Le « pays où il est le plus dangereux d’être chrétien » : la Corée du Nord et sa guerre contre la croyance

Par Jocelyn Neo
8 avril 2021 19:11 Mis à jour: 8 avril 2021 19:11

Le « royaume ermite » de la Corée du Nord s’est volontairement enfermé dans l’isolement, de sorte qu’il est difficile pour les autres sociétés libres de savoir ce qui se passe dans cet État secret situé sur la côte est de la Chine communiste.

C’est souvent grâce aux transfuges que le monde a un aperçu de l’intérieur d’un pays dirigé par un régime totalitaire, qu’il s’agisse des récits poignants de la persécution de ses citoyens ou de ses croyants.

Le Comité central du Parti du travail de Corée dit que le christianisme est comme de l’opium ou de la drogue et a durement sanctionné les chrétiens. Maintenant que le Falun Gong est là, les gens observent de près pour voir comment les autorités vont réagir.
— UNE SOURCE ANONYME À RADIO FREE ASIA

La persécution des chrétiens

La Corée du Nord vient en première place dans le monde pour la persécution des chrétiens, selon la World Watch List 2021 publiée par Open Doors, une organisation de surveillance qui soutient les chrétiens persécutés. Dans une interview avec un travailleur secret d’Open Doors, l’organisation a désigné la nation communiste recluse comme étant le « pays où il est le plus dangereux d’être chrétien ».

Elle estime que sur les quelque 400 000 chrétiens que compte le pays, 50 000 à 70 000 d’entre eux sont détenus dans des prisons et des camps de travail, selon son compte rendu.

Une autre enquête détaillée (pdf) menée en 2020 par Korea Future Initiative (KFI), une organisation à but non lucratif qui rend compte des violations des droits de l’homme en Corée du Nord, a documenté divers récits de chrétiens ayant été détenus ou emprisonnés sur la période de 1990 à 2019, lesquels ont témoigné avoir été soumis à d’horribles persécutions.

Des chrétiens coréens de souche chantent des hymnes dans leur église à moitié terminée dans la ville de Yanji, dans la préfecture autonome coréenne de Yanbian, à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, le 13 octobre 2006. (Peter Parks/AFP via Getty Images)

Le rapport d’enquête de la KFI, « Persécution de la foi : documentation des violations de la liberté religieuse en Corée du Nord », est basé sur 117 entretiens avec des survivants, des témoins et des auteurs de violations. L’enquête a également permis d’identifier 273 victimes – âgées de 3 à plus de 80 ans – dont 215 sont des chrétiens.

Les détenus sont souvent confrontés à des « violences extrêmes » en guise de sanctions pour avoir pratiqué leur croyance. Outre les agressions physiques et sexuelles, les méthodes de torture habituelles consistent à les priver de nourriture et de sommeil, à les attacher, à les suspendre à des barres d’acier puis les battre, à leur faire faire des « sauts accroupis », à leur verser une solution de poudre de piment dans les narines, à les obliger à manger des « aliments pollués » et à les forcer à assister à l’exécution d’autres détenus, selon le rapport.

Un croyant chrétien, qui était détenu au centre de détention provisoire du ministère de la Sécurité d’État de la province de Pyongan Nord, a raconté que « les hommes étaient battus comme des chiens » et qu’ils « criaient à pleins poumons » à cause de la douleur.

« Même si les femmes étaient moins battues, j’ai été frappée au visage, ma peau s’est déchirée et j’ai beaucoup saigné. Les [agents du ministère de la Sécurité d’État] m’ont dit d’essuyer le sang, alors je l’ai nettoyé […] J’ai beaucoup pleuré quand ils m’ont frappée à nouveau », a déclaré la femme, selon le rapport de KFI.

Le rapport d’enquête indique que les femmes et les filles représentent près de « 60 % des victimes documentées » et confirme 32 incidents d’avortements forcés et de violences sexuelles.

Citant un incident, un détenu a rappelé qu’une femme enceinte avait donné naissance à un bébé vivant après avoir été contrainte à un avortement provoqué, mais que les agents du ministère de la Sécurité d’État du centre de détention de la province de Hamgyong du Nord avaient étouffé le bébé à l’aide d’un sac en plastique. Le rapport indique que les cadavres des bébés avortés étaient généralement entreposés sur place dans un placard utilisé pour conserver les outils d’entretien avant d’être enterrés. Les femmes n’avaient droit à aucune période de repos et étaient obligées de reprendre le travail le lendemain de leur avortement forcé.

