.

Sous le règne des insurgés, au pouvoir pendant environ cinq ans avant d’être renversés en 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, les Afghanes étaient comme prisonnières chez elles, leurs vies régies par une interprétation très stricte de la charia.

Les habitantes des villes ont vu leurs vies transformées

Depuis la chute du régime taliban, les habitantes des villes ont vu leurs vies transformées. Leurs droits au travail et à l’éducation sont bien plus respectés. Mais les changements sont plus modestes en milieu rural.

Aujourd’hui, les Afghanes sont partagées : elles veulent la fin des violences, mais ne sont pas convaincues de la bonne volonté des talibans en matière de droits des femmes. L’AFP a interrogé cinq d’entre elles.

« Je serai très heureuse si la paix arrive et les talibans arrêtent de tuer notre peuple », affirme à l’AFP Setara Akrimi, une vendeuse de 32 ans, qui dit pourtant craindre un retour au pouvoir des insurgés si ceux-ci gardent « leur ancienne mentalité ».

« S’ils me disent de rester assise à la maison, je ne pourrai pas subvenir aux besoins de ma famille », s’exclame cette divorcée, mère de trois enfants, habitant à Herat, la capitale de l’Ouest afghan.

« Il y a des milliers de femmes comme moi en Afghanistan. Nous sommes toutes inquiètes. »

« La situation va devenir plus difficile pour les femmes actives »

Vétérinaire passionnée, Tahera Rezai ne pense pas pouvoir continuer à exercer si les talibans reprennent le pouvoir. Les rebelles « affecteront  la liberté et l’indépendance » des femmes, estime cette trentenaire vivant à Kaboul. « La situation va devenir plus difficile pour les femmes actives comme moi », soupire-t-elle.

À l’approche de l’accord américano-taliban, les insurgés se sont engagés à respecter les droits des femmes en accord avec « les valeurs islamiques », un postulat très vague. Elles pourraient ainsi se voir interdites de travailler en présence d’hommes.

Les talibans contrôlent ou contestent aujourd’hui la moitié du territoire afghan. S’ils permettent aux filles d’aller à l’école primaire dans certains endroits, des cas de flagellations et de lapidations sont encore signalés.

De nombreuses Afghanes sont partagées entre leur désir de paix et leur peur des insurgés.

« Chaque famille ici est en deuil, car elles ont perdu leurs enfants, leurs fils, leurs maris, leurs frères à cause de la guerre », explique à l’AFP Torpekay Shinwari, une responsable gouvernementale de la province du Nangarhar (Est), où de violents combats se sont produits notamment entre talibans et combattants du groupe État islamique.

A 46 ans, Mme Shinwari dit prier pour la paix. Mais elle s’avoue aussi de plus en plus préoccupée à l’idée que « les femmes soient vues comme le deuxième sexe et réprimées » si les vues des insurgés l’emportent.

A Kandahar, berceau du mouvement taliban, Parwana Hussaini, 17 ans, est plus confiante. « Je ne suis pas inquiète. Qui sont les talibans ? Ils sont nos frères », lance cette adolescente scolarisée.

« La jeune génération a changé »

« Nous sommes tous Afghans et nous voulons la paix », assure-t-elle. « La jeune génération a changé, et ne permettra pas aux talibans de remettre en place leur ancienne idéologie. »

Mais pour ceux que leur règne a meurtri, le retour des talibans est une catastrophe. Uzra, employée dans une usine de Bamiyan, une province du centre de l’Afghanistan fortement peuplée de Hazaras, une minorité largement chiite, sanglote quand elle se remémore l’arrivée des talibans, très majoritairement sunnites, dans son village.

« Ils ont massacré tous les hommes, puis sont venus dans ma maison », où ils ont menacé de décapiter sa fille alors âgée de 3 ans, raconte la quadragénaire, qui n’ose pas donner son nom entier.

Son mari, lui, a été battu avec six autres Hazaras dans la ville de Mazar-i-Sharif, plus au Nord. Cinq sont morts. Lui est resté handicapé. « Encore aujourd’hui, quand on entend le mot +taliban+, il se met à pleurer », raconte-t-elle.

La famille s’est enfuie au Pakistan, d’où elle est revenue en 2005. « Tout le monde veut la paix, mais pas si les talibans reviennent, lance Uzra. Je ne veux pas de cette soi-disant paix. »

 

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