Opinion
Les chèvres et les moutons : des alliés oubliés contre les incendies de forêt ?

Moutons sur une colline à Aussois, en France, le 13 juin 2025.
Photo: DANIEL PERRON/Hans Lucas/AFP via Getty Images
En août 2025, alors que les feux de forêt ravagent des régions entières du globe, de la Californie à la Méditerranée, une solution ancestrale refait surface : l’utilisation de chèvres et de moutons pour prévenir la prolifération des incendies.
Ces herbivores, avec leur appétit vorace pour les broussailles et les herbes sèches, pourraient réduire les combustibles qui alimentent les flammes dévastatrices.
Pourtant, malgré des preuves scientifiques et des succès locaux, des politiques écologistes ont souvent entravé cette pratique. Pourquoi ? Entre protection de la biodiversité et craintes d’effets néfastes, ce débat révèle les tensions au cœur de la gestion environnementale moderne.
Comment fonctionne le pâturage ciblé ?
Le pâturage ciblé consiste à déployer des troupeaux de chèvres et de moutons dans des zones à risque pour consommer la végétation inflammable. Les chèvres, en particulier, sont des « brouteurs » efficaces : elles se dressent sur leurs pattes arrière pour atteindre les branches hautes, éliminant ainsi les « échelles à combustible » qui permettent aux feux de passer du sol aux cimes des arbres. Les moutons, quant à eux, se concentrent sur les herbes basses, réduisant les combustibles fins qui propagent rapidement les flammes.
Selon une étude publiée dans la revue iForest en 2014, le pâturage modéré peut diminuer la quantité, la continuité et la hauteur des combustibles, tout en augmentant l’humidité du sol grâce au piétinement et aux déjections animales, qui agissent comme un engrais naturel. Cette méthode est non seulement écologique – sans herbicides ni machines polluantes – mais aussi économique.
En Californie, où les feux ont détruit des millions d’hectares ces dernières années, des troupeaux de chèvres sont devenus des « pompiers à quatre pattes ». Par exemple, dans le comté de Los Angeles, ces animaux ont été mobilisés en 2024 pour nettoyer les broussailles sèches et leur charge de combustible, réduisant ainsi le risque d’incendies explosifs. « Les chèvres mangent toute l’échelle à combustible, et elles sont les seules à pouvoir se dresser pour tout atteindre », explique un expert cité dans un rapport de Planet Forward.
Les avantages écologiques et économiques
Les bénéfices du pâturage ciblé sont multiples. D’abord, il réduit les risques d’incendies : une recherche de l’Université de Californie à Berkeley montre que le pâturage par des bovins – et par extension, ovins et caprins – diminue les charges de combustible, menant à des feux plus gérables. En Europe, des projets comme celui de Viseu-Dão-Lafões au Portugal combinent pâturage et feux contrôlés pour rendre les forêts plus résilientes au climat.
Écologiquement, cette pratique favorise la régénération des sols. Les animaux piétinent les débris, favorisant la croissance d’herbes natives et réduisant les espèces invasives. Dans le refuge faunique de San Diego, des chèvres ont été utilisées pour contrôler les plantes invasives tout en prévenant les feux, créant des espaces pour la repousse de cotonniers natifs. Économiquement, c’est rentable : un troupeau peut nettoyer un acre par jour, souvent à moindre coût que les méthodes mécaniques.
Des cas concrets abondent. En Espagne, des bergers ont été autorisés à faire paître leurs troupeaux en forêt pour prévenir les incendies, inversant une interdiction ancienne. Aux États-Unis, des villes comme La Cañada Flintridge ont enrôlé des chèvres et moutons en 2025 pour créer des espaces défensifs.
Les controverses : pourquoi les politiques écologistes ont-elles entravé cette pratique ?
Malgré ces avantages, des politiques écologistes ont souvent empêché ou limité le pâturage ciblé. La raison principale ? Des craintes liées à l’impact sur la biodiversité et les écosystèmes fragiles.
Dans les zones protégées, des réglementations comme la loi sur les espèces en danger (Endangered Species Act) aux États-Unis restreignent le pâturage pour protéger les habitats. Par exemple, en Californie, des groupes écologistes ont contesté des projets de pâturage craignant que les chèvres ne dévorent des plantes natives ou perturbent des espèces vulnérables.
En Europe, des politiques de conservation ont supprimé le pâturage dans les parcs nationaux, menant à une invasion d’arbustes qui accroît les risques d’incendies. Une recherche publiée dans Science en 2025 argue que ces suppressions de pâturage en zones protégées causent une perte de biodiversité et des feux plus intenses. Ironiquement, ces politiques, conçues pour protéger l’environnement, pourraient exacerber les problèmes qu’elles visent à résoudre.
Des cas spécifiques illustrent ces blocages. En Californie, une loi sur les heures supplémentaires pour les bergers a menacé l’industrie du pâturage en 2023, rendant la pratique trop coûteuse, bien que cela soit plus une politique sociale qu’écologiste.
Des voix plaident pour un équilibre
Les experts appellent à une gestion nuancée. « Le pâturage n’est pas une panacée, mais bien géré, il peut limiter les risques sans nuire à l’environnement », note un article du magazine Bay Nature. Des projets hybrides, comme ceux intégrant pâturage et feux prescrits, montrent la voie. En 2025, des sénateurs américains ont introduit un projet de loi pour promouvoir le pâturage sauvage comme outil de limitation.
Cependant, les inconvénients persistent : besoin de surveillance constante pour éviter le surpâturage, défis logistiques en terrains escarpés, et stigmatisation sociale envers les éleveurs. Une étude de 2021 dans le Journal of Applied Ecology conclut que les herbivores peuvent atténuer les dommages des feux, mais seulement avec une guidance appropriée.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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