L’administration Trump gênée dans ses efforts pour remanier la politique environnementale

16 janvier 2017 18:48 Mis à jour: 18 janvier 2017 10:31

Il existe un moyen efficace pour affaiblir la marge de manœuvre du chef de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) : augmenter les litiges et les procédures législatives. Indirectement, on parasite aussi l’autorité du président des États-Unis.

En laissant entendre que les grandes questions environnementales seraient relayées au second plan, Donald Trump a créé la polémique. En annonçant que le procureur général de l’Oklahoma, Scott Pruitt, serait nommé à la tête de l’EPA, il a récidivé. En effet, Scott Pruitt, le célèbre défenseur des industries pétrolières, le pourfendeur des valeurs écologiques, s’est, durant toute sa carrière, dévoué à des batailles juridiques contre l’organisme dont il deviendra le chef.

Mais Trump et Pruitt n’auront qu’une marge de manœuvre limitée pour modifier la politique environnementale en place.

Tout remaniement législatif ou par voie de litige prendra des années et déchaînera de nouvelles contestations devant les tribunaux. Trump et Pruitt pourront néanmoins exploiter les décisions budgétaires pour renflouer ou appauvrir telle ou telle mesure, selon qu’elle leurs convienne ou pas. Ils pourront également manipuler l’entrée en vigueur des règlements.

Les remaniements de Trump et Pruitt

Donald Trump et Scott Pruitt ont pris à partie le Clean Power Plan, le grand programme d’Obama visant la réduction des émissions de carbone (par une réglementation des centrales électriques) et ont, au passage, attaqué l’interprétation législative de l’administration Obama sur l’eau aux États-Unis – les lois qui déterminent quels plans d’eau relèvent de la compétence de l’EPA.

Selon Pruitt aucune loi du Congrès ne cautionne le plan climat d’Obama qui représente, dans sa globalité, un ensemble néfaste de mesures.

Trump et Pruitt dénoncent surtout les retombées économiques du Clean Power Plan. Néanmoins, les liens étroits que Pruitt entretient avec l’industrie de l’énergie fossile, voilà un détail que les membres du Sénat pointeront du doigt lors de son audience de confirmation.

Une coalition de vingt-neuf procureurs généraux des États, dont Pruitt, s’est opposée au plan climat d’Obama, qui, en conséquence, a été suspendu par la cour Suprême des États-Unis.

Pruitt a écrit au sujet du Clean Power Plan : « Cette réglementation soumise par l’EPA, l’une des plus ambitieuses jamais proposée, provoquera la fermeture des centrales thermiques au charbon, fera monter en flèche le prix de l’électricité pour les consommateurs américains, et laissera le pouvoir exécutif instaurer le système même de plafonnement des émissions de carbone que le Congrès avait rejeté. »

Les obstacles

Bien que Pruitt soit soutenu par vingt-huit autres avocats généraux, la majorité des États encouragent vigoureusement le Clean Power Plan.

Quelle que soit la décision rendue par la cour d’appel concernant le Clean Power Plan, elle n’avantagera pas vraiment un camps ou l’autre.

« Dès qu’apparaîtront les signes que l’EPA s’en prend au Clean Power Plan, on peut parier qu’il y aura des poursuites intentées par l’État de Californie, probablement l’État de New York et encore d’autres États, le Natural Resources Defense Council et sûrement beaucoup de groupes » , affirme Michael Kraft, professeur émérite en affaires publiques et environnementales et de science politique à l’Université du Wisconsin-Green Bay.

« Quelle que soit la décision rendue par la cour d’appel concernant le Clean Power Plan, elle n’avantagera pas vraiment un camps ou l’autre. Tout cela pourrait devenir une sorte de victoire symbolique pour l’administration Trump, mais ça ne changera pas grand-chose sur le terrain », ajoute-t-il.

Selon Jody Freeman, professeure en droit environnemental à Harvard, s’exprimant sur le site Web de l’établissement, les scénarios probables sont très variés selon que le tribunal soit en faveur ou non du plan climat d’Obama, et selon qu’il rende son verdict avant ou après l’investiture de Trump. Le mieux pour Trump et Pruitt serait d’obtenir le soutien de la cour d’appel tout en faisant main basse sur l’EPA.

