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Les dirigeants juifs dénoncent la montée de l’antisémitisme en Espagne et en Amérique latine
Lors d'un forum à Madrid, des organisations juives ont dénoncé la montée sans précédent de la haine et ont réclamé des mesures urgentes pour protéger les communautés.

Des représentants des communautés juives d'Amérique latine se réunissent à Madrid du 20 au 22 octobre dans le cadre du Forum stratégique pour les dirigeants juifs latino-américains, organisé par l'Institut Billa du Comité juif américain (AJC) et la Fédération des communautés juives d'Espagne (FCJE).
Photo: Crédit photo FCJE
Les dirigeants des communautés juives d’Amérique latine se sont réunis la semaine dernière à Madrid pour dénoncer un phénomène qu’ils jugent alarmant : la montée sans précédent de l’antisémitisme dans la région, en particulier en Espagne.
Cet événement, qui s’est achevé le 22 octobre, a non seulement permis d’échanger des expériences, mais aussi de publier une lettre ouverte qui pointe le sujet sensible d’une haine qui, selon les participants, s’est répandue comme un virus dans les sphères politiques, culturelles et sociales.
Le Forum stratégique pour les dirigeants juifs ibéro-américains, organisé par l’Institut Belfer pour les affaires latino-américaines et latino-américaines de l’American Jewish Committee (AJC) et la Fédération des communautés juives d’Espagne (FCJE), a réuni des représentants de pays tels que l’Argentine, le Mexique, le Brésil et le Chili.
Du 20 au 22 octobre, en plein cœur de la capitale espagnole, ces dirigeants ont analysé les transitions politiques régionales et, surtout, les défis auxquels est confronté le judaïsme ibéro-américain dans un contexte marqué par le conflit au Moyen-Orient.
La lettre collective, publiée pendant le forum, exprime une profonde inquiétude face à la montée sans précédent de l’antisémitisme dans certains de nos pays depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque terroriste du Hamas contre Israël qui a fait plus de 1200 morts. Elle précise que cette recrudescence « s’accompagne d’une rhétorique enflammée, d’incitations à la haine, d’une stigmatisation de l’État d’Israël et d’un recours dangereux à la responsabilité collective ».
Une tendance à la hausse et mondiale

Main d’une jeune femme tenant une chaîne avec l’étoile de David. (Roman Yanushevsky/Shutterstock)
Cette déclaration n’est pas un cas isolé. Elle reflète une tendance mondiale documentée dans des rapports récents.
En Espagne, par exemple, l’Observatoire de l’antisémitisme — promu par la FCJE et le Mouvement contre l’intolérance — a enregistré 170 incidents antisémites en 2024, soit une augmentation de 183 % par rapport aux 60 incidents de l’année précédente et de 386 % par rapport aux 35 incidents de 2022.
« Cette augmentation est étroitement liée au conflit israélo-palestinien, en particulier après les attaques du Hamas contre la population israélienne le 7 octobre 2023 », soulignent les communautés juives dans le document, ajoutant :
„« Cela a donné lieu à un climat de rejet des Juifs et à un discours antisémite dans de nombreux domaines : politique, éducatif, culturel, médiatique, sportif et sur les réseaux sociaux ».
Le rapport de l’université de Tel Aviv, publié en avril de cette année, confirme cette escalade, qu’il attribue en grande partie au conflit israélo-palestinien.
« Au cours des deux dernières années, un discours profondément stigmatisant à l’égard d’Israël s’est répandu, entraînant une augmentation significative de l’antisémitisme dans ce pays », souligne la lettre ouverte signée il y a quelques jours à Madrid sur la situation en Espagne.
Ce climat d’hostilité, affirment les dirigeants juifs, « n’est pas le fait d’un seul secteur, mais s’est étendu à tous les domaines — politique, culturel, éducatif, sportif et social — alimentant des préjugés ancestraux et générant un climat de stigmatisation et de peur parmi les citoyens juifs ».
Faits inquiétants en Amérique latine
En Amérique latine, les chiffres sont tout aussi préoccupants.
En Argentine, la Délégation des associations israélites argentines (DAIA) a recensé 679 incidents en 2024, contre 598 en 2023.
Au Brésil, des cas ont été signalés, comme l’appel au boycott des « entreprises juives » lancé par un politicien de São Paulo, membre du Parti des travailleurs.
Le Mexique, quant à lui, a connu une légère baisse, mais les tensions persistent dans des communautés telles que celle de Mexico, où le Comité central de la communauté juive a lancé des campagnes contre le BDS (boycott, désinvestissement et sanctions).
Mesures urgentes
Cette montée de l’antisémitisme représente non seulement une menace pour la sécurité des Juifs, mais aussi un recul des valeurs démocratiques que l’Espagne et ses voisins ibéro-américains cultivent depuis des décennies.
En effet, le forum a salué les progrès historiques enregistrés ces dernières années. La lettre salue les « gestes significatifs de rapprochement, d’amitié et de réconciliation avec le peuple juif au fil des décennies » dans les pays latino-américains.
Il salue également le soutien apporté par de nombreux pays de la région au plan de paix américain, approuvé par les pays arabes, qui offre « pour la première fois depuis le début du conflit une perspective d’avenir réaliste pour le peuple palestinien ».
Toutefois, ils insistent pour que soit réitéré « le soutien au droit d’Israël à défendre sa population et à établir des conditions futures lui permettant de vivre en paix et en sécurité », ainsi que l’exigence de la libération des otages et de l’accès humanitaire à Gaza.
L’Espagne, qui a adopté son Plan national contre l’antisémitisme en janvier 2023, aligné sur la stratégie européenne de l’UE, est félicitée dans la lettre pour son adhésion à l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).
Cependant, les dirigeants juifs réclament davantage d’actions pour lutter contre l’antisémitisme.
« Les mesures visant à lutter contre ce fléau doivent inclure l’amélioration des systèmes de signalement des crimes haineux, l’intégration de contenus éducatifs qui combattent les stéréotypes antisémites — y compris la stigmatisation et la délégitimation d’Israël —, la formation des forces de sécurité et le renforcement des ressources destinées à la protection de la communauté », décrivent-ils.
La lettre se termine par un appel impératif : « Il est également indispensable de faire la distinction entre la critique politique légitime et l’incitation à la haine, et de rappeler que lorsque l’on déshumanise Israël ou que l’on juge les Juifs pour les actions d’un État, on franchit une ligne dangereuse qui sape les valeurs démocratiques et de coexistence défendues par l’État espagnol »

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