Le problème des déchets liés à l’énergie verte trop souvent oublié

Où finissent les montagnes de panneaux solaires et de pales d'éoliennes usagés?

Par Autumn Spredemann
7 janvier 2024 04:59 Mis à jour: 8 janvier 2024 06:59

La quantité de déchets générés par les panneaux solaires et les pales d’éoliennes se mesure déjà en plusieurs millions de tonnes, alors que l’industrie de l’énergie solaire n’en est encore qu’à ses débuts.

Presque tous les panneaux solaires usagés finissent dans des décharges, et nombre de panneaux de première et de deuxième génération ont déjà atteint leur limite d’utilisation, bien avant leur durée de vie prévue de 30 ans.

Selon une étude publiée dans Science Direct, il faudra trouver une solution pour les quelques 9,8 millions de tonnes de panneaux morts entre 2030 et 2060.

La mise en décharge d’un panneau solaire coûte actuellement environ 1 à 2 euros. Mais pour le recycler son coût grimpe à 20 ou 30 euros, selon une estimation rapportée par PV Magazine.

Les pièces des éoliennes posent un problème similaire : par exemple, aux États-Unis, des milliers de pales se sont déjà dans des décharges et sont abandonnées dans les champs au Texas, dans le Wyoming, dans le Dakota du Sud et dans l’Iowa.

Car se débarrasser d’une pale d’éolienne n’est pas une mince affaire. Selon le ministère de l’énergie, leur longueur peut dépasser les 60 mètres, soit l’envergure d’un Boeing 747. Quant aux pales des plates-formes éoliennes en mer, elles sont encore plus grandes.

Actuellement, environ 7000 pales sont mises au rebut chaque année rien qu’aux États-Unis, selon David Morgan, responsable de la stratégie de Carbon Rivers, un centre de recyclage de matériaux de pointe basé dans le Tennessee.

De tous les déchets de fibre de verre que son centre reçoit, ce sont les pales d’éoliennes qui posent le plus de problèmes, explique M. Morgan.

« Il s’agit d’un matériau très résistant et robuste. Elles sont grandes et encombrantes », a-t-il déclaré à Epoch Times.

Sur le site web de Carbon Rivers on peut lire que « les grandes pales d’éoliennes, les caravanes, les coques de bateaux et d’autres déchets peuvent être transformés en fibres de verre propres et de haute qualité qui peuvent être économiquement réincorporées dans votre prochaine voiture, votre prochain bateau ou votre prochaine pale d’éolienne ».

Les vidéos de cimetières d’éoliennes sont devenues virales sur internet, et l’industrie éolienne accepte davantage de discuter des solutions de fin de vie, selon M. Morgan, mais elle n’est pas encore prête pour une « économie circulaire composite ».

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Sur une vue aérienne, des pales d’éoliennes abandonnées à côté du cimetière de Sweetwater à Sweetwater, au Texas, le 4 octobre 2023. (Brandon Bell/Getty Images)

Lorsqu’il s’agit de trouver des solutions véritablement « vertes », le principe d’ « économie circulaire » est essentiel, explique M. Morgan, en référence à la réutilisation, la réparation ou la régénération des matériaux.

Selon lui, les déchets renouvelables ne sont pas seulement un problème d’infrastructure, il y a aussi des lacunes dans la législation.

« À l’heure actuelle, les pales d’éoliennes peuvent en grande partie être mises en décharge. Cela varie d’un État à l’autre. »

Certaines entreprises qui soutiennent l’énergie éolienne – en particulier celles qui sont liées à des géants des combustibles fossiles tels que Shell Global et General Electric – peinent à convaincre en termes d’engagement et de durabilité.

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), sous l’ancien président Donald Trump, avait à son époque identifié les problèmes et la menace que représentent l’augmentation des déchets liés à l’énergie renouvelable.

« Sans stratégie de gestion de leur fin de vie, les technologies dites vertes comme les panneaux solaires, les batteries de véhicules électriques et les éoliennes finiront par faire peser sur notre planète et notre économie les mêmes fardeaux involontaires que les produits de base traditionnels », a déclaré l’ancien administrateur de l’EPA, Andrew Wheeler.

