Le président brésilien Lula et le président chinois Xi renforcent le bloc anti-occidental censé évincer les États-Unis

Par Autumn Spredemann
18 avril 2023 08:22 Mis à jour: 18 avril 2023 08:22

Alors que la visite en Chine du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, qui a débuté le 12 avril, fait grand bruit, les dirigeants des deux pays ont signé plus de 20 nouveaux accords bilatéraux.

En apparence, il s’agissait d’une visite diplomatique tout à fait banale. Toutefois, certains estiment que ce déplacement souligne que les relations avec les États-Unis sont devenues de moins en moins prioritaires.

La Chine est le premier partenaire commercial du Brésil. Les deux pays sont des membres clés du bloc commercial connu sous le nom de BRICS. Cette alliance inclut également la Russie, l’Inde et l’Afrique du Sud. Les membres de ce bloc commercial souhaitent supplanter le dollar américain sur le plan commercial et en tant que monnaie de réserve mondiale.

Depuis le retour du socialiste Lula à la tête du Brésil, les fonctionnaires et les analystes américains s’inquiètent du changement de politique de ce pays d’Amérique du Sud favorable à Pékin et à d’autres régimes autoritaires.

Tout a commencé avec l’accueil réservé par Lula aux navires de guerre iraniens le 26 février. Le 29 mars, le Brésil a annoncé qu’il allait utiliser le yuan chinois et non le dollar américain dans ses transactions commerciales.

Lors d’une audition tenue le mois dernier par la commission sénatoriale des affaires étrangères, le sénateur James Risch (Parti républicain – Idaho) s’est alarmé de la coopération du Brésil avec ce qu’il a qualifié d’« influences étrangères malveillantes », notamment la Chine.

Brian Nichols, secrétaire d’État adjoint aux affaires de l’hémisphère occidental au sein du département d’État américain, a déclaré lors de la même audition qu’il était « absolument préoccupé » par les investissements massifs déployés par la Chine.

L’accord Brésil-Chine prévoit notamment l’utilisation de la Nouvelle banque de développement (NDB), soutenue par Pékin, comme mécanisme de compensation du yuan. L’objectif est d’accroître le volume et la puissance du yuan chinois sur le continent américain.

Lors de son séjour à Shanghai, Lula a supervisé l’investiture de Dilma Rousseff, son ancienne cheffe de cabinet et combattante de la guérilla marxiste des années 1960, à la tête de la NDB. Mme Rousseff a succédé à Lula à la tête du Brésil en 2011, pour être destituée par le Congrès en 2016 pour mauvaise gestion budgétaire.

L’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, s’entretient avec Dilma Rousseff, ex-présidente du Brésil, lors de sa prestation de serment en tant que nouveau chef de cabinet au palais du Planalto, le 17 mars 2016, à Brasilia, au Brésil. (Igo Estrela/Getty Images)

La NDB a été créée sous la présidence de Mme Rousseff, de sorte que sa nomination à la tête de la NDB le 13 avril fait figure de véritable cerise sur le gâteau pour des décisions politiques qui ont laissé les responsables occidentaux pantois au cours des derniers mois.

Selon les analystes, le fait que le Brésil s’éloigne du dollar américain et courtise des régimes autoritaires démontre que les BRICS, et en particulier la Chine, sont prioritaires au détriment des relations avec les États-Unis.

Graver dans le marbre

Certains Brésiliens affirment que le renforcement des liens entre Lula et la Chine et la mise en avant des BRICS étaient attendus depuis longtemps.

« Ils [les BRICS] veulent mettre fin à la suprématie des États-Unis dans le monde », a déclaré Ernesto Araújo, ancien ministre brésilien des affaires étrangères, à Epoch Times.

D’après M. Araújo, Lula cherchait à renforcer ses liens avec les gouvernements anti-américains bien avant son retour au pouvoir qui a eu lieu au mois de janvier.

Mais M. Araújo ne s’en étonne pas. Lula est l’un des membres fondateurs de l’UNASUR, un bloc commercial sud-américain créé en 2008 avec l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez. À l’époque, M. Chavez avait déclaré que l’UNASUR devait permettre de supplanter l’influence des États-Unis dans la région.

