L’économie chinoise reste un mauvais pari

Après avoir causé la plupart des problèmes économiques que connaît aujourd'hui la Chine, les récents efforts de Pékin pour relancer l'économie, dont les récentes baisses de taux d'intérêt, sont trop faibles et trop tardifs.

Par Milton Ezrati
5 septembre 2023 07:08 Mis à jour: 5 septembre 2023 07:08

Pour la deuxième fois en seulement deux mois, la Banque populaire de Chine (BPC) a réduit ses taux d’intérêt. Il est clair que les autorités de Pékin souhaitent que la Chine retrouve son élan économique. Mais cette décision n’est guère plus qu’un simple geste.

Les réductions sont trop faibles pour avoir un effet appréciable sur l’activité économique. Même si elles avaient été beaucoup plus audacieuses, l’action monétaire n’est pas ce dont la Chine a besoin. L’économie chinoise attend plutôt des remèdes aux erreurs politiques commises au cours des trois dernières années, voire plus, erreurs qui ont détruit la confiance des ménages chinois et des entreprises privées, grandes et petites. Il est donc regrettable que Pékin ne semble même pas savoir ce qu’il faut faire et que, même s’il le savait, il soit incapable de prendre les mesures nécessaires.

La prise de conscience partielle par Pékin des besoins de l’économie semble avoir commencé en janvier dernier, lorsque les autorités ont enfin renoncé aux mesures sévères qu’elles avaient adoptées dans le cadre de l’initiative « Zéro Covid ». Pendant une courte période au début de l’année, la Chine a semblé bien réagir, mais au printemps, la croissance a commencé à s’essouffler à nouveau. En réaction, les autorités ont mis en place un programme de dépenses d’infrastructure qui devrait s’étaler sur plusieurs mois. En outre, elles ont demandé à la BPC de réduire les taux d’intérêt en juin afin d’inciter les consommateurs à épargner moins et à dépenser plus, et d’encourager les entreprises privées à emprunter et à investir en vue d’une expansion. La banque a abaissé le taux préférentiel des prêts à un an et le taux à cinq ans de 0,10 point de pourcentage chacun, à 3,55% et 4,20%, respectivement. Cette mesure n’a pas eu d’effet sensible. En août, la BPC a pris des mesures plus timides encore en réduisant un seul taux pour ramener le taux préférentiel à 3,45%.

Dans le meilleur des cas, des baisses de taux aussi modestes pourraient difficilement stimuler une nouvelle croissance ; les circonstances actuelles sont loin d’être idéales. En juillet, la Chine a en effet enregistré une modeste déflation annuelle de 0,3%. Un emprunteur paie alors 3,45% pour un prêt d’un an et le rembourse avec des yuans dont le pouvoir d’achat a augmenté de 0,3%. Le taux d’emprunt réel s’élève alors à 3,75%, ce qui n’incite guère à emprunter, que ce soit pour soutenir la consommation ou pour développer une activité commerciale.

Même si la BPC avait agi de manière plus agressive, il est difficile de savoir si l’économie chinoise aurait réagi. Une grande partie de l’économie privée – ménages et entreprises – souffre d’une grave crise de confiance qui les empêche tous de prendre des risques ou de se développer de quelque manière que ce soit, et encore moins d’élaborer des plans d’investissement pour l’expansion de leurs activités. Ce problème est en partie dû aux contraintes imposées depuis des années par la politique zéro Covid de Pékin. Ses quarantaines et ses confinements, apparemment arbitraires mais néanmoins sévères, ont anéanti les plans de développement des entreprises et suscité un malaise quant à la possibilité de s’assurer un revenu régulier. Dans le même temps, l’effondrement du marché de l’immobilier résidentiel a fait baisser la valeur des biens immobiliers, qui constituent la quintessence de l’actif de la plupart des Chinois. Les prix de l’immobilier ont chuté pendant 16 mois consécutifs jusqu’en décembre dernier, et bien qu’ils aient semblé se stabiliser au début de l’année, ils ont recommencé à chuter au printemps.

Face à un tel fardeau, il faudra plus qu’une modeste baisse des taux d’intérêt pour inciter les citoyens et les chefs d’entreprise à se montrer plus audacieux en matière de dépenses et d’expansion. Mais l’économie chinoise n’est pas au bout de ses peines. Depuis 2021, le dirigeant chinois Xi Jinping – peut-être par conviction ou en réponse à la couverture flatteuse que lui accordent les médias occidentaux – a commencé à parler de la réappropriation des principes marxistes chinois. Il a affirmé que le passé moins marxiste de ses prédécesseurs immédiats avait été nécessaire pour rattraper le retard, mais maintenant que la Chine s’est établie, elle peut revenir à ces racines. Comme si cela ne suffisait pas à rendre les entrepreneurs privés méfiants, il les a accusés à l’époque de faire preuve de mauvaise foi en suivant les opportunités lucratives et non l’ordre du jour du Parti communiste.

Maintenant qu’il perçoit la nécessité de l’investissement et de l’expansion des entreprises privées, il a changé de discours, parlant des entreprises privées et des entrepreneurs chinois comme de « notre propre peuple ». Mais les ménages et les entreprises restent méfiants. Les ménages épargnent au lieu de dépenser et les entreprises privées ont réduit leurs dépenses d’investissement au cours de l’année écoulée.

Il est clair que Pékin doit faire plus. La BPC devrait procéder à des réductions plus substantielles des taux d’intérêt, et les responsables de Pékin, notamment Xi Jinping, doivent donner aux entreprises l’assurance que les autorités ne se retourneront pas contre elles par la suite. Il faudra s’engager pour permettre aux entreprises de suivre les opportunités commerciales qu’elles voient sur le marché, et non celles d’un plan centralisé élaboré à Pékin. Un tel changement nécessitera plus d’imagination que n’en ont jamais fait preuve les décideurs politiques de Pékin. En effet, ce changement semblerait aller à l’encontre de l’ADN de Pékin. En attendant, l’économie chinoise reste un mauvais pari.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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