L’effet domino de Taïwan

L'administration Biden envoie des messages contradictoires à Pékin et à Taipei, mais ne voit pas ce qui est vraiment en jeu

Par James Gorrie
1 février 2021 19:38 Mis à jour: 1 février 2021 19:38

Au cours de premiers jours de la présidence de Joe Biden, le régime chinois a violé l’espace aérien taïwanais un nombre record de fois en impliquant un nombre record de bombardiers et d’avions de chasse. Son intention est claire : intimider Taïwan et lui montrer qu’il est tout seul face à la Chine. La chute de Hong Kong aux mains du régime communiste chinois, il y a à peine un an, sert de base pour les tactiques d’intimidation actuelles de Pékin.

Est-ce que les États-Unis vont réagir ?

Si le Parti communiste chinois (PCC) craint que le président américain Joe Biden poursuive la politique de l’administration Trump qui s’opposait fermement à l’expansion chinoise en général et à l’intimidation de Taïwan par Pékin en particulier, il a une drôle de façon de le montrer.

Si l’administration Biden avait l’intention de faire pression sur la Chine pour qu’elle maintienne le statu quo par rapport à Taïwan, ce serait le moment de le faire.

C’est vrai que le porte-avions américain Theodore Roosevelt et son groupe aéronaval sont dans la mer de Chine méridionale pour y assurer la liberté de navigation. Cependant, le fait de la présence de la force aéronavale américaine dans cette zone ne signifie pas que ce seul fait pourrait restreindre les plans agressifs de l’État-parti chinois. La marine américaine est présente dans de nombreux océans. En fin de compte, c’est la politique et la volonté de mener à bien cette politique qui déterminent l’effet d’une puissance militaire, et non la puissance militaire telle quelle.

Les États-Unis peuvent continuer à armer Taïwan, mais cela ne sera pas suffisant pour modifier fortement l’équilibre du pouvoir entre la Chine et Taïwan. L’armement de Taïwan représente une nuisance pour la Chine communiste, mais cela ne changera pas sa stratégie.

Ce qui est d’une importance cruciale, c’est qu’au moment d’écrire ces lignes il n’y a pas eu de rejet officiel par les États-Unis du comportement du régime chinois. Cela envoie un mauvais message à la Chine et aux autres adversaires de l’Amérique et de l’Occident en général.

On ne peut qu’espérer que l’administration Biden ne souhaite pas que la Chine accélère la réalisation de ses plans envers la petite nation insulaire – ceci afin d’éviter une remise en cause politiquement gênante de la puissance américaine dans la région ainsi que de la fermeté du nouveau président américain.

La faiblesse accélère l’instabilité

Cependant, c’est juste le contraire qui risque de se produire. Le silence et la faiblesse de Biden sont pratiquement en train d’encourager une telle accélération.

La Chine a déjà protesté contre la présence des États-Unis dans la région Asie-Pacifique, affirmant que leur présence aéronavale la déstabilise. Il s’agit bien sûr d’une fausse affirmation. La forte présence militaire et commerciale américaine a assuré la stabilité et le statu quo maintenu dans cette région depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Déstabiliser la région Asie-Pacifique est exactement ce que cherche le PCC, surtout en ce qui concerne Taïwan. Bien sûr, le Parti préférerait une victoire « propre » et sans effusion de sang sur la « province renégate » qui l’a miné depuis son arrivée au pouvoir en Chine. Sinon, le PCC se rend bien compte que même avec des avions, des chars, des missiles et d’autres armes achetés en Amérique, mais sans un soutien direct des États-Unis, Taïwan serait incapable d’empêcher son inévitable défaite en cas d’une invasion militaire de la Chine.

Un réalignement stratégique en Asie-Pacifique ?

D’un point de vue stratégique, le PCC cherche à changer fondamentalement le statu quo en sapant la puissance et l’influence des États-Unis et d’autres pays occidentaux dans la région Asie-Pacifique et dans le monde entier. Par la suite, il envisage un réalignement stratégique orienté vers Pékin.