M. Araújo a fait remarquer que lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères sous la présidence de M. Jair Bolsonaro, l’agenda des BRICS avait été relégué au second plan. Cependant, sous Lula, la Chine et les BRICS ont été propulsés au sommet de la liste des priorités politiques brésiliennes.

« Il est maintenant clair que Lula veut s’engager à fond dans les BRICS », a ajouté M. Araújo.

Lors de la visite de Lula, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié le 14 avril un communiqué de presse stipulant que le dirigeant chinois Xi Jinping considérait la Chine et le Brésil comme les « deux plus grands pays émergents et en voie de développement des hémisphères oriental et occidental ».

Le document ajoute que les deux pays ont « des intérêts communs considérables ».

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (à gauche) s’entretient avec l’ambassadeur de la Chine au Brésil Zhu Qingqiao au Palacio do Planalto à Brasilia le 3 février 2023. (SERGIO LIMA/AFP via Getty Images)

Pour certains analystes de la sécurité, c’est là que réside le danger pour les États-Unis.

« Le Brésil entretient déjà des relations de longue date avec la Chine, mais le tournant qu’il prend aujourd’hui est particulièrement précaire », a déclaré Irina Tsukerman, analyste de la sécurité régionale et fondatrice de Scarab Rising, à Epoch Times.

Mme Tsukerman a fait remarquer que la Chine, en investissant des sommes considérables dans l’économie brésilienne, a acheté sa loyauté, ce qui rend l’influence anti-occidentale de Pékin difficile à contrecarrer.

« Le Brésil, comme le Venezuela, est sur le point de devenir un centre de coordination pour les réseaux puissants de toute l’Amérique latine. Réseaux de renseignement, cartels de la drogue, assistance à la Chine dans ses opérations de trafic de fentanyl… et influence politique favorable aux intérêts de Pékin et préoccupante pour les intérêts en matière de sécurité des États-Unis », a-t-elle déclaré.

Sanctions plus légères

Parmi les conséquences potentielles pour la sécurité des États-Unis, on peut citer la menace qu’un dollar plus faible fait peser sur la force de leurs sanctions.

Les États-Unis ont pris de lourdes sanctions à l’encontre de la Russie qui continue de mener une opération contre l’Ukraine. Parallèlement, les pays touchés par les retombées économiques du conflit entre la Russie et l’Ukraine tentent de trouver une alternative à la diminution des réserves de billets verts. C’est notamment le cas de pays d’Amérique latine comme le Brésil et l’Argentine.

Il en résulte une volonté générale d’abandonner le dollar et de construire l’infrastructure d’une nouvelle monnaie de réserve mondiale. Cet objectif figure en tête de la liste des objectifs poursuivis par les BRICS.

À une échelle suffisamment grande, la « dédollarisation » affaiblira le pouvoir des sanctions américaines à l’étranger, réduisant ainsi l’une des armes non militaires les plus puissantes dont disposent les États-Unis.

Près de la moitié du commerce mondial se fait en dollars. Les billets verts représentent également 60% des réserves totales de devises étrangères.

Mais lorsque l’inflation des matières premières a paralysé les pays en 2022, le débat sur les monnaies alternatives a été relancé.

Billets de banque en livres égyptiennes, livres sterling et dollars américains le 25 août 2022. (Khaled DESOUKI/AFP via Getty Images)

« Si le yuan en tant que monnaie d’échange dans un avenir immédiat ne remplacera pas totalement le dollar américain en Amérique latine, le fait même de l’adopter (…) crée un risque d’affaiblissement de l’influence financière des États-Unis et facilite le contournement des sanctions. Non seulement pour la Chine et la Russie, mais aussi pour tous leurs alliés régionaux », a déclaré Mme Tsukerman.

Par ailleurs, M. Nichols estime que l’administration du président américain Joe Biden entend démontrer que les États-Unis restent le pays avec lequel il est préférable d’aligner ses opportunités et son avenir.

« Nous constatons partout ailleurs dans le monde que les promesses faites par la RPC [République populaire de Chine] quant à la qualité de ses investissements, quant à la dette qui y est associée, sont fausses », a ajouté M. Nichols.

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