Un secteur en pleine expansion

Aux États-Unis, à mesure que le secteur des énergies renouvelables se développe, en grande partie grâce aux subventions massives accordées par l’administration Biden, les déchets, eux-aussi, se multiplient.

La capacité de production d’énergie solaire devrait augmenter de plus de 38 % aux États-Unis en 2024, selon un rapport publié le 12 décembre par l’Energy Information Administration (EIA), une agence gouvernementale américaine. La capacité de production d’énergie éolienne devrait augmenter de 4,4 %.

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Des débris de panneaux solaires sont éparpillés dans une ferme solaire à la suite de l’ouragan Maria à Humacao, Porto Rico, le 2 octobre 2017. (Ricardo Arduengo/AFP via Getty Images)

Malgré cet déploiement notable des systèmes d’énergie renouvelable, la production électrique américaine en 2022 provenait principalement (environ 60 %) de combustibles fossiles – charbon, gaz naturel, pétrole et autres gaz, selon l’EIA, alors que les sources d’énergie renouvelables ne représentaient qu’environ 21 % de l’électricité produite. Une fraction supplémentaire provenait de systèmes solaires individuels.

À juste titre, certaines organisations de protection de l’environnement tirent la sonnette d’alarme.

« Si le solaire et le nucléaire produisent au cours des 25 prochaines années la même quantité d’électricité que celle produite par le nucléaire en 2016, et que les déchets sont empilés sur des terrains de football, les déchets nucléaires atteindraient la hauteur de la tour de Pise », affirme l’organisation californienne Environmental Progress.

« Quant aux déchets solaires, ils atteindraient la hauteur de deux monts Everest ».

Le nombre de pales d’éoliennes mises hors service rien qu’aux États-Unis devrait atteindre 9000 par an au cours des cinq prochaines années, selon une analyse de 2022 publiée par Chemical and Engineering News.

M. Morgan explique que pour l’instant, il parvient à suivre le rythme des déchets entrants et que l’entreprise est en train d’intensifier ses activités, notamment en construisant une installation de grande envergure au Texas. Carbon Rivers a également élargi son champ d’action à tout ce qui est « à base de composites », y compris la fibre de verre et même les pièces aérospatiales.

Déchets électroniques

Un autre type de déchets se développe à un rythme exponentiel : les déchets électroniques, communément appelés « e-déchets ». Il s’agit du type de déchets solides connaissant la croissance la plus rapide au monde et comprenant des éléments dits renouvelables tels que les panneaux solaires et les batteries de véhicules électriques (VE). Mais seule une petite partie de ces déchets est recyclée.

Une analyse de 2019 publiée cette année a montré que sur les 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques produits dans le monde, à peine 17 % étaient recyclés.

« Les gens pensent que le plastique est le pire des déchets […], mais les déchets électroniques ont pris une ampleur considérable », dit Paul Williams, vice-président de la communication pour l’entreprise de recyclage ERI, à Epoch Times.

Il explique qu’ERI se spécialise dans la décomposition et le recyclage de toutes sortes de déchets électroniques et qu’elle maintient un niveau de destruction des données « qualité militaire » lorsqu’il s’agit d’électronique.

La protection de la vie privée est une préoccupation majeure dans le cas des déchets électroniques.

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Un homme passe devant une casse automobile sur le front de mer dans le quartier de Sunset Park à Brooklyn, à New York, le 4 octobre 2016. (Spencer Platt/Getty Images)

« Il ne s’agit pas seulement d’une question environnementale, ni d’une question du droit des individus, mais aussi d’une question de cybersécurité. Beaucoup de technologies contiennent aujourd’hui des données privées », dit-il.

Au début de l’élimination des déchets électroniques, certaines entreprises étaient négligentes et traitaient les déchets électroniques d’une manière qui laissait la porte grande ouverte au vol de données.

« Nous avons découvert que des personnes peu scrupuleuses expédiaient ces déchets dans les pays en développement, ce qui posait un énorme problème de protection de la vie privée en raison des données qu’ils contenaient », dit-il.

La même attention doit être portée à la sécurité des données présentes dans les véhicules électriques, via leur ordinateurs embarqués.

« Le cas des voitures est particulièrement effrayant, car le type de données qui y sont saisies est très personnel. Elles connaissent vos itinéraires, le poids et la taille des personnes assises sur les sièges de la voiture », dit-il. « C’est assez effrayant quand on y pense ».

