Opinion
Les #Gueux : un soulèvement citoyen contre la technocratie et l’écologie punitive

L'écrivain Alexandre Jardin, son livre Les Gueux à la main, lors d'une manifestation organisée par la Fédération des motards en colère (FFMC) contre les zones à faibles émissions (ZFE) à Paris, en France, le 17 mai 2025.
Photo: BASTIEN OHIER/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Alors que la France est écartelée entre une crise persistante du pouvoir d’achat et des politiques environnementales de plus en plus punitives, un nouveau mouvement citoyen a émergé des réseaux sociaux et des places publiques : les #Gueux.
Fondé par l’écrivain Alexandre Jardin, ce collectif, qui se revendique des « méprisés » et des « invisibles » de la société, a rapidement gagné en visibilité en s’attaquant aux zones à faibles émissions (ZFE), ces périmètres urbains interdisant l’accès aux véhicules dits polluants.
Mais au-delà de cette première victoire – la suppression des ZFE votée par l’Assemblée nationale en mai –, les #Gueux s’étendent désormais à d’autres fronts : la critique de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et le diagnostic de performance énergétique (DPE). Inspiré par les Gueux historiques du XVIe siècle, qui se rebellèrent contre l’oppression espagnole aux Pays-Bas, ce mouvement moderne incarne une révolte contre ce qu’il qualifie de « technocratie hors sol », déconnectée des réalités quotidiennes des Français modestes.
Dans un contexte où les Gilets jaunes de 2018-2019 semblent un souvenir lointain mais toujours vivace, les #Gueux représentent une nouvelle forme de mobilisation : non partisane, horizontale, axée sur des « causes après causes », comme le martèle Alexandre Jardin sur les réseaux sociaux.
Avec plus de 126.000 abonnés sur X pour son fondateur et un site officiel lancé en juillet, le mouvement compte déjà des milliers d’adhérents et des soutiens variés, des motards en colère aux maires ruraux. Mais qui sont vraiment ces Gueux du XXIe siècle ? Comment ont-ils réussi à faire plier le gouvernement sur les ZFE en quelques mois ? Et vers où se dirige cette vague de contestation qui pourrait bien secouer la rentrée politique ?
Une révolte née de l’exclusion automobile
Tout commence en janvier 2025, lorsque les ZFE entrent en vigueur renforcée dans quatre grandes villes : Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier. Ces zones, destinées à réduire la pollution en interdisant les véhicules Crit’Air 3 (diesels d’avant 2011 et essences d’avant 2006), touchent potentiellement 20 millions de Français, selon les estimations du mouvement. Pour Alexandre Jardin, écrivain prolifique et militant de longue date – il a fondé Lire et Faire Lire en 1999 et Bleu Blanc Zèbre en 2014 –, c’est la goutte de trop. « Les ZFE créent des sous-citoyens, des bannis, des gueux », écrit-il dans son pamphlet Les #Gueux, paru fin mars 2025 aux éditions du Rocher. Le livre pointe la « ségrégation sociale » imposée par ces mesures et devient le manifeste du mouvement.
Alexandre Jardin, qui se décrit comme un « citoyen engagé » plutôt qu’un politicien, lance le collectif sur les réseaux sociaux début janvier. Le nom « Gueux » est un clin d’œil historique : au XVIe siècle, les nobles néerlandais, insultés de « gueux » (mendiants) par un conseiller espagnol, adoptèrent le terme pour symboliser leur résistance à l’oppression. « Aujourd’hui, les gueux sont les oubliés des villes, ceux qui ne peuvent pas s’offrir une voiture électrique à 30.000 euros », explique Alexandre Jardin dans une interview au Figaro en mai 2025. Le mouvement dénonce une « écologie pour les riches » : aliments bio inaccessibles, logements éco-responsables hors de prix, et maintenant des villes réservées aux plus aisés.
Dès mi-février, les premiers rassemblements sont modestes, mais ils attirent des profils divers : artisans, retraités isolés, jeunes sans permis, et des associations comme la Fédération française des motards en colère (FFMC) ou la Ligue de défense des conducteurs (LDC). Le 6 avril, une grande manifestation à Paris rassemble des centaines de participants, majoritairement des motards, devant l’Hôtel de Ville. « C’est une écologie non violente que nous défendons, pas une qui exclut les pauvres pour que les riches respirent mieux », clamait Alexandre Jardin lors d’une prise de parole.
La victoire sur les ZFE : un coup d’éclat législatif
Le tournant arrive le 17 mai, avec une mobilisation nationale à Paris et Lyon. Les #Gueux, soutenus par des élus locaux comme Gilles Gascon (maire LR de Saint-Priest), Bastien Joint (conseiller municipal LR à Caluire-et-Cuire) et Laurent Jaoul (maire de Saint-Brès), mettent en garde contre une révolte « plus violente que les Gilets jaunes ». « Les ZFE sont brutales, injustes et idéologiques », a déclaré Gilles Gascon au Figaro. La pression monte : pétitions en ligne, vidéos virales sur X, et un lobbying discret auprès des députés.
Le 28 mai, l’Assemblée nationale vote la suppression des ZFE, une victoire inattendue pour un mouvement naissant. « Je me battrai jusqu’à ce que notre pays soit reconnecté », réagit Alexandre Jardin. Cette décision, qui soulage des millions d’automobilistes modestes, propulse les #Gueux sur le devant de la scène. Le collectif gagne en légitimité, attirant des soutiens inattendus, y compris de figures politiques comme François Bellamy, qui signe une tribune contre la hausse des factures d’électricité en août.