La violence sexuelle est une autre méthode de torture couramment employée. Le rapport indique que les femmes détenues sont souvent traitées de « salopes » et sont forcées de subir « des fouilles invasives de leur vagin et de leur anus ». Selon le rapport de KFI, même des fillettes de 3 ans ne sont pas épargnées par cet examen physique humiliant.

Un homme passe à vélo devant une église chrétienne coréenne dans la ville de Yanji, dans la préfecture autonome coréenne de Yanbian, à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, le 13 octobre 2006. (Peter Parks/AFP via Getty Images)

Souvent, les croyants et les membres de leur famille sont condamnés ensemble à des « camps de prisonniers politiques » après que l’un d’entre eux a été reconnu comme pratiquants d’une religion ou possédant des objets religieux. Le rapport indique que ces peines de prison sont « connues ou comprises comme étant des peines de prison à vie ».

Dans un cas, le parent d’un soldat a été exécuté pour avoir fait passer une Bible de Chine en Corée du Nord. Le soldat a été dénoncé à l’escadron du Commandement de la sécurité des frontières, puis envoyé dans un camp de prisonniers politiques avec les autres membres de sa famille.

Selon le rapport, les chrétiens qui se sont rendus en Chine et sont entrés en contact avec des églises ou des pratiques religieuses locales sont souvent arrêtés sur la base de détails fournis par des informateurs du ministère coréen de la Sécurité d’État et du ministère chinois de la Sécurité publique.

Les chrétiens ont également révélé aux enquêteurs comment le ministère chinois de la Sécurité publique marque les documents de refoulement « d’un tampon noir », ce qui indique que la victime était impliquée dans la pratique du christianisme en Chine.

La persécution du Falun Gong

La Corée du Nord, comme sa voisine communiste la Chine, est également impliquée dans la répression du Falun Gong, une discipline spirituelle fondée sur le principe d’Authenticité, Bienveillance, Tolérance.

Alors que cette méthode de méditation pacifique s’est épanouie outre-mer, avec plus de 100 millions de personnes dans le monde pratiquant ouvertement ses cinq exercices doux, le régime communiste chinois persécute ses pratiquants depuis juillet 1999. À ce jour, au cours de ces 21 années de persécution, des dizaines de milliers de pratiquants ont été détenus, torturés et tués.

Des pratiquants de Falun Gong faisant la cinquième série d’exercices à Central Park à Manhattan, le 10 mai 2014. (Dai Bing/The Epoch Times)

En 2019, Radio Free Asia a rapporté que les autorités de Pyongyang, en Corée du Nord, ont commencé la suppression du Falun Gong après avoir remarqué une augmentation du nombre de personnes le pratiquant.

« Les autorités judiciaires sont en difficulté parce que la propagation du Falun Gong parmi les citoyens de Pyongyang a bondi au-delà de leurs attentes », a déclaré une source à Radio Free Asia, ajoutant que la police a publié des proclamations ordonnant aux citoyens qui pratiquent le Falun Gong de se présenter volontairement aux autorités sous peine de « sanctions sévères » s’ils sont pris plus tard.

Cependant, au lieu de dissuader les gens de pratiquer le Falun Gong, la suppression a éveillé la curiosité des gens, car davantage de personnes se sont intéressées à cette pratique, qui s’est même étendue aux « hauts fonctionnaires du gouvernement et à leurs familles ».

« Après la proclamation de l’État et la répression subséquente, les gens sont soudainement très intéressés par le Falun Gong, qui s’était déjà répandu de façon clandestine au sein de la société [de Pyongyang] », a déclaré la source à Radio Free Asia.

Le rapport indique également que 100 pratiquants de Falun Gong ont été arrêtés dans la ville lors de la première vague de répression et que beaucoup de ceux qui sont arrêtés sont « condamnés aux travaux forcés ou aux travaux correctionnels en fonction de la gravité de leurs crimes ».

Une autre source a comparé la suppression du Falun Gong par la Corée du Nord à « une guerre contre la religion », a rapporté Radio Free Asia.

« Le Comité central [du Parti des travailleurs coréens] dit que le christianisme est comme de l’opium ou de la drogue et a durement sanctionné [les chrétiens]. Maintenant que le Falun Gong est là, les gens regardent de près pour voir comment les autorités vont réagir », selon la deuxième source.

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