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Les freins structurels de la France à sa réindustrialisation au cœur d’un rapport parlementaire disputé

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Des employés d'Alstom travaillent sur le site de production de matériel roulant du RER, à Petite-Forêt près de Valenciennes, dans le nord de la France.

Photo: PHILIPPE HUGUEN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

La France, autrefois une puissance industrielle majeure, fait face à un défi de taille : relancer son industrie dans un contexte de mondialisation, de crises économiques et de nouvelles normes écologiques restrictives.
Le rapport d’enquête parlementaire publié le 17 juillet par le député RN Alexandre Loubet, rapporteur de la commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation de la France, dresse le diagnostic des obstacles structurels, économiques et politiques qui entravent la relance industrielle du pays.
Après 54 auditions en quatre mois, de 47 personnalités dont de nombreux patrons et industriels, le rapport, intitulé « Bâtir la puissance industrielle : un défi français », formule 130 propositions pour encourager l’implantation d’usines et redynamiser le secteur industriel.
Cependant, le rapport, bien qu’adopté par les députés RN, UDR, LR et Modem, n’a pas été co-signé par le président de la commission, le député macroniste des Yvelines Charles Rodwell (EPR). Celui-ci invoque des « différences fondamentales et irréconciliables » avec le rapporteur Alexandre Loubet et par extension avec le RN, sur les sujets des retraites, de l’intégration européenne et des énergies renouvelables.
Le déclin industriel français
Le rapport commence par un état des lieux sans concession : l’industrie française a perdu du terrain au cours des dernières décennies. Depuis les années 1980, la part de l’industrie dans le PIB national est passée de 24 % à environ 10 % en 2025.
Cette désindustrialisation s’est traduite par la fermeture de milliers d’usines, la perte de millions d’emplois industriels et une dépendance croissante aux importations, notamment dans des secteurs stratégiques comme l’énergie, la santé ou les technologies de pointe.
Le texte souligne que cette érosion n’est pas une fatalité, mais le résultat de choix politiques, économiques et sociaux. Parmi les facteurs clés identifiés, on retrouve une fiscalité lourde, des réglementations complexes, un manque d’investissements dans l’innovation et une concurrence internationale accrue, notamment de la part de pays comme la Chine ou l’Allemagne.
La crise de la Covid-19, suivie des tensions géopolitiques et des crises énergétiques, a exacerbé ces faiblesses, révélant la vulnérabilité de la France face à la rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le rapport met également en lumière un paradoxe : malgré des atouts indéniables – une main-d’œuvre qualifiée, des infrastructures de qualité, un savoir-faire reconnu – la France peine à capitaliser sur ses forces.
Les régions industrielles, comme les Hauts-de-France ou la Lorraine, autrefois fleurons de l’industrie sidérurgique et automobile, sont aujourd’hui marquées par le chômage et le marasme économique. En cause, des freins structurels à la réindustrialisation.
Une fiscalité et une bureaucratie écrasantes
L’un des principaux freins identifiés par le rapport est la lourdeur du système fiscal et administratif français.
Les entreprises, en particulier les PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire), se heurtent à des taxes complexes et à des démarches administratives chronophages. Le rapport cite l’exemple de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des cotisations sociales, qui pèsent lourdement sur la compétitivité des industriels français par rapport à leurs homologues européens.
La complexité réglementaire est également pointée du doigt. Les normes environnementales, sociales et techniques, bien que nécessaires, sont souvent perçues comme un frein à l’innovation et à l’investissement.
Par exemple, obtenir des autorisations pour ouvrir une usine peut prendre des mois, voire des années, ce qui décourage les investisseurs. Le rapport suggère une simplification administrative, avec la création d’un guichet unique pour les projets industriels, afin de réduire les délais et les coûts.
Le député Alexandre Loubet a beaucoup insisté sur le besoin d’assouplir voire de supprimer les normes environnementales et climatiques, qu’il surnomme « impôts paperasses » ou « écologie punitive » accusée de « plomber la compétitivité des entreprises ».
Une main-d’œuvre qualifiée, mais mal valorisée
Si la France dispose d’une main-d’œuvre qualifiée, grâce à un système éducatif performant et des écoles d’ingénieurs réputées, elle souffre d’un déficit de valorisation des métiers industriels.
Les jeunes générations se tournent de moins en moins vers les carrières techniques, perçues comme moins attractives que les métiers du tertiaire ou du numérique. Le rapport insiste sur la nécessité de revaloriser les formations professionnelles et les filières industrielles, en impliquant davantage les entreprises dans la conception des cursus.
De plus, la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, comme la mécanique ou l’électronique, est aggravée par un manque de coordination entre les besoins des industriels et les politiques publiques de formation.
Le rapport propose de renforcer les partenariats entre les entreprises, les universités et les lycées professionnels pour mieux anticiper les besoins du marché.
La hausse préoccupante des prix de l’énergie
La crise énergétique mondiale a mis en lumière une autre faiblesse majeure : la dépendance de l’industrie française à des sources d’énergie coûteuses et instables.