De ce point de vue, il semble probable que Pékin est en train de préparer le terrain politique et stratégique pour la prochaine phase de ses plans qui visent à instaurer sa « nouvelle ère » dans la région Asie-Pacifique. Cette ère a commencé avec la militarisation par le régime chinois de la mer de Chine méridionale à l’époque de l’administration Obama. Elle a marqué un nouveau point en 2020 avec la destruction de la démocratie à Hong Kong sous le couvert d’une pandémie mondiale.

Il n’y a pas de doute que Taïwan est la prochaine cible de l’État-parti chinois.

Ce n’est pas non plus une simple spéculation. La « sécurisation » de Hong Kong et de Taïwan fait partie des plans officiels de sécurité à court terme du PCC. Il n’y a aucune raison de croire que le régime chinois va ralentir ses plans maintenant, alors que Donald Trump n’est plus au pouvoir.

En fait, avec tout ce qu’il peut gagner, le régime pourrait plutôt accélérer ses plans.

L’effet domino de Taïwan

La conquête de Taïwan aurait un impact bien plus important sur la région que la prise de contrôle de Hong Kong par le PCC. Non seulement la souveraineté, la liberté et la technologie avancée de Taïwan seraient perdues au profit de la Chine, mais la crédibilité de la défense assurée par les États-Unis en souffrirait dans toute la région, voire dans le monde entier.

Comment les Philippines, le Japon et la Corée du Sud, par exemple, considéreraient-ils les engagements de défense américains si l’on permettait à la Chine de dévorer Taïwan ?

La réponse est que la présence américaine dans la région serait considérée comme étant, au mieux, peu fiable. Le Japon et, peut-être, la Corée du Sud pourraient être enclins à développer leur propre force de dissuasion nucléaire pour contrer l’expansion de la Chine. Les Philippines, d’autre part, pourraient bien décider de se détourner de leur alliance traditionnelle avec les États-Unis et de tenter de conclure un accord avec le régime chinois.

Est-ce que l’Australie et la Nouvelle-Zélande envisageraient d’abaisser le niveau de leurs relations avec les États-Unis ? Ou essaieraient-elles, elles aussi, de faire leur propre affaire séparée avec la Chine ?

Tous ces scénarios sont certainement bien possibles. La domination régionale et stratégique de Pékin pourrait s’étendre assez rapidement, ainsi que son influence mondiale au détriment de l’Occident.

L’effet domino mondial ?

Les effets de ces possibles événements vont provoquer des ondes de choc bien au-delà de la région Asie-Pacifique.

En Europe, par exemple, les pays de l’OTAN pourraient à juste titre considérer comme non fiable l’engagement des États-Unis à les protéger contre l’agression russe. Sans une garantie de défense américaine crédible, la capacité de l’OTAN à agir de manière cohérente serait gravement compromise. Une nouvelle alliance européenne pourrait éventuellement être créée à sa place.

Au Moyen-Orient, en particulier par rapport à la Russie, l’Iran et la Syrie, est-ce que l’un de ces régimes craindrait des représailles de l’administration Biden pour des attaques contre Israël ou les intérêts américains et occidentaux dans la région ?

Pourquoi devraient-ils les craindre ? Biden faisait partie de l’administration molle d’Obama qui a encouragé l’intervention de la Russie en Syrie et a financé le terrorisme d’État iranien en débloquant ses fonds.

Est-ce que les récents traités de paix entre Israël et les nations islamiques resteront en vigueur ? Cela aussi est incertain.

On constate que sous l’administration Biden molle et favorable à la Chine, la position des États-Unis vis-à-vis de Taïwan est au mieux amorphe.

Est-ce que cette administration a une idée de l’importance de sa politique par rapport à Taïwan ?

Le régime chinois va certainement mettre l’Amérique et l’Occident tout entier à l’épreuve à ce sujet.

Peut-être qu’il est déjà en train de le faire.

James Gorrie est un écrivain et un conférencier basé en Californie du Sud. Il est l’auteur de The China Crisis.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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