Mais Alexandre Jardin ne s’arrête pas là. « Les #Gueux ne sont pas un feu de paille. C’est un bien commun pour faire gagner le peuple méprisé contre les pulsions autoritaires de la technocratie », poste-t-il sur Facebook le 13 juillet. Le mouvement officialise son statut d’association loi 1901 le 24 juillet.
L’expansion : des éoliennes à la crise énergétique
Fort de sa victoire, les #Gueux élargit son champ d’action. Fin juin, le collectif s’attaque au déploiement des éoliennes, qualifiées de « nuisances imposées par les élites ». Le 28 juin, une mobilisation nationale est lancée à Cherbourg et ailleurs, en opposition au projet de loi énergie qui prévoit un moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque. Les raisons ? Une « écologie normative » qui ignore les impacts locaux : nuisances sonores, visuelles, et hausse des factures d’électricité.
Le mouvement cible également la PPE3, dont le décret a failli être signé début août. Une tribune publiée le 12 août 2025 dans Le Figaro, intitulée « Pour éviter une crise sociale, il faut renoncer à tout décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie » et signée entre autre par François-Xavier Bellamy, Alexandre Jardin, David Lisnard et Robert Ménard, a mis le doigt sur l’absurdité de ce projet énergétique pharaonique. La tribune donne le ton : « La PPE3, en l’état, est un projet qui, sous couvert de transition énergétique, risque de faire exploser les factures d’électricité des ménages et des entreprises. » Selon le collectif, ce décret, s’il était adopté, consacrerait une hausse artificielle des prix de l’énergie, déconnectée des coûts réels de production.
Autre front : le DPE, accusé d’aggraver la crise du logement. « Sur les 3 dernières années, l’offre locative a chuté de 32 % », dénonçait M. Jardin le 16 août. Les #Gueux appellent à un moratoire, soulignant comment ces diagnostics excluent les propriétaires modestes du marché.
Une crise sociale en gestation
La tribune du Figaro met en garde contre un risque majeur : celui d’une crise sociale d’ampleur. En France, où le pouvoir d’achat est une préoccupation constante, toute mesure perçue comme augmentant le coût de la vie est explosive. Ce discours résonne particulièrement dans les territoires ruraux et périurbains, où les ménages sont déjà fragilisés par la hausse des prix de l’énergie et des carburants.
Le parallèle avec les Gilets jaunes est frappant. En 2018, l’augmentation de la taxe carbone sur les carburants avait déclenché une vague de colère dans les classes populaires, qui se sentaient sacrifiées sur l’autel de la transition écologique. Aujourd’hui, la PPE3 est perçue comme une nouvelle taxe déguisée, imposée sous couvert de verdissement de l’économie. « Les Français ne sont pas contre l’écologie, mais ils refusent de payer pour des choix qui profitent aux multinationales de l’énergie », explique un porte-parole des #Gueux lors d’un rassemblement à Paris.
Les chiffres donnent du poids à ces inquiétudes. Selon une étude de l’Institut Montaigne, les ménages français consacrent en moyenne 15 % de leur budget à l’énergie (électricité, chauffage, carburant). Une hausse des tarifs, même modérée, pourrait pousser des milliers de foyers dans la précarité énergétique. Dans ce contexte, la décision du gouvernement de temporiser sur la publication du décret de la PPE3 apparaît comme une tentative d’apaiser les tensions, mais elle ne résout pas le problème de fond : le manque de confiance dans les institutions.
Les « #Gueux » : un mouvement protéiforme mais structuré
Ce qui distingue les #Gueux des mouvements précédents, c’est leur capacité à fédérer des acteurs d’horizons divers. Contrairement aux Gilets jaunes, qui étaient largement spontanés, les #Gueux s’appuient sur une organisation structurée, avec des relais dans les médias, les réseaux sociaux et les cercles politiques. Alexandre Jardin, par exemple, appelle à une mobilisation massive pour « enrôler toutes les forces sociales, professionnelles, artistiques, politiques ». Cette stratégie vise à transformer une grogne localisée en un mouvement national, capable de peser sur les décisions gouvernementales.
Le mouvement bénéficie également du soutien d’élus locaux, notamment dans les régions rurales, où les éoliennes sont souvent mal acceptées. Les maires de petites communes dénoncent l’impact visuel et environnemental des parcs éoliens, ainsi que le manque de retombées économiques pour les territoires. « On nous impose des éoliennes, mais l’électricité produite ne profite pas à nos habitants. Elle part dans les grandes villes ou à l’export », confie un élu de la Creuse.
Vers une révolution culturelle ?
Les #Gueux visent une « révolution culturelle » contre la « culture du mépris ». « Sortir du piège du jugement radical », postait Alexandre Jardin le 17 août. Avec le soutien aux agriculteurs le 29 août et la lutte contre la hausse des factures, le mouvement s’ancre dans le quotidien. « Nous, peuple de France, on va laisser ça se faire sans rien dire ? NON », lance-t-il.
En écho aux Gueux historiques, qui menèrent à l’indépendance des Pays-Bas, ce mouvement pourrait redessiner le paysage citoyen français. Reste à voir si cette révolte des « invisibles » survivra aux divisions politiques ou deviendra une force durable. Une chose est sûre : en 2025, les #Gueux ont rappelé que le peuple, quand il s’unit, peut faire trembler les élites.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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