Le rapport note que les hausses des prix du gaz et de l’électricité, exacerbées par les tensions géopolitiques, ont durement touché les industries énergivores, comme la sidérurgie ou la chimie.
Malgré les investissements massifs dans les énergies renouvelables, la France manque d’une stratégie énergétique claire pour garantir des coûts compétitifs à ses industriels, alors que le nucléaire apporte l’énergie la moins chère du marché, pilotable et décarbonée.
Le texte appelle à une accélération des investissements dans les infrastructures énergétiques, notamment dans le nucléaire de nouvelle génération, tout en plaidant pour des mécanismes de soutien aux entreprises confrontées à des factures énergétiques prohibitives.
Un manque d’investissement dans l’innovation
L’innovation est un autre point faible de l’industrie française. Bien que le pays dispose de champions industriels comme Airbus, Safran ou Sanofi, les investissements en recherche et développement (R&D) restent insuffisants par rapport à des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis.
Le rapport souligne que les aides publiques à l’innovation, comme le crédit d’impôt recherche (CIR), sont souvent mal ciblées et profitent principalement aux grandes entreprises, au détriment des PME.
Pour remédier à ce problème, le rapport propose de mieux orienter les financements publics vers les secteurs stratégiques, comme les technologies vertes, l’intelligence artificielle ou les matériaux avancés.
Il insiste également sur la nécessité de protéger les brevets français et de lutter contre l’espionnage industriel, notamment dans un contexte de concurrence accrue avec la Chine.
Les freins conjoncturels 
Outre les obstacles structurels, le rapport identifie des freins conjoncturels liés aux crises récentes. La pandémie de Covid-19 a révélé la dépendance de la France aux importations, notamment pour les produits pharmaceutiques et les équipements électroniques. Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, combinées à la hausse des coûts des matières premières, ont fragilisé de nombreuses entreprises.
Les crises géopolitiques, comme la guerre en Ukraine, ont également eu un impact direct sur l’industrie française, en augmentant les coûts de l’énergie et des matières premières comme l’acier ou l’aluminium. Le rapport souligne l’urgence de relocaliser certaines productions stratégiques, comme les semi-conducteurs ou les batteries électriques, pour réduire cette dépendance.
Enfin, les normes environnementales, de plus en plus strictes, imposent des investissements coûteux pour moderniser les usines et réduire les émissions de CO2. Sans un accompagnement financier et technique suffisant, de nombreuses entreprises risquent de ne pas pouvoir suivre le rythme.
Des propositions concrètes pour une réindustrialisation ambitieuse
Face à ce diagnostic, le rapport ne se contente pas de dresser un constat : il propose une série de recommandations pour relancer l’industrie française. Ces propositions s’articulent autour de quatre axes majeurs : simplification, compétitivité, innovation et relocalisation.
Pour lever les freins administratifs, le rapport suggère la création d’un « choc de simplification » pour les industriels. Cela inclut la mise en place d’un guichet unique pour les démarches administratives, la réduction des délais d’autorisation et la clarification des normes. Il propose également une réforme fiscale, avec une baisse ciblée des taxes sur la production et des cotisations sociales pour les entreprises industrielles.
Pour rendre l’industrie française plus compétitive, le rapport plaide pour une politique énergétique ambitieuse. Cela passe par des investissements massifs dans le nucléaire ainsi que par des mécanismes de soutien aux entreprises confrontées à la hausse des coûts énergétiques. Le rapporteur propose d’ailleurs « d’arrêter » tout financement public aux énergies renouvelables (solaire et éolien) et de démanteler la réglementation extra-financière et environnementale européenne.
Le rapport insiste sur l’importance de l’innovation comme moteur de la réindustrialisation. Il recommande de réorienter les aides publiques, comme le CIR, vers les PME et les secteurs stratégiques. Il propose également la création d’un fonds souverain pour financer les start-ups industrielles et les projets de R&D à haut potentiel.
Sur le plan de la formation, le rapport appelle à une revalorisation des filières techniques et à un renforcement des partenariats entre les entreprises et le système éducatif. Il suggère la mise en place de « campus industriels », réunissant universités, lycées professionnels et entreprises, pour former les talents de demain.
Enfin, le rapport met l’accent sur la relocalisation des industries stratégiques. Il propose des incitations financières pour encourager les entreprises à rapatrier leurs usines en France, ainsi qu’une politique de « patriotisme économique » pour favoriser les produits made in France. Cela inclut des mesures de protection contre la concurrence déloyale, comme des taxes sur les importations à bas coût ou des sanctions contre le dumping.
Le président de la commission, Charles Rodwell (Ensemble pour la République), a fait la liste de ses désaccords avec le rapport, portant sur les retraites, l’Europe et le climat. Le financement d’une réindustrialisation ne peut se faire, selon lui, que par le « financement des entreprises par la retraite par capitalisation », une problématique que « le RN refuse d’aborder ». Le président de la commission souhaite également promouvoir « la place des alliances industrielles à l’échelle européenne » face à la confrontation des États-Unis et de la Chine, et enfin un plan de « lutte contre le changement climatique » basé sur les énergies renouvelables, deux autres points sur lesquels le rapport s’oppose.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.