Même si ERI ne voit pas encore beaucoup de panneaux solaires ou de déchets de batteries liés aux VE, M. Williams explique que les entreprises de recyclage sont prêtes à les recevoir.

« Ils finiront par venir chez nous. Nous ne refusons aucun déchet électronique ».

Selon lui, de grands progrès ont été réalisés au cours des deux dernières décennies en ce qui concerne l’élimination des déchets électroniques par le public.

Au début des années 2000, lorsque ERI a commencé à fonctionner, M. Williams raconte que tout le monde avait « de vieilles télévisions dans son garage ou son grenier. Les gens ne savaient pas quoi en faire ».

Il en va de même pour les jeunes générations et leurs portables qui arrivent en fin de vie. Mais selon lui, les attitudes ont changé au cours des 10 à 15 dernières années, et cela est dû en grande partie aux problèmes de sécurité des données que posent les déchets électroniques.

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Un panneau présente des articles recyclables dans un point de dépôt de déchets électroniques à l’intérieur d’un magasin dans l’Illinois, le 29 septembre 2005. (Tim Boyle/Getty Images)

M. Williams n’est pas pour autant découragé par l’afflux de panneaux solaires et de composants de véhicules électriques.

« Même avec les batteries lithium-ion et les panneaux solaires, nous ne sommes pas à la fin des innovations. Nous savons qu’il y aura quelque chose de nouveau à un moment donné ».

Selon lui, la question de la transparence pose problème car des entreprises prétendent recycler les déchets électroniques et annoncent des solutions écologiques alors qu’elles déversent leurs déchets électroniques dans des décharges sans rien dire à personne.

« La chose la plus importante est la transparence. Lorsque ERI a démarré, nous avons installé des caméras dans nos entrepôts. Rien ne va à la décharge si nous y faisons attention », dit-il.

Effet domino

Le recyclage des panneaux solaires en fin de vie, des batteries de véhicules électriques et des pièces d’éoliennes sont les éléments majeurs du problème des déchets. Pourtant, les infrastructures de soutien sont également touchées par l’augmentation de la production d’énergie alternative.

Au premier rang de celles-ci figurent les transformateurs électriques, qui de l’avis des professionnels du secteur font l’objet d’une demande exponentielle, qu’il s’agisse d’unités neuves ou reconditionnées.

L’attente pour un nouveau transformateur est de plusieurs mois, voire d’un an, explique Clayton Saunderson, directeur des stocks et des achats chez Maddox Industrial Transformers, une entreprise qui reconditionne les transformateurs.

Le reconditionnement et le retour des unités existantes des fermes solaires sont devenus une partie intégrante de l’activité de Maddox, explique M. Saunderson à Epoch Times.

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Un employé de Fortech présente des métaux recyclés à partir de batteries de voitures électriques à Cartago, au Costa Rica, le 20 février 2023. (Ezequiel Becerra/AFP via Getty Images)

« Nous achetons auprès d’à peu près tout le monde. La demande est énorme », dit-il.

À l’heure actuelle, la demande de transformateurs dépasse l’offre, y compris dans le secteur des énergies renouvelables, dit-il.

« Peu importe le segment dans lequel vous vous trouvez. Il est très difficile d’obtenir un transformateur rapidement… Si vous avez un projet existant et que vous avez une panne, bien souvent vous ne pouvez pas vous permettre d’attendre 50 semaines », dit-il.

Chez Maddox, le délai pour obtenir un transformateur reconditionné est d’une à quatre semaines.

Selon lui, les fermes d’énergie renouvelable ont tendance à faire fonctionner leurs transformateurs « à fond », ce qui accélère leur usure.

La remise à neuf d’un transformateur existant est l’option la plus rapide, mais le recyclage est un processus plus long et plus intensif, qui nécessite plus de logistique pour être réintroduit dans l’économie circulaire.

« Nous sommes en mesure de prendre un produit [et] de lui redonner vie pour éviter qu’il ne soit désassemblé ou envoyé dans un centre de recyclage ».

Toutefois, la demande de l’industrie des véhicules électriques met les ressources à rude épreuve.

« Dans le segment des VE, il y a une bataille pour les chargeurs de VE », dit M. Saunderson, ajoutant que cette concurrence supplémentaire pour les transformateurs nécessaires à l’alimentation des stations de charge des VE freine la capacité à anticiper les pénuries.