Mais même dans ce cas, pour parvenir à ce que l’EPA fasse de nouvelles réglementations, il faudra relever d’innombrables défis juridiques et la majorité des États s’opposera sans cesse aux modifications. En outre les procédures pour proposer ces réglementations seront particulièrement longues, et la seule période des commentaires publics s’étendra sur plus d’un an.

« Admettons qu’il faille trois ans pour retirer le Clean Power Plan », déclare le Pr. Kraft (en nuançant qu’un tel délai reste très ambitieux), « beaucoup d’États et d’industries auront déjà abandonné le charbon ». En raison de l’incertitude générée par le plan, « probablement plus aucun service dans le pays ne se lancera dans la construction d’une nouvelle centrale à charbon ».

Le budget et l’application des lois

Quelle que soit la réglementation en vigueur, Trump et Pruitt pourront manipuler les budgets et la mise en application des lois, pour renforcer ou affaiblir l’incidence des mesures.

« Quand cette administration commencera à avoir de l’influence, le processus budgétaire fédéral méritera d’être examiné de très près », a déclaré Scott Fulton, le président de l’Environmental Law Institute. « Au cours des quinze à vingt dernières années, les dispositions de la part du Congressional budget pour limiter les dépenses de l’EPA lors de la mise en place de mesures variées n’ont fait qu’augmenter. »

La Pre. Jody Freeman a également fait remarquer que, par exemple, les mesures qui interdisent l’EPA de faire des dépenses liées à la réglementation des gaz à effet de serre pourraient se transformer en projets de loi de crédits et lois omnibus.

Si l’EPA se relâche quant à la manière dont ses lois sont appliquées, n’enquête sur aucun cas et n’engage aucune poursuite administrative ou judiciaire, ça ne sera pas sans conséquences.

Les républicains contrôlent le Congrès avec seulement cinquante-deux sénateurs, ce qui n’est pas une majorité écrasante. Les démocrates pourront donc stopper de nombreux remaniements mais il leur sera peut-être plus difficile de s’opposer aux nuances glissées dans les textes de loi.

« Concernant l’approche [de Pruitt], il reste un élément dont nous ne savons pas grand-chose, à savoir comment il abordera la question de l’entrée en vigueur des règlements », déclare Scott Fulton, ajoutant que Pruitt s’est seulement exprimé sur leur élaboration (tout en souhaitant une plus grande autonomie pour les États).

« Si l’EPA se relâche quant à la manière dont ses lois sont appliquées, n’enquête sur aucun cas et n’engage aucune poursuite administrative ou judiciaire, ça ne sera pas sans conséquences », ajoute-t-il.

Récemment Pruitt est resté injoignable. Dans une interview du mois de novembre lors d’une émission intitulée « Exploring energy » de l’Oklahoma Radio il avait admis que la mise en place d’une nouvelle réglementation nécessitait beaucoup de temps, mais il se montrait optimiste sur le fait que l’administration Trump parviendrait à des « changements drastiques en matière de politique environnementale. »

Sous George W. Bush, les dirigeants de l’EPA ont également essayé de repousser les réglementations environnementales à l’arrière-plan. « Bush a été, malgré lui, tout à fait incapable d’y parvenir. Presque toutes ses décisions importantes ont été rejetées par la Cour fédérale », affirme le Pr. Kraft. « Je pense que Trump rencontrera les mêmes obstacles. »

Jody Freeman a déclaré, pour conclure : « Il y aura de nombreux tournants et revirements dans les mois et les années à venir, car tout cela concerne la Maison Blanche, le Congrès, les organismes gouvernementaux et les tribunaux. Le pays souhaite probablement que les réglementations environnementales passent partiellement au second plan, toujours est-il que la réalité n’est pas aussi dramatique qu’on veut nous le faire croire. »

Version originale : Trump Administration Will Have Limited Power to Change Environmental Policy

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