« Il sera de plus en plus difficile de mettre des produits en rayon », dit-il. « Nous assistons à une croissance phénoménale. Elle est n’a jamais été aussi élevée. »

Matériaux dangereux

Les nouvelles technologies de batteries, en particulier les lithium-ions qui alimentent les VE, posent de nouveaux défis et introduisent des produits chimiques toxiques dans le secteur du recyclage.

« Des éléments comme le nickel sont cancérigènes. Il ne faut pas que cela finisse dans une décharge », explique Marcus Randolph, PDG du recycleur de batteries Ecobat, à Epoch Times.

Du point de vue de la gestion des déchets, le traitement des batteries de véhicules électriques présente un avantage, selon lui. Malgré la composition complexe des batteries de VE, il pense que le recyclage sera le « grand gagnant » à long terme en raison de la pénurie d’éléments clés, tels que le cobalt, utilisés dans leur construction.

Selon lui, la valeur des minéraux récupérés sous forme de « masse noire » dans les batteries hors d’usage est bien trop importante pour qu’on se contente de les mettre en décharge.

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La « masse noire » contenant des minéraux rares est obtenue par le broyage de batteries usagées à l’usine de recyclage de batteries Lithion à Montréal (Québec), le 17 janvier 2023. (Mathiew Leiser/AFP via Getty Images)

C’est aussi incroyablement dangereux.

« Nous ne pouvons pas continuer à jeter des matières dangereuses dans les décharges. Et c’est un ingénieur des mines qui vous parle », dit M. Randolph.

Mais cela ne veut pas dire que les batteries des véhicules électriques sont moins difficiles à décomposer.

« Avec du recul, nous nous sommes rendu compte que les batteries au lithium représentaient à la fois notre plus grande menace et notre plus grande opportunité », dit-il, ajoutant que les batteries au lithium étaient « beaucoup plus complexes ».

En outre, elles peuvent déclencher des incendies impossibles à éteindre par les méthodes traditionnelles. Selon M. Randolph, comme l’oxygène ne fait pas partie de l’équation de combustion des piles au lithium, l’eau et certaines méthodes d’extinction conventionnelles ne fonctionnent pas.

Cette situation devient particulièrement dangereuse lorsque plusieurs cellules d’une batterie compromise s’enflamment, créant ce que l’on appelle un « emballement thermique ».

Tim Rostkowski, chef du bureau des pompiers du comté de Baltimore, a expliqué à une chaîne de télévision locale que lorsque les batteries lithium-ion entrent en emballement thermique, « elles génèrent leur propre chaleur et celle-ci se propage, c’est-à-dire qu’elle se déplace d’une cellule à l’autre. Ces batteries peuvent atteindre plus de 1000 degrés. »

« Si nous ne les refroidissons pas assez vite et pendant une période assez longue, elles produiront de la chaleur et s’enflammeront à nouveau. »

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Des pompiers travaillent à l’extérieur d’un bâtiment dans le quartier chinois après que quatre personnes ont été tuées par un incendie causé par une batterie dans un atelier de réparation de vélos électriques à New York, le 30 juin 2023. (Spencer Platt/Getty Images)

Si le phénomène est rare, il n’en demeure pas moins qu’il se produit parfois.

M. Randolph explique qu’Ecobat utilise des conteneurs spéciaux pour stocker et transporter les composants anciens ou endommagés des véhicules électriques. Cela est d’autant plus important que la logistique du transport des batteries de VE est un défi en soi.

« Si vos batteries sont vieilles, vous risquez d’avoir des difficultés à les acheminer jusqu’à l’usine », explique-t-il.

Ecobat a commencé par recycler des batteries au plomb, dont 98 % des composants essentiels peuvent être recyclés. Mais le recyclage des batteries lithium-ion est loin derrière.

« Les gens se battent pour atteindre 65 % des composants critiques extraits et recyclés, déclare M. Randolph.

Selon lui, Ecobat traite actuellement environ 30.000 tonnes par an.

« Trois usines produisent chacune 10.000 tonnes par an. Et l’entreprise se prépare à traiter une montagne de plus en plus grande à mesure que les VE se généralisent. »

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